Introduction : Le contexte géostratégique de la gestion de l'eau
par William COSGROVE, Président du Conseil mondial de l'eau et
Loïc FAUCHON, Vice-président du Conseil mondial de l'eau
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William Cosgrove, président du Conseil mondial de l'eau
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L'
année internationale de l'eau touche à sa fin. Elle a connu plusieurs événements importants sur le plan international comme le
Forum de Kyoto ou la
conférence du G8 à Evian. Des centaines de réunions se sont tenues sur tous les continents, tel le colloque organisé le 18 décembre au Sénat par les associations d'anciens élèves des trois grandes écoles AGRO Paris-Grignon, l'ENA et Polytechnique sur le thème " la gestion de l'eau pour de nouvelles solidarités ".
Pour autant, quels sont les progrès réalisés ?
Sommes-nous vraiment engagés sur la voie tracée par les
Objectifs du Millénaire ?
Force nous est de constater que rien n'est moins sûr. La conférence internationale "
Water for the Poorest " organisée par la Norvège à Stavanger en novembre dernier a tiré la sonnette d'alarme, les chiffres annoncés récemment par la
FAO montrent que sur le front de la faim la situation est très critique et que des régressions sont en cours. Rien n'est donc gagné et la mobilisation de tous reste une priorité.
Les conférences internationales ont l'avantage de permettre de placer les grandes questions de société au premier plan de l'actualité et donnent au monde politique l'opportunité de se les approprier, ce qui constitue à l'évidence un premier pas dans la bonne direction. Mais, comme au rugby, il convient ensuite de transformer l'essai et de faire que l'action sur le terrain soit la suite logique de la rhétorique. C'est ici que le bas blesse. Le temps presse pour atteindre les Objectifs du Millénaire qui requièrent qu'au moins 200.000 personnes supplémentaires par jour soient raccordées à l'eau potable et 400.000 à un réseau d'assainissement. Chaque jour qui passe sans que de nouvelles ressources ne soient mobilisées rend ainsi la tâche plus difficile.
Une des principales raisons à cet état de fait est que les ressources financières pour les services et les infrastructures de l'eau manquent cruellement et que la tendance à la décroissance observée depuis la seconde moitié des années 90 perdure. L'eau n'est pas aujourd'hui dans les priorités des gouvernants ou des financiers. La demande de financement d'infrastructures et plus généralement de projets liés à l'eau des pays en voie de développement reste faible. Elle est bien moindre que celle relative aux télécommunications ou aux transports. Ces investissements sont sans doute porteur d'une image plus attrayante, emprunte de modernisme et s'accompagnent d'une rentabilité, notamment politique, plus grande.
Aux yeux des institutions financières, le secteur eau souffre de deux handicaps. Sa forte intensité en capitaux et sa faible rentabilité à court terme le rendent moins attractif que les autres secteurs. Les services de l'eau ne sont par ailleurs que très rarement payés à leur juste coût car le caractère vital de l'eau conduit les pouvoirs publics à la subventionner. Cette difficulté de recouvrement des coûts, associée à une gouvernance et à une efficacité des services publics jugée faible, fait de l'eau un secteur à risque à éviter.
Comment sortir de ce cercle vicieux? Il n'y a pas de recette miracle, mais la bonne nouvelle est que les ressources financières sont disponibles si tous les acteurs se décident à mettre de l'eau dans... leurs priorités. Aujourd'hui les investissements dans le secteur eau apparaissent très rarement dans les Stratégies des Pays pour la Réduction de la Pauvreté, dans les plans de développement ou dans les budgets des Etats. Or, le monde international n'intervient que dans les secteurs figurant dans les priorités des gouvernements.
Remettons les choses à leur place, l'eau potable doit passer avant le portable ! Investir dans l'eau c'est investir dans le futur. C'est investir pour la santé, l'éducation, l'agriculture et l'énergie. C'est investir dans la diminution des risques d'inondations et des sécheresses. A long terme, les bénéfices économiques, sociaux et financiers des investissements dans les infrastructures et les services de l'eau dépassent largement leurs coûts. Le développement des pays du nord qui ont fait de ces investissements une de leurs priorités en fournit une illustration très concrète. L'Etat et les collectivités locales françaises par exemple se sont constitué un patrimoine de 200 milliards d'Euros et continuent d'investir environ 4 milliards d'Euros par an dans le secteur eau et assainissement !
