Introduction
L’évaluation des risques liés à la contamination des sols et de l’eau par les prions
susceptibles de résulter des effluents et des boues d’abattoirs et d’équarrissages requiert
l’évaluation qualitative et quantitative des fragments de matériels à risque spécifiés (MRS)
qu’il est possible de retrouver dans les effluents à la sortie de ces structures, et le niveau
d’infectiosité possible de ces effluents et de ces boues.
Pour cela, l’analyse a été conduite en trois étapes :
- Première étape :
1. détermination des sites et postes où des fragments de MRS peuvent être évacués
par les eaux usées.
2. essai d’estimation quantitative de la masse des fragments à risque issus des
carcasses.
Cette première partie a permis une évaluation de la charge possible en MRS de l’eau qui
arrive en tête de la station de pré-traitement installée dans les abattoirs.
- Une deuxième étape comprend une description des pré-traitements effectués dans
les abattoirs et un essai d’évaluation quantitative de leur capacité à éliminer les
fragments de MRS contenus dans les effluents. Cette étape a pour but d’estimer le
niveau d’infectiosité possible de l’eau sortant des abattoirs et destinée à entrer en
station d’épuration, que cette station soit propre à l’établissement ou qu’il s’agisse
d’une station collective communale.
- La troisième étape consiste, à partir des données recueillies, à évaluer et modéliser
le risque.
.../...
III Avis du CES EAUX
Le CES EAUX a été sollicité par le CES ESST le 18 décembre 2002 pour répondre à la
demande d’appui scientifique et technique. Il s’agit :
-de l’étude du comportement en station d’épuration des particules de nature protéique de
quelques microns susceptibles de contenir du prion et qui sont issues du réseau
d’évacuation des effluents d’abattoir ;
-de l’identification des voies de contamination par le prion des animaux via l’environnement.
Sa réponse se trouve en annexe 3.
IV Avis et recommandations du CES ESST
La dissémination de prions d’origine bovine dans l’environnement via les féces n’est pas
considéré comme un risque connu et a été considéré comme négligeable. La contamination
des eaux de surface et souterraines est donc uniquement envisagée à partir des eaux et
boues issues des abattoirs et des équarrissages à travers leur devenir dans
l’environnement.
En premier lieu, il est à noter que le risque actuel de dispersion de l’agent infectieux dans
l’environnement par l’intermédiaire des eaux et boues à la sortie des stations d’épuration ne
peut qu’avoir décrû de façon significative du fait de l’application des mesures de lutte contre cet agent pathogène et de la diminution des cas d’animaux infectés.
A- Conclusions de l’analyse :
L’analyse menée par les experts a permis :
-de réaliser des mesures pondérales à différents postes de la chaîne d’abattage qui montrent
que des fragments de tissus potentiellement infectieux sont susceptibles de se retrouver
dans les effluents issus des abattoirs.
-d’effectuer des essais de quantification de marqueurs issus du système nerveux central
(dosages de la PrP et de la GFAP) dans les effluents prélevés en aval de la station de prétraitement.
Ces mesures et/ ou la fiabilité des méthodes employées n’ont pas permis
d’évaluer de façon fiable la quantité de système nerveux central présents dans ces effluents.
-de révéler l’absence de données scientifiques concernant le devenir de l’infectiosité lors du
passage en station d’épuration et dans les rejets issus de ces stations.
B- Recommandations du Comité :
Concernant spécifiquement les abattoirs, le Comité recommande de :
- mener une enquête sur un nombre d’établissements statistiquement
significatif et représentatif du parc national d’abattoirs, permettant une
évaluation quantitative précise de la présence de fragments de système
nerveux central dans les effluents et la détermination de l’effet des prétraitements,
et d’en déduire ce qui est pertinent pour diminuer la charge en
éléments infectieux ;
- identifier le ou les marqueurs spécifiques du système nerveux central
(notamment de la moelle épinière) permettant d’évaluer la teneur en tissus
potentiellement infectieux dans les diverses eaux issues des établissements
et notamment celles issues des installations de pré-traitements et destinées
aux stations d’épuration, et mettre en place un système de contrôle continu ;
- déterminer la partition de l’agent infectieux au contact des boues activées
(biologiques) et d’évaluer le degré d’inactivation de l’agent résultant de ce
traitement. En l’absence de données concernant ce dernier point, le Comité
attire l’attention sur le risque de présence résiduelle d’infectiosité associée à
ces boues. En effet, sous certaines conditions, ces boues pourraient
concentrer l’agent pathogène s’il n’est pas dégradé en leur présence.
Concernant spécifiquement les équarrissages, et devant le manque d’informations
disponibles, le Comité recommande de mener une enquête exhaustive visant à identifier les
points à risque et à faire un relevé des mesures mises en œuvre pour s’assurer de l’absence
de dispersion des MRS.
C- Réponses à la saisine de l’Afssa en date du 3 septembre 2002 :
A la question des risques de contamination des sols et de l’eau par le prion susceptibles de
résulter des effluents et des boues d’abattoirs, le Comité estime ne pas disposer de données
scientifiques suffisantes pour fournir un avis étayé. Il apparaît néanmoins que l’essentiel du
risque serait lié à l’épandage des boues.
A la question des risques sanitaires liés à la consommation d’eau produite à partir de prises
d’eau situées en aval d’établissements d’équarrissage, l’ensemble des considérations
énoncées ci-dessus pour les abattoirs s’appliquent aux équarrissages avec les particularités
suivantes :
- la charge infectieuse totale entrante dans ces installations est nettement
supérieure (du fait de l’incidence de l’ESB détectée en équarrissage qui est
30 à 40 fois supérieure à celle mesurée en abattoir et du fait que l’ensemble
des MRS collectés en abattoir converge vers les équarrissages) ;
- cette surcharge est en partie contre-balancée d’une part par l’application de
traitements spécifiques à certains effluents considérés comme présentant un
risque supérieur, et d’autre part par la présence de stations d’épuration
dédiées et autonomes.
