Note d'Analyse - Club AtoutBoues
Communication relative au sol
(DG Environnement de la Commission Européenne)
Mise en ligne en novembre 2002
Impulsée par la Présidence espagnole de l’Union Européenne (UE), réalisée par la DG Environnement (ENV.B1 – Water, the Marine and Soil) et rendue publique sur le site Web de la Commission le 26/10/01, la communication de 24 pages sur la protection des sols bouleverse la donne en matière de recyclage agronomique des résidus organiques putrescibles. En conclusion, ce document insiste :
- sur les besoins d'informations en matière de sol (données de base et suivi-monitoring)
- et sur la nécessité d'intégrer la dimension "sol" et son caractère fragile dans l'ensemble de sa politique.
Après une lecture attentive, il apparaît clairement que cette communication s'inscrit dans le cadre de nombreux accords internationaux
(1), soulignant la nouvelle dimension d'un sujet traditionnellement abordé localement. La dimension agricole du sujet est rappelée en particulier au travers de la Politique Agricole Commune (PAC) et de sa récente réforme qui intègre les enjeux agri-environnementaux (Agenda 2000, Bonnes Pratiques Agricoles). La dimension recherche est soulignée par la très forte implication de la Commission dans l'amélioration de la connaissance communautaire des sols (Joint Research Center, 5ème et 6ème PCRD). Les aspects liés à la politique des transports sont également signalés. Par ailleurs, le probable projet de directive relative au sol est recadrée dans le contexte de la législation environnementale européenne :
- Directive Déchets (1975)
- Directive Boues (1986)
- Directive Eaux résiduaires urbaines (1991)
- Directive Nitrates agricoles (1991)
- Directive Déchets (1992)
- Directive IPPC - prévention et réduction intégrées de la pollution (1996)
- Directive sur la Qualité de l'Air (1996)
- Directive sur les études d'impact (1996)
- Directive Décharge (1999)
- Directive Incinération (2000)
- Directive relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement (2001)
Relativement à la gestion de la matière organique, ce texte, par son caractère global, remet en question les 2 projets de directives relatives aux boues d’épuration et au compost qui sont désormais en situation de stand-by (cf comptes-rendus des colloques à Bruxelles fin 2001). Sur la base du constat présenté dans le 6ème programme d’action pour l’environnement, l’érosion et la baisse de fertilité des sols affectent la viabilité des terres agricoles. Dans cette perspective, Bruxelles souhaite développer la promotion d’une utilisation durable des sols, avec une attention particulière portée aux enjeux de prévention de l’érosion, de détérioration, de contamination et de désertification. Première communication de cette nature sur ce sujet, le texte souligne différents points propres à l’élément "sol" :
- sa complexité (physique, chimique & biologique) et son caractère éminemment local et diversifié (plus de 320 types majeurs de sol ont ainsi été identifiés en Europe),
- sa nature non renouvelable et sa vulnérabilité,
- sa capacité de stockage/accumulation étroitement dépendante de la teneur en matière organique (risque de " bombe à retardement " pour certains composés toxiques),
- enfin, sa relation essentielle avec la chaîne alimentaire et sa " dimension légale " (droits de propriété & responsabilité environnementale).
Ce document ne comporte aucune valeur seuil restrictive d’usages mais souligne le caractère multifonction du sol et les possibles compétitions associées :
- alimentation & production de biomasse (céréales, forêts, pâtures...),
- stockage-filtration-transformation (relation avec la qualité des aquifères),
- réserve de biodiversité ("réservoir génétique"),
- support d’activité anthropique (bâtiments, infrastructures, paysage et héritage culturel),
- source de matière première (argile, gravier, minéraux...) et d’énergie (charbon, tourbe).
Listant les principales menaces, le texte considère 8 risques majeurs, un point particulier considérant la spécificité des pays en voie d’accession à l’UE :
1) l’érosion (dans l’ensemble de l’UE, environ 26 millions d’ha seraient affectés par l’érosion hydrique et 1 million d’ha par l’érosion éolienne) (2),
2) la contamination (localisée et diffuse),
3) la couverture du sol (3),
4) la compaction du sol (4),
5) la réduction du taux de matières organiques,
6) l’appauvrissement biologique (5),
7) la salinisation (6),
8) les inondations et les glissement de terrain (7).
Au niveau de l’analyse du document, il est pertinent de s’arrêter principalement sur deux points fondamentaux :
Les risques de pollution
Une attention particulière est ainsi portée aux sols contaminés (entre 300 000 et 1,5 million de sites concernés en Europe, en particulier dans la zone comprise entre le Nord-Pas de Calais et la Ruhr) et aux coûts de réhabilitation associés (8). La question des décharges de déchets municipaux DM est également soulignée (en 1995 et pour l’UE, 65% des DM était mis en décharge).
Cette communication considère également la pollution diffuse des sols, soulignant très pertinemment le rôle fondamental joué par les dépositions atmosphériques (9) elles-mêmes engendrées par les activités anthropiques industrielles et agricoles (engrais, phytosanitaires, boues d’épuration…) pas toujours optimisées. Les engrais phosphatés peuvent en effet contenir du cadmium. Les impacts sur les sols des pollutions diffuses sont de différentes natures et souvent mutuellement dépendants :
- acidification (par les Nox et le SO2),
- contamination métallique (cadmium et plomb principalement) (10),
- contamination organique (dioxines, PCB...).
Ces interactions sont variées et, par exemple, l’acidification des sols réduit progressivement la capacité tampon des sols, entraînant ainsi la libération de composés divers (nutriments, métaux...).
