Extraits de la longue interview de M. Edouard Boinet, chargé de projet, et de l'intervention de M. Jean-François Donzier sur l'état d'esprit et la psychologie de la coopération.
Contexte, Les nombreux défis de la Chine en matière de gestion de l'eau la conduisent à mener des coopérations avec de nombreux pays dont l'Union Européenne et la France.
La coopération pour le sous-bassin de la Zhou (région de Pékin et Tianjin) est symbolique des différents problèmes rencontrés notamment en ce qui concerne les pollutions, agricoles et industrielles, et les méthodes pour acquérir une vision systémique des difficultés et des méthodologies de résolution, dont la gestion par bassins versants mise en place en France par la loi de 1964.
Depuis cette époque, cette innovation dans la gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) est appliquée dans toute l'Europe et par beaucoup de pays extra-européens.
Interview de M. Edouard Boinet
Une partie écrite pose les sujets et l'internaute peut écouter les réponses des intervenants en utilisant l'interface présente dans la page. Les fichiers audio sont des fichiers mp3. La reproduction et/ou la diffusion de tout ou partie de ces documents audio ne sont pas autorisées sans l'accord écrit de l'auteur. Les interventions
Dans cette première partie de l'interview, E. Boinet commence par ses réponses après une discussion sur les pollutions des fleuves chinois (le fleuve Amour notamment) dont des exemples sont données en images par quelques liens disponibles dans la partie gauche de cette page. Son intervention se poursuit par la gestion de l'eau en Chine. [22:00]
Dans cette seconde partie, E. Boinet revient sur l'historique du projet et en présente les évolutions et les contraintes liées aux caractéristiques géographiques et institutionnelles de la Chine. [24:21]
Dans cette troisième partie il est question d'eutrophisation et de bateaux faucardeurs. [4:50]
Bateaux faucardeurs en stand by sur une aire bétonnée avant mise à l'eau. Photo Office International de l'Eau
Dans cette 4ème partie, il est question des transferts d'eau du sud au nord de la Chine, dont les premières réalisations remontent à plusieurs centaines d'années dans l'histoire de la Chine. [5:58]
Dans cette cinquième partie Edouard Boinet nous explique son parcours depuis Sciences Po. Toulouse à Pékin. Il revient également sur une notion qu'il a développée dans deux ouvrages (voir à la fin des articles) : l'hydropolitique.
Dans le résumé ci-dessous, Jean-François Donzier, Directeur Général de l'Office International de l'Eau, nous livre sa perception, très positive, des relations entre les deux délégations tant au niveau professionnel que personnel. Il évoque aussi le grand intérêt porté par la délégation chinoise aux principes de gestion par bassin que la France a mis en place depuis 1964.
Jean-François Donzier lors de la signature de la deuxième phase (avril 2012-avril 2015) de la coopération franco–chinoise dans le domaine de la gestion intégrée des ressources en eau, Bassins pilotes du fleuve Hai et de la rivière Zhou à l'occasion du 6ème Forum Mondial de l'Eau à Marseille en avril 2012. Photo Office International de l'Eau
Nos partenaires chinois (Ministère des Ressources en Eau, Commission du fleuve Hai, Bureaux de l’Eau de Pékin et Tianjin ainsi que de la Province de Hebei) sont passionnants et aussi impressionnants par leur volonté de faire progresser les choses et améliorer les situations rencontrées...et quand ils s’engagent sur quelque chose, ils le font !
La problématique de l'eau est une des priorités affichée du gouvernement chinois, passant d’abord par la réalisation de grands chantiers et de grands travaux.
Nos partenaires ne pratiquent pas la langue de bois : Quand un ministre s’exprime, il explique clairement quels sont les problèmes auxquels il faut faire face, sans les éluder, puis comment on va les résoudre : l’approche est en général très lucide sur les diagnostics et ambitieuse sur les solutions à mettre en œuvre.
Mais, et c'est d'ailleurs pour cela qu'ils ont souhaité nous faire intervenir, la coordination entre les différents acteurs sur le terrain reste insuffisante, notamment au niveau interministériel. Les approches sont encore très sectorielles et peu de passerelles institutionnelles fonctionnent.
Nos partenaires ont une approche environnementale faisant souvent appel à des solutions artificielles : Par exemple ils créent de toute pièce de nouvelles zones humides et c'est impressionnant, surtout à l'échelle à laquelle ils le font. Il y a en effet peu de pays au monde qui ont une politique et des réalisations écologiques aussi ambitieuses, s’appuyant sur des tests scientifiques poussés de l’efficacité des nouveaux dispositifs...à ce point-là, c'est assez rare sur la planète.