A la question relative à l’efficacité des traitements en terme d’inactivation de l’agent
pathogène, le Comité a fourni un rapport d’analyse sur la technologie des oxydeurs
thermiques le 15 janvier 2003. A ce stade, aucune comparaison avec d’autres méthodes n’a
été réalisée. Cependant, les résultats de la demande d’éléments complémentaires émanant
du CSHPF section des eaux concernant le traitement des effluents d’une usine
d’équarrissage traitant des matières à haut risque, laissent apparaître de fréquents
dysfonctionnements, d’une part en ce qui concerne la capacité du système à traiter les
effluents (en effet, il a été noté que lors de défaillances techniques, des eaux
incomplètement traitées sont rejetées vers le milieu naturel), et d’autre part en ce qui
concerne l’ultrafiltration, outre le fait que ce système se soit révélé peu fiable, le rapport
n’apporte pas d’éléments permettant d’en apprécier l’efficacité au regard des prions.
L’ensemble de ces informations permet de confirmer l’importance de la prévention des
contaminations des effluents par les MRS en amont de la station de traitement des eaux.
D- Axes de recherche à développer :
1-1 Définition des besoins :
A l’issue de cette analyse, le Comité a identifié des axes de recherche qui sont à développer
afin d’acquérir des connaissances scientifiques et techniques complémentaires. Il s’agit
notamment :
-
En ce qui concerne le comportement de l’agent pathogène :
- du devenir de l’agent au contact des boues de stations d’épuration ( études
des phénomènes de biodégradations aérobies ou anaérobies, adsorption,
inactivation physicochimique...).
- de l’effet de concentration de l’agent par saturation des surfaces (intégration
dans les biofilms, dans les dépôts de canalisations...).
- de la filtration de l’agent à travers les sols.
-
En ce qui concerne les méthodes de détection :
- d'identifier un ou plusieurs marqueurs très spécifiques du système nerveux
central et de développer les méthodes d'analyse de ce marqueur permettant
sa mesure dans les effluents des stations de pré-traitement et d'épuration.
- de valider les méthodes d'analyse capables d'étudier le devenir de l'agent
infectieux responsable de l'ESB au contact des boues des stations
d'épuration.
1-2 Moyens à mettre en œuvre :
Une partie des moyens à mettre en œuvre pour répondre aux besoins ont été définis avec
l’aide d’experts du CES EAUX et d’experts externes à l’Agence. Il s’agit :
-
Identifier des marqueurs, couplés à une technique de détection sensible, permettant de
suivre les tissus nerveux centraux dans le circuit des effluents
L’utilisation de marqueurs aurait pour objectif d’évaluer la quantité totale de tissus nerveux
dans les effluents des abattoirs ainsi que le facteur de dilution de l’agent pathogène dans les effluents et son adsorption aux surfaces. Par ailleurs, cette technique pourrait également être appliquée sur le terrain pour vérifier la qualité des eaux rejetées par les abattoirs dans le milieu naturel. Il faudrait alors prévoir un plan d’échantillonnage national.
Deux types de marqueurs pourraient être utilisés :
-des marqueurs
exogènes qui seraient artificiellement ajoutés avant les différents prétraitements
au sein des établissements concernés, puis détectés à différentes étapes du
processus. De tels marqueurs pourraient notamment être composés de peptides présentant
des caractéristiques physico-chimiques similaires à la PrP-res (peptides bêta amyloïdes, PrP
recombinante) qui pourraient être couplés à des billes magnétiques ou à un fluorophore pour
faciliter leur détection. Il est également envisageable d’utiliser des homogénats de tissus
nerveux d’animaux fluorescents de façon artificielle (couplage à un fluorophore) ou
spontanée (tissus provenant d’animaux transgéniques exprimant une protéine fluorescente,
comme la GFAP).
-des marqueurs
endogènes spécifiques du système nerveux central. Si les deux marqueurs
évalués durant cette étude (PrP, GFAP) s'avéraient définitivement inutilisables, il faudrait
essayer d'identifier d'autres molécules spécifiquement localisées dans le système nerveux
central pour lesquelles des techniques d'analyse très sensibles et faciles à mettre en œuvre
seraient disponibles. La sensibilité est particulièrement critique car elle doit permettre le suivi du marqueur tout le long de la chaîne de traitement. A terme, l'intérêt de cette approche est de permettre d'effectuer des contrôles en routine, à la sortie des stations de pré-traitement et d'épuration.
-
Développer des modèles miniaturisés des procédés de traitement :
Le développement et l’utilisation de stations d’épuration pilotes, utilisées à l’échelle d’un
laboratoire de recherche, permettrait d’étudier la partition de l’agent infectieux entre les
différentes matrices (boues, graisses, eaux) et la biodégradation subie au contact des
effluents et des boues activées (c’est à dire la réduction de l’infectiosité).
Le protocole consisterait en une surcharge des effluents en amont de la station ou des
boues par différentes souches d’agent pathogène (ESB, ESB adaptée à la souris, tremblante
du hamster). Différents types de boues, prélevées sur le terrain, seraient testées en
aérobiose et en anaérobiose.
Par la suite, seraient réalisées des mesures :
-de dégradation de la PrP avec l’utilisation de tests biochimiques (western blot et ELISA),
-des constantes physico-chimiques,
-d’infectiosité par injection intracérébrale chez l’animal (hamster, souris) ou par utilisation de modèles cellulaires.
Il est important de noter que de l’ensemble de ces manipulations nécessite au moins 2 ans
pour être réalisées de manière fiable.
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