Madame la Secrétaire d’Etat,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs les journalistes,
Mes chers Amis,
Après quelques semaines de rodage, le MEDAD est aujourd’hui en ordre de marche.
En regardant le film d’Al GORE « Une vérité qui dérange », Yann ARTUS-BERTRAND disait qu’il s’agissait du seul film catastrophe où les acteurs et les victimes étaient dans la même salle. La révolution industrielle, le productivisme, l’époque où les énergies fossiles étaient éternelles, est aujourd’hui révolue. Ce qui se joue aujourd’hui, c’est la vie et la façon de vivre de nos enfants : nous sommes dans un espace temps extrêmement court.
Voici venu le temps des conséquences disait CHURCHILL : pour nous, voici venu le temps de l’action.
L’objectif est que la France soit en pointe sur ce combat des droits de l’Homme du XXIème siècle. L’ambition est énorme. Il y aura des difficultés dans le parcours mais notre volonté est inébranlable : la France sera au rendez vous.
S’il y a urgence, c’est que « nous sommes déjà en train de subir ». L’opinion publique française, européenne et mondiale est prête : il faut l’aider, la guider, offrir un cadre public et un cap clair.
Ce qui est en jeu c’est le grand défi de la planète comme la faim et le terrorisme qui sont parfois liés. Les crises environnementales et sociales se rejoignent.
L’écologie ne doit plus être seulement le combat de quelques uns mais, comme les militants de la première l’ont toujours souhaité, un mouvement de fond, un immense élan de tous les citoyens, de tous les acteurs de la société française, européenne et mondiale. Je crois qu’il faut d’ailleurs rendre hommage à ces pionniers de la cause environnementale, en France et dans le monde.
Lors de la campagne électorale, le Président de la République a pris l’engagement, devant les Français, de placer le développement durable au cœur de ses priorités. Il s’agit d’un véritable Pacte de confiance fondé sur des objectifs précis et ambitieux.
La création du ministère de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement Durables en est la concrétisation puisque le titulaire de ce grand ministère, seul ministre d’Etat du Gouvernement, dispose des leviers et des moyens d’action qui lui permettront de tenir les engagements pris par le Chef de l’Etat. Soyez assurés que j’en serai le comptable scrupuleux.
Ces engagements répondent à une triple exigence, de responsabilité, de compétitivité, de solidarité :
Une exigence de responsabilité. Les Français ont conscience des urgences actuelles : réchauffement climatique, épuisement des ressources, disparition des espèces avec, en outre, la sourde conscience de menaces nouvelles et graves sur leur santé. Ils sont prêts à agir. Ils attendent qu’on les guide et qu’on les accompagne. A nous de fédérer ces énergies éparses pour les mettre au service d’un projet commun : transmettre aux générations futures une planète en bon état.
Une exigence de compétitivité économique : les pays qui auront totalement intégré le développement durable dans leur modèle économique, seront demain, les plus compétitifs. Je souhaite insister sur cette dimension : longtemps, l’écologie a été considérée comme une entrave à l’activité économique alors qu’elle va être un atout déterminant dans la compétition mondiale. Les entreprises qui produiront « propre » seront les entreprises leaders sur leur marché. Ce sont elles qui créeront les emplois de demain.
Une exigence de solidarité : solidarité vis à vis des plus démunis qui sont les premières victimes de la raréfaction des ressources. Le poids des factures impayées d’électricité ou de chauffage est déterminant dans l’engrenage du surendettement. Solidarité vis à vis des pays étrangers les plus pauvres qui ne doivent pas souffrir de nos insuffisances. Solidarité entre les générations ; celles qui nous suivront nous jugeront sur nos actes et sur le courage de nos décisions. Le développement durable s’inscrit dans le progrès : ce n’est pas une régression. Son ambition c’est la croissance, le pouvoir d’achat et donc la cohésion sociale.
Même si le défi qui est devant nous est énorme, nous ne partons pas de zéro. La France se classe aujourd’hui parmi les bons élèves de la classe européenne. Nos émissions de CO2 par habitant sont inférieures de 30% à 50% à celles de l’Allemagne et du Royaume-Uni.
