Les maladies transmissibles liées à l'eau et l'irrigation
Faible impact des cultures irriguées sur le paludisme
Le paludisme est transmis par des moustiques, les Anophèles, porteurs d'un parasite qu'ils transmettent à l'homme par leurs piqûres. Du fait de la résistance des parasites aux traitements par médicaments et des moustiques aux insecticides, le paludisme reste encore aujourd'hui la plus répandue et la plus dévastatrice des maladies tropicales. L'Afrique représente 80% des cas de paludisme dans le monde.
L'introduction de la riziculture irriguée n'est pas associée à une aggravation du paludisme
Côte d'Ivoire
Des foyers de transmission intense se sont multipliés du fait de changements écologiques importants et des migrations des populations. Le développement des cultures irriguées et notamment, de la riziculture, peut favoriser la prolifération des moustiques et faire craindre une augmentation du nombre des cas de paludisme. Mais cet impact épidémiologique n'est pas confirmé par les faits. C'est le résultat auxquels aboutissent des chercheurs de l'Institut Pierre Richet (Bouaké, Côte d'Ivoire) après une étude de la morbidité palustre en zone rizicole de savane au nord de la Côte d'Ivoire et en zone forestière. Les aménagements rizicoles ne modifient pas l'incidence annuelle des accès palustres malgré leur influence temporaire sur le risque palustre.
Contact : Marie-Claire Henry
Sénégal
Quelques aspects épidémiologiques du paludisme dans des villages de la moyenne vallée du fleuve Sénégal ont été comparés avant et après l'aménagement de périmètres rizicoles irrigués. La riziculture irriguée a entraîné une pullulation de moustiques dont certains vecteurs du paludisme mais aucune augmentation de la transmission et de l'incidence de la maladie n'a été observée.
Contact : Didier Fontenille, Jean-Pierre Hervé
Les modifications des sols (surpâturage et tassement des sols autour des points d'eau) accentuent la stagnation de l'eau de pluie en nappes de surface qui sont colonisées par les moustiques. De même, le mauvais écoulement des eaux lié à d'autres facteurs favorables au développement des gîtes (pluviométrie inhabituelle, cyclone, débordements de l'irrigation ou de forages, lâchers de barrage) peut provoquer l'apparition de foyers épidémiques.
Mais il existe des liens complexes entre d'une part, le nombre de moustiques et celui de cas de paludisme, d'autre part entre la transmission du parasite par le moustique et le développement de la maladie. Même si la quantité de moustiques augmente dans une région donnée, ce n'est pas pour autant que l'on observe un accroissement du nombre de cas de la maladie, le rôle vecteur de ces populations d'anophèles pouvant être moindre. De même, dans les zones où les habitants sont peu en contact avec le parasite, chaque contamination, ou presque, par un moustique infecté rend malade. En revanche, dans les zones de forte transmission, toutes les piqûres infectantes n'entrainent pas systèmatiquement d'accès palustre.
Contact : Jean-François Trape, IRD-Montpellier
Bilharzioses (schistosomoses) : un risque encore mal évalué
Les bilharziose ou bilharzioses sont des infestations parasitaires affectant l’homme. Elles sont dues à des vers plats appelés schistosomes vivant dans les vaisseaux sanguins. Les êtres humains contractent cette maladie au cours de contacts avec une eau douce contaminée dans laquelle se trouve les mollusques qui sont les hôtes intermédiaires à l’origine des larves infestantes et sans lesquels les parasites ne peuvent effectuer leur cycle. Elles touchent principalement les zones rurales. Cependant, les migrations des populations vers les villes introduisent de plus en plus la maladie dans les zones péri-urbaines. Les mouvements de populations engendrés par l'extension des régions irriguées cultivables favorables aux hôtes intermédiaires peuvent aussi développer l'importation du parasite dans d'autres zones.
Cette maladie parasitaire se range juste après le paludisme pour l'importance de son impact sur la santé publique et sur le développement socio-économique. Un médicament, le praziquantel, au coût maintenant accessible aux populations du Sud et pratiquement dénué d'effets secondaires, existe. Il constitue un traitement efficace de la maladie mais la principale difficulté est de lutter contre la transmission, c'est-à-dire soit de détruire les mollusques hôtes intermédiaires soit de la freiner en réduisant les contacts des populations avec l’eau. De ce fait les résultats obtenus grâce aux programmes de lutte n'ont pas toujours été durables. Si la prévalence de la maladie peut être réduite à court terme, une surveillance doit être poursuivie pratiquement indéfiniment. Parmi les voies de recherche actuelles l'étude des comportements et des modes de gestion de l'environnement à l'origine des prévalences réduites ne manque pas d’intérêt : dans ces zones, quels sont les facteurs qui expliquent que la maladie ne soit présente que de façon limitée ?
Contact : Bertrand Sellin
• Les aménagements hydro-agricoles créent un contexte favorable au développement du mollusque.
Dans plusieurs régions où des barrages ont été mis en service comme sur le fleuve Sénégal (barrages de Diama et de Manantali), on observe une prolifération des mollusques, une augmentation de la prévalence de la bilharziose urinaire et l'émergence de la bilharziose intestinale jamais signalée auparavant dans le bassin du fleuve.
