Mesdames
et Messieurs les Parlementaires, Mesdames et Messieurs,
Je tiens tout dabord à remercier Daniel Marcovitch, Dominique
Jourdain, Hydrosphère et les Eco-Maires davoir organisé ce colloque
aujourdhui qui je crois, était nécessaire. La présence de trois membres du
Gouvernement montre en effet à quel point il était essentiel que chacun puisse venir ici
échanger et débattre sur la question de lépandage agricole des boues
dépuration.
Nous sommes tous des pollueurs ! Nous produisons tous des
eaux usées qui, si elles étaient directement déversées au milieu naturel, conduiraient
à la mort lensemble de nos rivières, rendraient impropres à la consommation
humaine la grande majorité de nos ressources en eau et empêcheraient de se baigner sur
bon nombre de plages. Les eaux usées doivent donc être traitées, assainies, pour
que leur rejet au milieu après traitement soit compatible avec les différents usages de
leau et la préservation du milieu aquatique.
Dans les secteurs dhabitat dispersé, cest-à-dire une
bonne partie du monde rural, les techniques dassainissement non collectif permettent
dassurer un bon assainissement. Dans les zones dhabitat groupé, à
linverse, lassainissement collectif simpose et les
effluents doivent être collectés et traités dans des stations dépuration. Les
textes communautaires ont dailleurs considérablement renforcé et précisé les
exigences en matière dassainissement urbain, en particulier par une directive de
1992.
Ces stations dépuration, indispensables à la lutte
contre la pollution et la préservation de lenvironnement, produisent
systématiquement des boues, dont il faut donc définir la destination la plus
pertinente. Ces boues dépuration urbaine sont essentiellement constituées de
matière organique et fertilisante, cest pourquoi leur recyclage par épandage
agricole sest traditionnellement imposé comme un mode de valorisation adapté. 65 %
des boues urbaines sont ainsi à lheure actuelle épandues en France sur les
terrains agricoles. De nombreux autres pays ont fait le même choix : la valorisation
agricole des boues représente ainsi 55 % des boues aux Etats-Unis, 45 % au Royaume Uni,
40 % en Allemagne, et 70 % au Danemark. Seuls les pays où les terres agricoles sont rares
et soumises à de très fortes pressions renoncent à un tel épandage, à linstar
des Pays-Bas.
Ce mode de valorisation est économique et environnementalement
pertinent. Dune part il est moins coûteux que la création
dincinérateurs pour brûler les boues, et cet argument nest pas négligeable
quand on considère que cest en définitive sur le prix de leau et donc sur
chaque consommateur deau que pèserait tout surcoût en la matière.
Dautre part, il est plus intelligent dutiliser des
matières fertilisantes pour faire pousser des plantes plutôt que de les
mettre en décharge ou de les brûler dans des incinérateurs dont limpact
environnemental ne serait dailleurs pas forcément négligeable, et dont la
création se heurterait selon toute vraisemblance à lhostilité des riverains.
La poursuite de cet épandage sur les terrains agricoles sest
toutefois heurtée ces derniers temps à de fortes résistances. Dune part, des
craintes se sont exprimées sur le risque sanitaire éventuel quimpliquerait ce type
de pratique. On connaît lextrême sensibilité de lopinion à tous ce qui
pourrait dune manière ou dune autre porter atteinte à la sécurité
sanitaire et à la qualité des aliments. Plus de 30.000 personnes étaient ainsi encore
rassemblées à Millau ce week end pour dire " Stop à la malbouffe ",
et je ne rappellerai pas les inquiétudes considérables provoquées par la crise de la
vache folle ou lépisode de contamination de poulets belges par la Dioxine.
Ces préoccupations du consommateur sont parfaitement légitimes.
Il incombe donc aux pouvoirs publics de garantir que la valorisation agricole des boues
dépuration urbaine nimplique pas de risque sanitaire ni de perte de qualité
des produits alimentaires. Dans ce but, mon ministère a profondément rénové et
renforcé lencadrement réglementaire de lépandage agricole de ces boues.
Un décret de décembre 1997 et un arrêté de janvier 1998 définissent ainsi des règles
claires et strictes en la matière : valeurs plafonds en éléments métalliques,
modalités dépandage, modalités danalyse et de contrôle..., tout est
précisé pour garantir cette sécurité sanitaire. Les éléments en ma possession, dont
la teneur a dailleurs été rappelée aujourdhui, démontrent alors que si ces
règles sont respectées, le risque est infime et la qualité des produits absolument
pas modifiée.
Les agriculteurs ont toutefois exprimé des inquiétudes dordre
plus général. Limpact de lépandage des boues dépuration sur les
terres agricoles est cependant à relativiser : les épandre toutes sur des surfaces
agricoles ne mobiliserait dans notre pays que 2,5 % de la Surface Agricole Utile (SAU), et
les boues ne représentent en France que 2 % des apports en azote et en phophore (contre
35 % pour les effluents délevage et 63 % pour les engrais minéraux).
