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Le professeur Guy Atlan, Président de l'Observatoire des usagers de l'assainissement en Ile-de-France, lors de son discours |
Un mot d'abord de la position où je me retrouve aujourd'hui.
Je me découvre "expert du sujet de l'eau et de l'assainissement". Un peu gêné et mal à l'aise car cette reconnaissance ne résulte pas d'un parcours professionnel ayant permis de construire un savoir et une réflexion élaborée. Elle procède d'une expérience très récente qui est celle d'un rapport fait pour le Conseil Economique et Social de la Région Ile de France sur les boues issues des stations d'épuration et c'est là que j'ai découvert cette question et les débats qu'elle soulevait.
Ma carrière de médecin menée exclusivement à l'hôpital et l'université, orientée avant tout sur la recherche à travers l'Inserm surtout, ne m'ont jamais vraiment conduit à l'étude de l'eau et de l'assainissement. Effet d'inculture probablement car ces questions sont importantes comme on le sait. Mais devrais-je dire aussi que c'est parce que le traitement qui leur est appliqué est dans l'ensemble satisfaisant que ces questions ne constituent pas un enjeu de santé publique tel, qu'il ouvre une interrogation vers tous les publics. Quant les choses marchent et plutôt bien, le sentiment qui domine est celui de l'absence de problème. Ce fut mon cas avant d'étudier les boues d'épuration. Et pourtant...
Avant de dessiner ce que pourrait être le rôle cet observatoire, un mot sur l'initiative que prend le SIAAP.
Que l'assainissement soit une question d'intérêt public, cela va de soi. Mener cette mission au mieux de cet intérêt public c'est la mission du SIAAP, avec les choix techniques qui s'imposent. Cependant, nous vivons un temps où les missions publiques, même menées à des niveaux aussi pertinents soient-ils, ne peuvent se concevoir sans une information solide pour les accompagner et sans que les citoyens, utilitaires de ces services, puissent intervenir pour dire leur sentiment. C'est l'honneur des responsables du SIAAP de porter cette exigence et d'en ouvrir le champ, car faire bien sa besogne est certes normal mais admettre aussi le regard de l'autre sur celle-ci, c'est encore mieux. Car qui oserait dire en effet que le regard de cet autre est superfétatoire, et qu'en effet, à côté de l'idée de bien faire son travail, on peut aussi admettre qu'il ne le devient vraiment que s'il rencontre l'assentiment du plus grand nombre. Ouvrir cet observatoire est en tout cas un engagement fort que prend le SIAAP.
Mais venons-en à l'essentiel...
Quelques principes sont à avancer pour la tenue de cet observatoire, ceux que je propose ici et qui s'enrichiront évidemment avec les apports les autres membres de cet observatoire.
Le premier de ceux-ci, à mes yeux du moins, presque une condition à l'existence de cet observatoire, c'est
son indépendance. Née sous les auspices du SIAAP, sa réalité n'aurait de sens si l'Observatoire intervenait comme courroie de transmission de celui qui préside à sa naissance, signifiant par là que le fonctionnement du SIAAP et ses choix stratégiques se trouveraient à priori avalisés. Cette notion d'existence propre de l'Observatoire vis-à-vis du SIAAP conduit, à mes yeux toujours, à un second principe.
Ce second principe, c'est l'engagement que me semble devoir prendre le SIAAP devant l'observatoire, sur
un devoir d'information sur tous les secteurs du domaine, ses choix stratégiques et la façon de les mener. La liste des différents points avancés sous cet angle sera celle les différents membres de l'observatoire. J'en énumère quelques-uns :
- les choix techniques retenus selon les stations pour le traitement des eaux et la production du produit final, les boues d'épuration ; la certification des processus de fabrication et leur cohérence avec la législation en vigueur.
- le niveau effectif d'épuration des eaux usées de l'agglomération parisienne du fait de l'existence d'un réseau collectif unitaire (collection conjointe des eaux usées et des eaux de pluie) ; les facteurs qui interviennent pour faire que cette épuration n'est pas en permanence à un niveau optimal puisqu'elle se traduit nécessairement par un rejet d'une part d'eaux non traitées dans les cours d'eau dont la Seine ; ses variations dans l'année et les saisons et les mesures entreprises pour y remédier.
- les différents modes de valorisation des déchets issus des stations dont les boues qui en sont le produit principal ; à côté de leur utilisation en agriculture, les recherches entreprises pour leurs autres utilisations pour la mise à profit de leur valeur énergétique (méthane, cimenteries, oxydation humide …) ; la part de l'incinération et de la mise en décharge qui sont deux modes qui tournent le dos à la valorisation et qui mériteront d'être discutés en tant que tels.
