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Regards sur la Terre, édition 2008 Lentement et silencieusement, la destruction de la biodiversité met en péril le développement de la planète, au Nord comme au Sud. Soixante années de progrès économique ont déjà eu des effets irréversibles que la croissance rapide des pays émergents et la persistance de l’extrême pauvreté ne feront qu’aggraver.



Regards sur la Terre 2008 dirigé par Pierre Jacquet et Laurence Tubiana
Les Presses de Sciences Po



Regards sur la Terre a choisi de faire de la biodiversité son dossier 2008 pour favoriser la prise de conscience et ouvrir les voies à l’action.



Au sommaire de REGARDS SUR LA TERRE 2008 :

> Le bilan des événements de l’année et ses implications, particulièrement pour le monde en développement, vus sous le prisme du développement durable et complétés par l’agenda des grands rendez-vous de 2008.

> Le dossier Biodiversité composé de trois parties illustrées de graphiques, encadrés et interviews :
1) Concepts, histoire et débats
2) Nouveaux acteurs, nouvelle gouvernance ?
3) Innover pour protéger

> Les repères du développement durable, Cartes, tableaux, chronologies, synthèses économiques, sociales et environnementales, offrent une cartographie illustrée du développement durable.





Biodiversité : la crise silencieuse


Il est désormais impossible de le nier : nous sommes au seuil d’une crise majeure. Des gènes aux écosystèmes en passant par les espèces, tous les éléments de la biodiversité se détériorent. En cause : la présence d’une seule espèce, Homo sapiens, devenu l’ennemi numéro 1 de la nature. Bien que brutale et rapide, cette détérioration sans précédent de notre environnement échappe pourtant largement à l’attention de l’humanité. En effet, l’urbanisation croissante de nos sociétés nous éloigne, nous déconnecte de la nature. Et nous fait également oublier notre dépendance vis-à-vis d’elle. C’est à cette « crise silencieuse » que Regards sur la Terre 2008 consacre son dossier. Les neufs chapitres qui le composent cherchent ainsi à clarifier les concepts, présenter les acteurs et éclairer les débats actuels afin de repenser les réponses à apporter au défi de la conservation de la biodiversité.

Que retenir de ces différentes analyses ? En premier lieu sans doute que la dégradation de la nature se poursuit inexorablement alors même que nous savons désormais à quel point la biodiversité est indispensable au bien-être humain. Toutefois, si le développement démographique et économique entraîne quasi-systématiquement une détérioration des écosystèmes, on aurait tord de réduire la relation entre nature et développement à une simple causalité négative. D’autant plus que la relation causale inverse est sans doute tout aussi importante : l’appauvrissement de la biodiversité peut à son tour saper les fondements de la croissance économique.

Mais le message principal de ce dossier n’est pas une déclaration défaitiste : malgré l’ampleur de la crise, des solutions existent. Le XIXe siècle a connu les premiers efforts de conservation de la nature. Le XXe les a intensifiés. Et au cours des dernières décennies, des structures de gouvernance locales, nationales et internationales ont été créées, de nouveaux concepts ont été définis, des approches novatrices ont été mises en oeuvre. Rien de cela, bien sûr, n’a été suffisant pour enrayer la dégradation de la nature. Mais les analyses montrent toutefois que la lutte n’a pas été vaine et nombre d’expériences ont été couronnées de succès. « Nous devons maintenant clarifier nos stratégies, élargir nos efforts, déployer les politiques nécessaires et mettre en oeuvre les financements requis, concluent Jacques Loup (AFD) et Sheila Wertz-Kanounnikoff (Iddri), qui introduisent le dossier biodiversité de ce deuxième opus de Regards sur la Terre ; les moyens techniques, financiers et humains existent ; à nous de savoir les mobiliser et les mettre en oeuvre. »





Chapitre 9

Le paiement des services environnementaux
par Sheila Wertz-Kanounnikoff *, Sven Wunder **
* Chargée de programme « Économie de ressources naturelles », Iddri.
** Senior Economist, CIFOR


Puisque les écosystèmes fournissent des services essentiels au bien-être humain, pourquoi ne pas payer pour eux ? C’est ce que suggère le concept de Paiement des Services Environnementaux (PES), « sans doute l’innovation la plus prometteuse dans le domaine de la protection de l’environnement depuis le Sommet de la Terre de Rio de 1992 », estiment les auteurs. L’idée principale est que les bénéficiaires des services fournis par les écosystèmes (tels que la régulation de l’eau, la régulation du climat, la beauté des paysages et la préservation de la biodiversité) payent, directement et de manière contractuelle, une compensation aux exploitants locaux qui adoptent des utilisations de la terre et des ressources garantissant la préservation de ces services. Mais si l’idée est relativement simple, la mise en oeuvre de ce concept est un peu plus compliquée.

En effet, alors même que la transition d’une économie de biens vers une économie de services est omniprésente dans les autres secteurs économiques, ce n’est pas encore le cas pour l’environnement. « Un changement plus profond des mentalités et du comportement des acheteurs et vendeurs de services d’écosystèmes semble nécessaire pour admettre qu’en principe le commerce des services d’écosystèmes n’est ni plus immoral ni plus inconcevable que le commerce des biens d’écosystèmes (bois de construction, soja, huile de palme) », notent les deux auteurs. Par ailleurs, la vente des services d’écosystèmes bute sur un autre problème : la difficulté, voire l’impossibilité, de prouver scientifiquement le service commercialisé. Il n’empêche, de nombreuses initiatives de PES commencent à voir le jour, majoritairement dans les pays développés. On trouve notamment des paiements publics agro-environnementaux incitant les agriculteurs à changer leurs pratiques. En France, une marque d’eau minérale en bouteille paye également les fermiers locaux pour des services de protection du bassin hydrographique afin de garantir un haut niveau de qualité de l’eau.

« Dans un contexte mondial de stagnation, voire de décroissance du financement public pour la préservation de la biodiversité, les PES ont le potentiel d’attirer non seulement des nouveaux fonds mais également d’anciens fonds utilisés jusqu’ici pour d’autres finalités, en trouvant éventuellement une niche conjointe avec d’autres mesures de politique environnementale », concluent les auteurs. Parmi ces autres mesures, les préoccupations actuelles sur la prévention de la déforestation afin de réduire les émissions de carbone pourraient permettre de transférer les PES à un niveau international, dans ou en dehors du Protocole de Kyoto, en groupant par exemple deux services des écosystèmes forestiers : la séquestration des gaz à effet de serre et la préservation de la biodiversité.



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