« Nous ne pouvons que regretter l'attitude peu constructive des pays occidentaux qui ont choisis de privilégier les intérêts des sociétés transnationales par rapport à la protection des droits humains », a continué M. Özden. « Ils ont d'ailleurs d'ors et déjà annoncé qu'ils ne participeraient pas aux travaux du groupe de travail intergouvernemental. »
Le groupe de travail tiendra sa première session en 2015 pour définir les éléments, l'étendue, la nature et la forme du futur instrument international. « Ce n'est que le début du processus, mais il s'agit déjà une grande victoire pour les peuples du monde, et en particulier pour les victimes dans le Sud, qui réclament depuis des années des normes contraignantes pour mettre fin à l'impunité des sociétés transnationales » a relevé M. Özden.
Tandis que les sociétés transnationales disposent de toute une batterie de lois, de mécanismes et d'instruments contraignants pour protéger leurs intérêts, seuls des codes de conduites volontaires et des normes non-contraignantes existent pour contrôler leurs impacts sur les droits humains et garantir l'accès à la justice pour les victimes de leurs activités. « Il était temps que le Conseil des droits de l'homme agisse pour corriger cette asymétrie dans le système international qui affecte en premier lieu les pays les plus pauvres et les plus faibles » s'est félicité M. Özden.
Depuis plusieurs mois des centaines d'organisations de la sociétés civiles et des mouvement sociaux du Nord comme du Sud se mobilisent en faveur de cette initiative. Nombres d'entre-elles ont convergé à Genève pour une semaine de mobilisation du 23 au 27 juin. De nombreux délégués du Sud et de représentants des victimes ont fait le voyage pour réclamer de nouvelles normes contraignantes pour mettre fin à l'impunité des sociétés transnationales. Le CETIM s'est fortement engagé aux côtés de la Campagne mondiale pour démanteler le pouvoir des transnationales et mettre fin à l'impunité. Les cas de Chevron en Équateur, Coca Cola en Colombie, Shell au Nigeria, Glencore-Xstrata aux Phillippines et Oceana Gold au Salvador ont notamment été présentés pour démontrer la nécessité d'un nouvel instrument international.
« En 60 ans d'exploitation pétrolière dans le Delta du Niger, les communautés locales n'ont pas connu le repos » a relevé Godwin Ojo des Amis de la Terre Nigeria. « Shell a systématiquement violé les droits humains et détruit l'environnement ainsi que les conditions de vie des communautés mais ni les campagnes internationales ni les lois et les agences de régulation nationales n'ont été capables de mettre fin à ces pratiques. Ce niveau d'impunité démontre la nécessité d'un instrument international contraignant qui oblige les sociétés transnationales à respecter les droits humains ».
« En 26 ans d'exploitation pétrolière en Amazonie équatorienne, Chevron a souillé plus de 450'000 hectares d'une des zones de la planète les plus riches en biodiversité et détruit les conditions de vie et de subsistance de ses habitants » a expliqué Pablo Fajardo, défenseur et représentant des victimes de Chevron en Équateur. « Or, après 21 ans de litige et malgré une condamnation de la justice équatorienne, Chevron refuse toujours de payer. Et pendant ce temps les victimes de ses activités en Équateur attendent toujours justice et réparation » a-t-il regretté. « Les codes de conduite volontaires ont montré leurs limites, seul un instrument international contraignant peut mettre fin à l'impunité des sociétés transnationales ».
« Des dizaines de syndicalistes sont assassinés chaque année en Colombie en toute impunité », comme l'a souligné M. Javier Correa, président du syndicat Sinaltrainal en Colombie. « Dans le cas de Sinaltrainal, 23 de nos syndicalistes travaillant pour Coca Cola ou Nestlé ont été assassinés ces dernières années. Or, ces sociétés transnationales utilisent des schémas complexes de franchises, de filiales et de sous-traitants pour échapper à la justice. La justice colombienne ne fait pas son travail et les tribunaux aux États-Unis et en Suisse, où ces deux transnationales ont leurs sièges, refusent d'entrer en matière. » a-t-il souligné. « Seules des normes internationales contraignantes permettront de tenir les sociétés transnationales responsables de leurs crimes en Colombie ! »
Le chemin est encore long mais aujourd'hui, et après près de 40 ans de discussions et de tentatives infructueuses à l'ONU, le processus est enfin lancé ! Le CETIM tient encore à féliciter les gouvernements de l'Équateur et de l'Afrique du Sud pour leurs leadership et également tous les États qui ont voté en faveur de la résolution malgré les nombreuses pressions reçues.
-Fin du communiqué-
Ce n'est bien entendu qu'une étape dans un long processus. Les idées et les pensées sensibles sont souvent pour les catastrophes et les accidents et non pour les anticiper, puisque l'industrie et ses armées d'ingénieurs, de techniciens et d'ouvriers ont tout programmé pour qu'il n'y ait pas d'accident. Mais le couteau de cuisine peut devenir une arme, ou son équivalent, si on l'utilise hors de son cadre habituel. Parfois, les hommes et le contexte dans lequel ils évoluent conduisent au pire. Deep Water Horizon n'avait pas pour vocation de polluer le golf du Mexique, ni de souiller les cotes américaines, et pourtant, cette catastrophe s'est produite. Dira-t-on que certaines choses nous échappent, qu'un destin malheureux s'est abattu sur BP ? Ou regarde-t-on objectivement et froidement les réalités pour constater dégâts, morts et destruction complétés de milliards de dollars de dépenses qui aurait pu être évitées ?
Cette résolution sera semée d'embuches, toutes les multinationales, quel que soit leur pays d'origine exerceront les pressions, parfois les chantages qui leurs paraitront nécessaires pour éviter d'entrer dans une logique où l'humain doit être pris en compte. En France on pourrait rapprocher cette démarche de celle du principe de précaution, cet empêcheur de tourner en rond. Ces couteuses approches transdisciplinaires, études, sensibilisations et enquêtes qui ne font qu'augmenter le prix final d'une opération. Que dire alors de cette autre zone de l'Equateur, soi-disant à l'abri des industries pétrolières et qui maintenant s'offre par bloc aux différentes sociétés du secteur, le Yasuni TT. Emblème pendant quelques années de la Pacha Mama, la terre à sauvegarder, à préserver, avec ses populations installées depuis des centaines d'années, sa biodiversité exceptionnelle, ses ressources trop cachées, comme le pétrole, du gaz sans doute... Idem dans de nombreuses régions d'Amérique du sud, le Pérou (voir natamment "
Araza : Une opportunité perdue ?") avec en plus l'or et l'argent et des slogans du type "Oro no, agua si !". Ce que nous nommons richesses sont souvent signes de destruction, déforestation, infrastructures, pollutions, déplacements de population...
Où est l'équilibre ? Sans doute cette première résolution devra-t-elle questionner l'ensemble de nos sociétés et trouver, après de longs palabres (sous le baobab ?) le juste retour sur investissement autant pour les peuples qui sont propriétaires des sols et des sous-sols que pour ceux qui voudront en assurer une exploitation responsable.
La suite de cette première résolution constituera un indicateur important pour savoir si l'imprégnation consciente est passée au stade des décisions et des actions contrôlées.
Richard Varrault