Toutefois, les agriculteurs disent à juste titre qu'en acceptant
dépandre ces boues sur leurs champs, ils rendent un service à la société
et particulièrement aux habitants des villes productrices de boues. Ils souhaitent que ce
service soit reconnu et quen tout état de cause il ne leur provoque pas
dennuis. Ils ont donc demandé quen sus des garanties réglementaires visant
à linnocuité de lépandage, tout soit fait pour éviter que les
agriculteurs qui épandent des boues soient pénalisés : ils ne doivent lêtre
ni pour la commercialisation de leurs produits, ni évidemment a fortiori par une
quelconque perte de valeur de leur outil de production.
Il nous est donc apparu nécessaire de procéder à une très large
concertation avec lensemble des acteurs concernés et notamment la filière
agro-alimentaire et la distribution pour apporter ces garanties aux agriculteurs qui
ont ce réflexe citoyen de participer à un mode écologiquement responsable
délimination dun déchet produit par dautres. Un comité national a
ainsi été mis en place en 1998 en vue notamment aboutir à la définition dun
accord par lequel chacun des intervenants reconnaîtrait la pertinence de la valorisation
agricole des boues dépuration urbaine, lorsquelle est effectuée
conformément aux règles en vigueur.
Et puis, comme malgré toutes les précautions prises, le risque nul
nexiste dans aucune activité humaine, a été étudiée la création du
dispositif le plus efficace possible pour assurer lindemnisation des agriculteurs
en cas de problème, pour que vraiment, en aucun cas, ils ne soient pénalisés.
Il me semble que maintenant, les conditions dun tel accord
national sont réunies, et la tonalité très positive du colloque
daujourdhui me le confirme. Le projet daccord diffusé à
lensemble des membres du comité national sur les boues prévoit en
conséquence :
- la reconnaissance de principe de lintérêt écologique et
économique de lépandage agricole des boues ;
- lengagement de lEtat de veiller à un respect strict
de la réglementation en vigueur, par un effort de contrôle renforcé ; une
certification des pratiques dépandage pourrait utilement compléter et
crédibiliser cet effort de contrôle et je remercie le Syndicat des Professionnels du
Recyclage en Agriculture (SYPREA) davoir pris linitiative den étudier
les modalités ;
- le lancement dun plan daction en direction des
collectivités productrices de boues pour les sensibiliser à la nécessité impérieuse
de veiller à la qualité de celles-ci, ce qui passe notamment par une maîtrise
croissante de rejets non domestiques dans les réseaux dassainissement ;
- la poursuite et lapprofondissement de la recherche sur
les boues pour améliorer les conditions dutilisation des boues sur les sols
agricoles et forestiers et pour les opérations de revégétalisation ;
- avec la collaboration de lAssociation Nationale des Industries
Agro-alimentaires (ANIA) et de la Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD), la
généralisation defforts dinformation et de sensibilisation en
direction des industriels de lagro-alimentaire et des distributeurs pour éviter
toute stratégie de marketing discriminatoire à lencontre de
lépandage des boues ; je crois dailleurs que de telles stratégies
ne seraient pas à terme payantes. Certes, les consommateurs accordent de plus en plus
dimportance aux conditions de production des produits alimentaires et sont soucieux
quelles respectent le mieux possible lenvironnement. Mais leur garantir ce
respect nimplique évidemment pas quon leur vende du vent, du pseudo
environnement. Refuser le recours à lépandage alors que cet épandage va dans le
sens de lenvironnement, cest faire linverse de ce quon prétend
faire, et ça risque de se retourner contre ceux qui veulent prouver quils vendent
des produits respectueux de lenvironnement ;
- enfin, la création dun dispositif dassurances
souscrites par les producteurs de boues couvrant les exploitants agricoles dans
lhypothèse déventuels dommages ; la solidité financière de ce
dispositif assurantiel sera garantie par les assureurs par un dispositif de
réassurance ; en outre, lEtat sengage à prendre en charge le
pré-financement de tout dommage non couvert par ce dispositif assurantiel, à charge
pour lui de se retourner vers le responsable du dommage.
Je souhaite que cet accord soit maintenant signé dans les toutes
prochaines semaines. Je vous propose en ce sens de me transmettre vos
observations éventuelles sur le projet daccord ; mes services sont prêts à
assurer si nécessaire dultimes médiations pour que cet accord puisse être signé
par tous à la rentrée. Je sais pouvoir compter sur le sens des responsabilités de
chacun, qui sest exprimé tout au long de cette journée, et sur votre capacité à
tous à faire abstraction des égoïsmes catégoriels pour y parvenir dans les meilleurs
délais et lever ainsi les blocages actuellement constatés sur le terrain.
Cet accord national une fois signé, il faudra lappliquer et
le faire vivre au niveau local. Des instructions seront données en ce sens aux
préfets. Je suis convaincue quune fois les difficultés de principe nationales
résolues au niveau national, grâce à limportante concertation que le Gouvernement
a conduite, les Préfets sauront aider les collectivités à trouver au cas par cas les
modalités délimination de leurs boues les plus appropriées par un étroit
partenariat avec en particulier les agriculteurs et les associations.
Ainsi, les crises et crispations actuelles pourraient nêtre plus
bientôt quun mauvais souvenir. Je compte sur vous pour oeuvrer en ce sens et vous
remercie de votre attention.