Selon l'investisseur, Nicolas Antaki (
1), directeur de la société euro-africaine des eaux (SEAE), le projet serait soutenu par le roi Mohamed VI. La SEAE prévoit la construction d'une usine capable de produire 100 millions de litres d'eau en bouteille par an.
En 2002, au terme d'un long parcours administratif, ministère de la santé, de l'intérieur, de la jeunesse et des sports..., l'investisseur obtient les autorisations nécessaires à l'exécution de son projet. Après quelques années durant lesquelles l'affaire prend de l'ampleur par la mobilisation de la population locale opposée au projet, la réalisation de l'unité d'embouteillage devient concrète en 2007 avec la sortie de terre du bâti et l'arrivée des machines.
Cette situation, loin d'être unique sur la planète, pose la question fondamentale du droit à l'eau et notamment du droit d'usage, surtout lorsque depuis des dizaines d'années ces populations gèrent l'eau.
Parallèlement à une spoliation éventuelle de l'usage de l'eau, la vision entrepreneuriale est mise en difficulté.
D'une part, par le contexte géographique : difficultés d'accès au site, circulation de nombreux véhicules sur des routes étroites, stress hydrique d'une région qui souffre d'un manque de précipitation et dont plusieurs lacs se sont asséchés par excès de pompage, absence de garantie quant au débit destiné à l'usine d'embouteillage (la source donnerait environ 12 litres par seconde, dont 3 seraient utilisés par l'usine... mais avec quel contrôle ?).
D'autre part, cette implantation s'inscrit dans un contexte planétaire de refus de plus en plus marqué de l'eau en bouteille, notamment en bouteille plastique : utilisation de composants à base de pétrole pour fabriquer les contenants, collecte des déchets (les bouteilles vides) souvent défectueuse, et déchets en forte augmentation. Notons que les mentalités évoluent, ainsi en 2007 au Canada, la ville d'Ottawa a entrepris de réduire ou d'interdire l'usage des bouteilles d'eau en plastique dans ses bâtiments municipaux ainsi que lors de manifestations publiques, tandis que la ville de Toronto évalue la possibilité d'imposer une taxe sur l'eau en bouteille.
En 2008, c'est la ville suèdoise de Göteborg qui renonce à l'eau en bouteille et elle ne fournira plus que de l'eau du robinet à ses employés.
Dans chaque cas les arguments invoqués sont d'ordre environnemental : fabrication des bouteilles à partir d'énergie fossile, transport sur de longue distance, source de pollution atmosphérique, déchets en forte augmentation.
D'autant qu'en ce qui concerne le Maroc, l'Office national de l'eau potable (Onep) est allé très loin, au-delà de l'Atlas, pour fournir aux marocains une eau de qualité et distribué dans des douars parfois fort peu accessibles.
Alors, quels intérêts peut-il y avoir à construire une usine qui entrainera de fortes nuisances dans une zone forestière classée (le "pays" des cèdres) ?
Ils sont d'ordre économique, politique et financier :
Intérêt économico-politique : l'eau en bouteille semble être un signe important de développement, notamment industriel et sanitaire grâce à la maîtrise des technologies associées à ce type de production. Il est aussi question d'une centaine d'emplois à créer, mais ce nombre parait exagérer et serait plutôt de l'ordre de la dizaine. A contrario de cette vision libérale on peut logiquement supposer que le jour où les populations locales ne seront plus en autosuffisance alimentaire, elles viendront grossir le lot des déplacés qui se dirigent, par exemple, vers Fès où ils vivent dans des conditions déplorables et souvent sans eau.
Intérêt financier : si la bouteille d'un litre est commercialisée à 1,5 dirham, le chiffre d'affaire sur un an sera d'environ 150 millions de dirhams (15 millions d'euros). Quelle part de cette somme reviendra aux habitants ? Sous quelle forme ?
Le communiqué de presse émis par l'Association pour un contrat mondial de l'eau (Acme-Maroc) -voir ci-dessous- montre que d'importantes mobilisations sont en marche et qu'une issue positive du combat pour l'eau des habitants de Ben S'mim est possible.
Richard Varrault
1 Lire l'article de "L'Economiste" du 3 octobre 2007, journal économique marocain, soit directement sur le site du journal (si l'article est toujours en ligne), ou des extraits de l'article dans la revue de presse internationale -aller dans la rubrique "recherche", utiliser le menu déroulant "ville/région" et choisir Ifrane.
Dimanche 18 Janvier 2009
La Caravane/manifestation de soutien aux villageois de Ben S’mim contre la privatisation des eaux de leur source, organisée à l’appel d’ACME-Maroc a vu la participation – malgré la neige et des conditions climatiques très mauvaises – de représentants de 25 associations nationales et régionales dont, notamment, ceux de l’Association marocaine des droits humains (AMDH), d’ATTAC – Maroc, de l’instance de défense des deniers publics et de l’Organisation marocaine des droits de l’homme (OMDH).
Etaient également présents à cette manifestation de très nombreux avocats des barreaux de Meknès et de Fès, de l’Association des jeunes avocats de Khémisset ainsi que des membres du Bureau politique et du Conseil national du Parti socialiste unifiée.
La population et les participants rassemblés dans la place centrale du village, après avoir observé une minute de silence à la mémoire des victimes des attaques criminelles contre la population palestinienne à Gaza, ont adopté un communiqué relatant le processus de privatisation/spoliation de l’eau des villageois et ont appelé à :
- L’arrêt définitif du projet de mise en bouteille des eaux de leur source.
- L’arrêt des poursuites judiciaires engagées depuis le mois de septembre 2007 contre 12 villageois accusés d’avoir manifesté contre le projet.
- L’adoption d’une politique réelle de développement de la région pour la sortir de la marginalisation et de la pauvreté absolue dans lesquelles elle est plongée depuis l’indépendance du pays.
Les organisations qui ont pris part à la caravane ont adopté le principe de la constitution d’une coordination nationale pour soutenir la population de Ben S’mim pour la réalisation de ces trois revendications, alors que les différents avocats présents se sont engagés à défendre les villageois poursuivis devant la justice et à engager toute action de nature à arrêter le projet de privatisation de la source devant les juridictions compétentes.
18 janvier 2009
MEDHI LAHLOU
Interview de Mehdi Lahlou
Dans cette interview, réalisée le 23 janvier 2009, le président de l'Acme-Maroc retrace le parcours des habitants de Ben S'mim pour faire valoir leur droit à l'eau.
M. Lahlou propose également une autre option pour créer des emplois, en réhabilitant l'ancien sanotorium construit par les français à proximité d'Ifrane.
Cliquer sur ce lien pour écouter l'interview [fichier Wav ; 3:45] Votre lecteur doit s'ouvrir automatiquement (Quick Time, Windows media player, ou autre).
Localisation géographique de Ben S'mim
Coordonnées de la ville d'Ifrane :
Latitude : 33º31'42.28"N
Longitude :5º 6'26.85"O
Détail : village de Ben S'mim
d'après une image satellitaire de Google Earth
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