Elles sont le tiers de celles des Etats-Unis. Nous sommes par ailleurs le premier producteur européen d’énergies renouvelables. Comme vous le savez, la France s’est engagée, en ratifiant le protocole de Kyoto, à stabiliser sur la période 2008-2012 ses émissions de gaz à effet de serre à leur niveau de 1990. Grâce aux efforts accomplis dans le passé, nous sommes parvenus à maintenir nos émissions à un niveau inférieur d’environ 2% à celui de 1990. Sur la même période, la croissance économique a été de 25%. C’est bien la preuve qu’on peut réduire nos émissions polluantes sans ralentir le rythme de la croissance.
C’est aussi la preuve que nous avons amorcé une vraie inflexion de tendance. Cependant, il ne faut pas se voiler la face : l’essentiel des efforts à accomplir reste devant nous.
Pour changer les choses, comme je vous le disais, le rôle de l’Etat est double : définir un cadre, fixer un cap.
Le cadre, c’est le MEDAD, super ministère où se trouvent rassemblés l’énergie et l’écologie, les transports et l’urbanisme, la mer et l’aménagement du territoire, la montagne et la forêt. Sur le plan des institutions, c’est une véritable révolution et je crois qu’elle est unique en Europe. Certes, vous vous doutez bien que rassembler en un seul ministère, qui sera administré par un secrétariat général unique, cinq ou six administrations jusqu’ici indépendantes, et parfois « antagonistes », n’est pas une tâche facile. Je vais très vite engager une concertation avec les personnels, les syndicats, les cadres pour ouvrir ce chantier dans une large concertation, fondée sur l’écoute et sur la transparence. Mais nous devons aller de l’avant et je dois disposer rapidement d’un ministère en ordre de bataille pour attaquer les immenses chantiers qui sont devant nous.
Le MEDAD n’a pas été construit pour le plaisir de faire des réformes mais par souci d’efficacité. Le Président de la République est parti des objectifs qu’il s’était fixés pour concevoir ce nouvel outil. Ainsi, l’écologie qui relevait jusque alors d’un ministère sans réelle capacité d’action, cantonné souvent dans un rôle d’incantation ou d’interdiction, se trouve désormais sous l’autorité d’un ministre qui détient un vrai pouvoir de décision dans tous les domaines qui la concernent. La question aujourd’hui n’est plus de s’occuper uniquement des routes, de la mer, des avions, de façon dispersée. Il faut intégrer le développement durable au cœur de toutes nos politiques. Pour la première fois, un ministre dispose de tous les leviers pour y parvenir et croyez-moi, il est conscient de ses responsabilités.
Le cap quant à lui, il est simple à définir : il s’agit de convaincre les Français de changer de comportement et de les accompagner dans cette démarche. Nous avons donc fixé des objectifs très ambitieux sur les grands chantiers prioritaires : lutte contre le réchauffement climatique, protection de la biodiversité, gestion des déchets, aménagement durable et harmonieux du territoire.
Le Président de la République a défini lui-même les contours de ce que devait être cette politique pendant la campagne électorale :
- favoriser le report d’au moins un quart du trafic fret routier vers le rail et la voie d’eau ;
- conduire le transport aérien à être écologiquement performant ;
- accroître la compétitivité de nos ports et la sécurité maritime ;
- promouvoir une mobilité urbaine plus douce et respectueuse de l’environnement ;
- poursuivre l’effort en matière de sécurité routière ;
- mettre au cœur du développement territorial la gestion économe des ressources non renouvelables qu’il s’agisse de l’énergie ou de l’espace ;
- conforter les pôles de développement, en mettant en avant le développement durable ;
le Président de la République a également souligné, il y a quelques jours, l’importance de la région Île-de-France pour le rayonnement de notre pays. Or, la situation francilienne présente des signes de faiblesse en raison de l’émiettement des responsabilités. Je souhaite que le MEDAD devienne une vraie force de proposition pour l’aménagement de la région. Par sa capacité d’expertise, il proposera une vision plus cohérente et surtout plus hiérarchisée des projets, notamment dans certains domaines comme le logement ou les transports publics.
Tous les éléments sont aujourd’hui réunis pour basculer dans l’ère du développement durable. Maintenant, il faut passer à l’acte.