Comme l'indique le rapport "
Financer l'eau pour tous 1 ", tous les acteurs, des institutions financières internationales aux communautés de base, ont leur rôle à jouer. Assouplir les règles de financement des collectivités locales, mettre en place des outils de réduction des risques spécifiques du secteur, impliquer les communautés les plus démunies dans le fonctionnement de certains services, développer l'aide, y compris par des mécanismes comme le centime de l'eau d'ores et déjà mis en place par certains syndicats d'eau potable, voire annuler des dettes en échange de la mise en place de projets en faveur de l'eau. Autant de mesures à mettre en place qui doivent inciter les acteurs à participer à cet effort collectif.
Un des maillons clés qui nous rapprochera des Objectifs du Millénaire est celui des collectivités locales. C'est bien à leur échelle que se traitent les problèmes. Or très souvent les décentralisations leur ont transféré les problèmes sans les ressources ni les compétences pour y faire face. Faciliter l'accès des collectivités locales aux capitaux suppose de lever plusieurs verrous, de renforcer leurs compétences et leurs capacités de gestion, et de leur transférer les pouvoirs et les ressources financières, techniques et surtout humaines nécessaires a l'accomplissement de leurs missions.
Les Objectifs du Millénaire ne se traduisent pas qu'en monnaie trébuchante mais aussi en nombres de personnes à former d'ici 2015.
Une des autres clés du succès sera d'aller vers un recouvrement des coûts du service, progressivement, au rythme du développement des pays. Même lorsque ces coûts sont en bonne part mutualisés pour permettre aux pauvres de payer leurs factures d'eau, il faut rappeler que les plus pauvres, ceux qui n'ont pas accès à l'eau potable, les principaux bénéficiaires des Objectifs du Millénaire donc, paient en attendant l'eau plus cher que ceux qui y ont déjà accès. Il ne faut pas que le droit à l'eau d'une partie de la population conduise de fait à la négation du droit à l'eau des autres!
N'oublions pas que
les Objectifs du Millénaire et l'année 2015 sont là surtout pour nous rappeler l'urgence à nous mettre au travail. En effet, lorsque ces objectifs seront atteints, seule la moitié de la distance aura été parcourue ! D'ici là, il faut maintenir la pression en organisant un suivi des progrès. Les prochains Forums mondiaux de l'eau organisés tous les trois ans par le Conseil mondial de l'eau installé à Marseille depuis 1996, seront utilisés à cet effet. Rendez-vous en 2006 pour le prochain Forum qui sera organisé à Mexico avec le gouvernement de ce pays !
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1.
En souscrivant à l’un des objectifs du millénaire tous les Etats membres des Nations Unies se sont engagés pour 2015 à :
Réduire de moitié la proportion de personnes n’ayant pas accès à une eau potable saine.
Au Sommet de la Terre à Johannesbourg fut pris l’engagement supplémentaire pour 2015 de :
Réduire de moitié la proportion de personnes n’ayant pas accès à un assainissement de base.
in Rapport du Panel mondial sur le financement des infrastructures de l’eau PRÉSIDENT : MICHEL CAMDESSUS - RAPPORTEUR : JAMES WINPENNY / Financer l’eau pour tous, p 2
3
ème Forum mondial de l'eau de Kyoto, mars 2003
Télécharger l'intégralité du rapport disponible sur Waternunc.com, format Pdf, 514 kO
Liens contenus dans cette page et complément d'information
- site du Conseil mondial de l'eau
Lire aussi sur Waternunc.com les communiqués du Cme pour 2003
- site de l'année internationale de l'eau (2003)
- site du 3ème forum mondial de l'eau : Forum de Kyoto
- communiqués de la FAO (Organisation des Nations-Unies pour l'alimentation et l'agriculture) disponible sur Waternunc.com pour 2003
- site de la conférence du G8 à Evian (juin 2003)
- site de l'Organisation des Nations Unies concernant les Objectifs du Millénaire. Les 191 Etats Membres de l'ONU se sont engagés à réaliser, d'ici à 2015, les 8 objectifs suivants : 1- Réduire l'extrême pauvreté et la faim / 2- Assurer l'éducation primaire pour tous / 3- Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes / 4- Réduire la mortalité infantile / 5- Améliorer la santé maternelle / 6- Combattre le VIH/sida, le paludisme et d'autres maladies / 6- Assurer un environnement durable / 7- Mettre en place un partenariat mondial pour le développement
- site de la conférence Water for the Poorest tenue à Stavanger en Norvège les 4 et 5 novembre 2003
Secrétariat Général du colloque AGRO-ENA-X
REGARDS International
8, rue Fallempin - 75015 Paris
contact : Olga JOHNSON
Tél : 01 45 78 18 50 - Fax : 01 45 77 73 61
E-mail :
o.johnson@regards-international.com
Site internet :
www.regards-international.com
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