Nous les Européens, nous avons la Directive Cadre sur l’eau, mais on voit que ce n'est pas toujours facile d’atteindre en peu de temps des résultats effectifs, car un des points sur lequel il y a encore des inconnues qui nécessitent des investigations scientifiques sérieuses, c’est la connaissance du fonctionnement réel et l’évolution des écosystèmes aquatiques.
Clairement nos collègues chinois ont très bien pris conscience qu’il faut développer les « infrastructures vertes », et ils en font une de leurs politiques affichées et sur laquelle ils avancent avec beaucoup d’ambition.
Bien sûr, ils y vont à la "chinoise", s’il y a des populations dans le périmètre d’un projet prioritaire et qu’il faut les déplacer, on les réinstalle ailleurs et il n'y a pas vraiment de débat public sur les grands transferts d'eau, comme sur d'autres projets stratégiques. Il est assez clair que les intérêts particuliers sont secondaires. Mais, ils y mettent du personnel spécialisés et des moyens importants : sur l'un des transferts Sud-Nord, autour de 300 000 personnes ont été déplacées mais cela a été intégré dès l’origine dans le projet et leur réinstallation semble s’être bien passée.
Dans la coopération, ce qui est le plus enrichissant c’est de se confronter à d'autres manières de faire et de penser qui nous interpellent et nous changent de nos approches propres de ces questions : c’est bon pour nous « ouvrir le cerveau » !
Le barrage des Trois Gorges est l'exemple le plus emblématique pour lequel et quoi qu’on en ait dit les autorités chinoises ont vraiment mis des moyens très importants aussi bien financiers qu’humains en accompagnement du projet lui-même comme pour le relogement des populations déplacées.
Il est intéressant de voir comment ils font face à une réalité naturelle qui n'est pas à notre échelle française ni européenne : le Yangtze n'est pas la Loire !
La coopération avec les collègues chinois est très agréable et très pragmatique. Nous n’avons jamais été confrontés à une bureaucratie. Il peut y avoir des problèmes de coordination, ça prend du temps, mais dans la coopération ils sont très ouverts et dès qu'ils repèrent quelque chose de nouveau qui peut apporter un avantage par rapport à ce qu’ils ont l'habitude de faire ou ce qu’ils connaissent, et bien ils le prennent à leur compte, si ça leur semble bon pour eux, quel que soit le contexte idéologique.
Cela reste cependant une coopération modeste, avec des moyens relativement faibles. Mais nous ne venons pas pour faire à leur place : c’est « gagnant – gagnant » et à cout partagé. La coopération institutionnelle c'est un travail sur la durée. Nos partenaires ont parfaitement admis par exemple que la première année il ne se passerait rien, et que durant douze mois Chinois et Français devaient d’abord faire connaissance, comprendre de part et d’autre comment fonctionnent les structures et qu’ensuite seulement on pourrait établir un projet sur 3 ans sur des bases solides et des objectifs précis et réalistes.
Nos amis chinois se disent très satisfaits de cette coopération en ils en font de la "publicité" dans les conférences internationales et notamment les groupes de travail de la plate-forme Chine-Europe sur l'Eau, (Voir notamment "Texte intégral du Document de la Chine sur sa politique à l´égard de l´UE"). Ils la mettent en avant parce ce qu'elle se déroule dans la durée, par étapes, directement sur le terrain dans le bassin pilote et que c'est très concret et immédiatement applicable, et cela bien qu'ils aient aussi des coopérations avec beaucoup d'autres pays.
Estimation du coût de la coopération Franco-Chinoise du bassin du fleuve Hai et du sous-bassin de la rivière Zhou.
Ce montant se monte à environ 500 000 Euros pour la partie française sur la période 2011-2015, hors interventions des experts court terme qui interviennent, notamment du Ministère ou de l’Agence de l’eau Seine Normandie, du SIAAP et des Grands Lacs de Seine; Pour le coût des interventions chinoises les estimations ne sont pas disponibles.
Les intervenants français en retirent une autre vision du monde, mais il y a aussi un réel impact économique qui passe par une plus forte internalisation des coûts environnementaux par les administrations et les entreprises chinoises et une remise à niveau des normes et des standards techniques utilisés pour des appels d'offres qui sont ouverts à nos entreprises de l’eau.
Le projet s’intègre aussi dans une logique de coopération européenne, dans laquelle ce projet Chine-France a une forte visibilité ce qui renforce notre crédibilité auprès de la Commission Européenne et des autres états-membres.
Télécharger le document réalisé par Edouard Boinet qui présente les trois voies des canaux de transfert, orientale, centrale et occidentale, avec schémas et photos. Chine: projet de transfert Sud-Nord