En ce qui concerne les bénéfices et risques potentiels associés aux boues d’épuration, un paragraphe spécifique leur est dédié qui rappelle la complexité de leur composition (métaux lourds, produits organiques persistants -POP-, agents biologiques) et le rôle des nutriments (N, P et K) dans la fertilité des sols agricoles et forestiers (11). Le texte précise ainsi que "si la boue est traitée jusqu’à un très haut degré (sic), son application raisonnée et contrôlée sur les sols ne devrait pas être un problème mais au contraire bénéfique et contribuant à améliorer la teneur en matières organiques".
A propos des pesticides il est rappelé que les tonnages de matières actives utilisées ont augmenté de 8% entre 1992 et 1996 (pour les 15 états membres) pour atteindre 250 000 tonnes.
Les risques de réduction du taux de matières organiques
Pour mémoire, la matière organique (MO) est un des composants clefs de la "matrice sol" et provient de différents compartiments (racines, feuilles, excréments, cadavres...). La MO assure un rôle central vis à vis de l’érosion, de la fertilité, de la capacité chimique (action tampon) et de la biodiversité. La teneur en MO des sols est variable avec un taux de dégradation d’environ 1 à 2% par an ! De faibles teneurs associées à des risques sont signalés principalement sur la zone méditerranéenne mais pas seulement (Angleterre, Pays de Galle, Beauce...). La relation entre la teneur en MO des sols et les pratiques culturales est explicitée (rôle des intrants engrais & pesticides, nature des rotations...).
Enfin, aspect souvent peu considéré des agro-spécialistes, la relation entre sol et effet de serre fait l’objet d’une mention particulière. En effet, le sol agit comme un piège à CO2 et une estimation réalisée en Italie indique qu’un accroissement de 0,15% du taux de MO dans les sols agricoles permettrait de séquestrer l’équivalent CO2 produit sur 1 an par l’utilisation d’énergies fossiles !
Notes --------------------------------------
(1) Parmi lesquels : 1972 EU Soil Charter, 1976 FAO World Soil Charter, 1982 UNEP World Soils Policy, 1992 Framework Convention on Climate Change & on Biological Diversity, 1997 Kyoto Protocol, 1994 Convention to Combat Desertification, 1998 Bonn Memorandum on Soil Protection Policies in Europe, 1999 European Soil Forum ESF, International Panel on Land and Soil IPLS. Par ailleurs, de nombreux programmes financés par des Fonds Structurels sont déjà en place pour des aménagements (LEADER, INTERREG, URBAN) ou de la recherche (CLARINET, PESERA, European Soil Information Service ESIS, EIONET).
(2) Il a été estimé que 16% du sol communautaire était affecté par des dégradations diverses, cette proportion atteignant 35% pour les pays en cours d’accession. Au niveau économique, les coûts associés peuvent atteindre des sommes importantes (pour l’Espagne seulement, une perte sèche de l’ordre de 280 Millions d’Euros a été calculée correspondant au manque à gagner des productions agricoles & aux problèmes d’inondation, un budget de 3 000 Millions d’Euros étant nécessaire sur 15-20 ans pour lutter contre l’érosion et réhabiliter les sols).
(3) Ce point est caractéristique des menaces associées à l’urbanisation et au développement car la couverture du sols par les infrastructures et les programmes immobiliers constituent un processus essentiellement irréversible qui s’accompagne d’une réduction des capacités d’infiltration et de filtration des sols. En Italie, 43% des zones côtières seraient déjà complètement urbanisées et un rythme de couverture de l’ordre de 120 ha/j serait observé en Allemagne !
(4) Ce phénomène affecterait 4% des sols de l’UE, principalement engendré par l’utilisation d’engins agricoles lourds.
(5) Un sol "riche" peut contenir jusqu’à 600 millions de bactéries par gramme (pour environ 15-20 000 espèces différentes) alors que cette valeur tombe à 1 million en zone pauvre avec 3 fois moins de diversité biologique.
(6) Ce phénomène affecterait 1 million d’ha dans l’UE (principalement en zone méditerranéenne !).
(7) Ainsi, 50% du territoire de l’Italie est classé dans la rubrique "risque hydrogéologique élevé à très élevé", concernant plus de 60% de la population nationale. Le coût estimatif imputable à ce type d’événement sur les 20 dernières années serait de l’ordre de 11 000 millions d’Euros !
(8) D’après l’Agence Européenne de l’Environnement, la réhabilitation des sols contaminés en Europe serait comprise entre 60 et 110 Milliards d’Euros. Les Pays Bas ont ainsi dépensé 550 Millions d’Euros pour la dépollution des sols en 2000.
(9) Des apports jusqu’à 60 kg/ha/an de N ont été observés en forêt alors que les apports "naturels" étaient de l’ordre de 5 kg/ha/an de N !
(10) Le risque de contamination par des radionucléides libérés est mentionné.
(11) Il faut souligner la mention relative à une valorisation sylvicole des boues, exclue dans le 3ème draft (brouillon) du projet de Directive "boues".
En savoir plus --------------------------------------
Heavy metals (trace elements) and organic matter content of European soils - Feasibility study Commission Européenne JRC 2001
Trace element and organic matter contents of European soils - Progress report Commission Européenne 2001
Soil - Europe's Environment: The Dobris Assessment (Chapter 07) European Environment Agency
Environment in the European Union at the turn of the century: Chapter 3.6. Soil degradation European Environment Agency 2000
"Down to earth": Soil degradation and sustainable development in Europe. A challenge for the 21st century European Environment Agency 2000
Teneurs totales en "métaux lourds" dans les sols français Denis BAIZE, INRA
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