• Le comportement et le mode de vie des populations est un facteur très important pour le développement de la maladie.
A Madagascar, l'eau conditionne la mise en valeur d'une plaine de la côte ouest où des aménagements hydro-agricoles ont été mis en place au début du siècle. Les populations rurales ont ainsi accès à cette ressource indispensable pour l'agriculture, la pêche l'élevage ou pour leurs activités ménagères et récréatives, sous différentes formes : périmètres irrigués, fleuves, cuvettes de débordement et mares. Le risque lié à la bilharziose dépend de la présence de ces surfaces irriguées. Mais il est variable suivant ces types de milieux mais aussi suivant les modalités des contacts des populations avec l'eau. L'utilisation de l'eau suivant l'âge et le sexe détermine des expositions différenciées au risque bilharzien.
Depuis l'aménagement de périmètres irrigués dans cette vallée, la riziculture occupe une place majeure dans les systèmes de production. Elle est mise en cause comme étant responsable du développement de la bilharziose dans la région. Certains usages des aménagements hydro-agricoles et de l'eau accroissent l'exposition à la maladie.
Contact : Corinne Henry Chartier
D'autres études mettent en évidence le poids des comportements sociaux et des modes d'organisation de l'espace pour expliquer les différences de prévalence de la bilharziose. Comme par exemple une étude sur deux sites urbains de la ville de Daloa (centre-ouest de la Côte d'Ivoire) : elle montre que dans deux quartiers, le risque d'exposition à la bilharziose est différent et dépend du mode d'utilisation de l'espace par la population.
Contact : Emmanuelle Cadot
• Quand aménagements hydro-agricoles et conflits d'intérêt font le lit de la maladie : la bilharziose intestinale en milieu urbain (Richard Toll, Sénégal)
La ville de Richard Toll sur le fleuve Sénégal a connu une forte expansion démographique engendrée par le développement de la culture de canne à sucre dans des parcelles irriguées et par l'attraction d'autres activités que cette agro-industrie a générée. Cette région se distingue par cette production située au sein d'un espace sahélien où les aménagements hydro-agricoles sont essentiellement voués à la riziculture.
Lorsque la bilharziose intestinale est apparu en 1988 dans la ville et s'est développée sous forme épidémique, les barrages ont été immédiatement rendus responsables de cette détérioration de la situation sanitaire qui s'est révélée différente suivant les espaces urbains.
A l'issue de l'étude de ce site, il ressort que l'importance des facteurs socio-politiques doit être prise en compte si l'on veut expliquer les différences de prévalence de la bilharziose dans les quartiers de la ville. Paradoxalement, ce ne sont pas les quartiers les mieux équipés sur le plan sanitaire qui sont à l'abri de la maladie car la densité de population y est plus élevée ; la concentration humaine favorise la circulation du parasite. L'aménagement de l'espace urbain a donc un impact déterminant sur les risques sanitaires. Cette politique est issue de la confrontation entre différents intérêts et provoque des dysfonctionnements responsables de l'essor de la maladie.
Contact : Pascal Handschumacher
Succès de la lutte contre l'onchocercose ou "cécité des rivières"
Cette maladie est véhiculée par les simulies, mouches qui transmettent le parasite à l'homme et dont les larves se développent dans les eaux courantes. L'onchocercose, qui sévissait dans les vallées des cours d'eau à courant rapide, a longtemps constitué pour les pays affectés un grave problème de santé publique et un frein au développement socio-économique de régions fertiles d'Afrique. Cette maladie est aujourd'hui en voie de disparition. Les hydro-aménagements ne constituent pas une menace de la voir resurgir. Car en éliminant les rapides dans les cours d'eau, ils suppriment la possibilité de développement des gîtes larvaires.
La mise en place en 1974 d'un ambitieux programme de lutte contre l'onchocercose en Afrique de l'Ouest (OCP) étendu à d'autres pays de la région en 1986 a conduit à une élimination de ce fléau comme maladie grave de santé publique. Dans les onze pays concernés, 30 millions de personnes étaient exposées et plus de 2 millions d'entre elles étaient infectées. De nombreux villages étaient abandonnés par leurs habitants.
Grâce à la lutte antivectorielle (campagnes de destruction des gîtes de larves par insecticides) et au traitement à l'ivermectine, onze millions d'enfants ont échappé au risque de devenir aveugles et 1, 5 millions de personnes ont cessé d'être infectées. Les vallées fertiles le long des cours d'eau ont été repeuplées, soit environ 25 millions d'hectares. Afin de garantir la pérennité de cette éradication, un système de surveillance, de détection précoce et de lutte contre toute éventuelle recrudescence de la transmission a été mis en place.
En 1995, le programme APOC centré sur le traitement par l'ivermectine et concernant 19 pays d'Afrique centrale et orientale a été lancé afin d'étendre les résultats obtenus en Afrique de l'Ouest.
Dès 1955, les entomologistes de l'RD se sont préoccupés de cette maladie. L'Institut a joué un rôle fondamental dans la lutte contre l'onchocercose en mobilisant des chercheurs de différentes disciplines afin d'étudier aussi son impact sur l'environnement et sur le développement économique : entomologistes médicaux, parasitologues, hydrologues, hydrobiologistes, économistes et démographes.
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