Le troisième, le grand chapitre dirai-je, c'est la mise en œuvre de moyens permettant
le recueil des observations autour de tout ce qui touche à l'assainissement :
- recueil des observations sur les nuisances, sur les odeurs et les dispositifs qui existent et leur efficacité (jury du nez), sur le bruit, avant tout pour les habitations placées dans un voisinage de stations ou celles proches des lieux de stockage des boues ou exposées aux inconvénients liés aux transports des déchets issus des stations ; le problème de dénaturation des paysages par l'implantation des usines, par l'existence de décharges non encore éradiquées, par les ouvrages de stockage des réservoirs des eaux de pluies, etc.
- un problème plus ancien est celui de la pollution des sols qu'entraîna des pratiques anciennes et pour lesquelles il y a lieu d'en gérer les conséquences aujourd'hui. Des programmes de dépollution des sols sont ou ont été lancés et il serait bon que l'observatoire se saisisse des résultats déjà obtenus, en assure la publicité et éventuellement recommande avec des moyens qui restent à trouver, leur accélération
- le caractère responsable que devra manifester cet observatoire sera aussi que tout saisissement d'observations devrait déboucher, dans l'ensemble, vers des propositions ou recommandations lorsqu'il se retournera vers le SIAAP, assorti d'un suivi.
- les moyens qui présideront à cette action de recueil des observations faites par les habitants seront définis avec les membres de cet observatoire ; la mise en place d'un site et une publicité large organisée autour de celui-ci devrait, entre autres moyens, ouvrir largement cette action incitative à l'expression des citoyens.
Le quatrième ordre de tâches dont devrait se saisir l'observatoire, toujours à mes yeux, sera de mener des actions conjointes avec tous les partenaires pour
faire connaître ce qu'est l'assainissement qui est l'affaire de tous. Nous sommes tous producteurs de déchets, dont les eaux usées : il importe que leur élimination se fasse dans des conditions qui respectent le milieu dans lequel nous vivons pour préserver la santé de nos concitoyens. L'ignorance des publics sur cette question est frappante, de même qu'est saisissante l'idée selon laquelle les nuisances et déchets commencent à "exister" que s'ils viennent du voisin ! Cette action de sensibilisation est par nature collective et citoyenne, elle passe évidemment par l'éducation, mais aussi par la nécessaire connaissance des coûts qu'elle conditionne. On est pollueur donc on paie pour sauvegarder son milieu naturel, ce qui est d'ailleurs assez bien admis.
Pour mener à bien les tâches de sensibilisation de tous les publics et conduire à meilleure connaissance des étapes utiles à un bon assainissement, il faut que les actions passent par l'école avec les enfants, ce qu'il faut faire et ne pas faire car ils deviennent de bons pédagogues auprès de leurs parents, l'apporter dans les lieux publics sur des panneaux permanents, faire apparaître clairement son prix dans les factures d'eau (l'assainissement figure en général sur celles-ci) pour le porter à la connaissance de tous (ce qui est loin d'être fait notamment pour les immeubles collectifs), convaincre les édiles municipaux de donner des explications sur les enjeux de l'assainissement à travers les politiques menées et pour lesquelles un impôt est prélevé etc.
L'idée de localiser cet observatoire dans une "cité de l'eau" à Colombes me semble bonne car miser sur des citoyens responsables parce qu'informés des enjeux d'un assainissement judicieusement mené, est là la meilleure chance de participation de tous à la préservation pour les générations futures du milieu naturel dans lequel nous vivons.
Ce sont là les quelques lignes générales qu'il me semblait utile de présenter pour marquer le démarrage de cette initiative : il tiendra surtout à l'ensemble des partenaires de cet observatoire d'en modifier et surtout en agrandir le périmètre.
Contact : Direction de la communication : T.01 44 75 44 12 - F.01 44 75 44 14
Le docteur Guy Atlan est professeur honoraire à l'Université de Paris XII et praticien à l'Hôpital Henri Mondor à Créteil. Il a été directeur d'une unité de recherche de l'Inserm (unité de physio-pathologie respiratoire de 1985 à 1997) et directeur de l'Institut Fédératif de Recherche - IM3 (Institut Mondor de Médecine Moléculaire).
Actuellement, il est membre du troisième collège du Conseil Économique et Social Régional (CESR) d'Ile-de-France et intervient dans différentes commissions dont notamment, Agriculture, environnement et ruralité et Santé, solidarité et affaires sociales.
En février 2003, il a notamment réalisé un rapport au nom de la commission de l'agriculture, de l'environnement et de la ruralité, portant sur la question des boues d'épuration et de leurs perspectives de gestion en Ile-de-France.