Passer à l’acte, ça signifie tout d’abord que l’Etat doit se montrer exemplaire. Si nous voulons convaincre les Français de modifier leur comportement, nous devons être irréprochables. Je serai le garant de cette exemplarité et d’abord dans ce ministère qui doit être plus exemplaire que les autres. Mais le Président de la République a décidé que le MEDAD assurerait aussi l’expertise de toutes les politiques publiques. Il aura notamment la responsabilité de vérifier, avant qu’elles ne soient décidées, que toutes les commandes publiques de l’Etat et des établissements publics répondent bien aux critères du développement durable. Ce sera une tâche lourde mais déterminante, aussi bien pour la réussite que pour la crédibilité de notre politique.
Bien entendu, je n’ai pas la prétention de mener ce travail en solitaire. Nous devons collaborer étroitement avec l’ensemble des acteurs : les branches d’activité, les partenaires sociaux, les collectivités territoriales, les associations, le monde éducatif… Nous n’atteindrons pas nos objectifs sans la mobilisation de l’ensemble de la société civile. A nous de répondre aux questions que se posent tous les citoyens sur les moyens pratiques, dans leur vie quotidienne, de changer les choses. A nous de les informer, de les inciter et de les accompagner.
Passer à l’acte, ça signifie aussi fixer un calendrier et une méthode.
Nous engagerons un travail continu sur les cinq prochaines années avec un premier rendez-vous majeur au mois d’octobre prochain : le « Grenelle de l’environnement ». Cette grande négociation, demandée par le Président de la République, doit aboutir avant la fin du mois d’octobre à un plan d’action de 20 à 30 mesures concrètes et quantifiables. L’objectif est d’obtenir un accord le plus large possible des participants car le consensus est la condition de l’efficacité.
Concrètement, les propositions vont être élaborées par six groupes de travail qui travailleront chacun sur un thème :
- la lutte contre le changement climatique ;
- la préservation de la biodiversité et des ressources naturelles ;
- l’instauration d’un environnement respectueux de la santé ;
- l’adoption de modes de production et de consommation durables ;
- la construction d’une démocratie écologique ;
- la promotion de modes de développement écologique favorables à la compétitivité et à l’emploi.
Les groupes de travail seront composés de 40 membres répartis en 5 collèges de 8 membres. Ces collèges ont pour vocation de représenter tous les acteurs du développement durable : l’Etat, les collectivités locales, les ONG, les employeurs et les salariés.
Les groupes de travail seront présidés par des personnalités indépendantes, à la compétence reconnue de tous. Ils auront pour mission de proposer des mesures et de déterminer les éventuels points de blocage.
La première phase sera consacrée au dialogue et à l’élaboration des propositions au sein des groupes. Un premier point d’étape sera effectué en présence du Président de la République autour du 14 juillet. La deuxième phase, en septembre, sera consacrée à la consultation du grand public et des acteurs locaux. Un site Internet permettra aux Internautes de réagir aux propositions des groupes qui seront mises en ligne. Des assises régionales, dont au moins une outre-mer, seront organisées. Enfin, la négociation proprement dite se tiendra dans la deuxième quinzaine d’octobre et débouchera sur une batterie d’actions concrètes qui seront approuvées au cours d’un CIADT et inscrites, si nécessaire, dans les lois de finances. Il s’agira ensuite d’en surveiller étroitement l’application. Comme je l’ai pratiqué pour la mise en œuvre du Plan de Cohésion Sociale, je ferai un point d’étape, tous les mois avec les Préfets, et chaque année, je viendrai rendre des comptes directement aux Français.
L’ensemble de ces mesures pourra par ailleurs servir de socle à des initiatives françaises soit dans la perspective de la présidence de l’Union européenne, soit sur le plan multilatéral. Car je souhaite que ce grand ministère devienne le fer de lance de la lutte contre l’effet de serre au niveau mondial. Aujourd’hui, le principal enjeu est d’inventer l’après Kyoto. Nous savons déjà qu’il faudra faire plus. D’autres pays doivent nous rejoindre, les Etats-Unis bien sûr, mais aussi les pays émergents à commencer par l’Inde ou la Chine. Nous devons également couvrir plus de secteurs : pendant que nous plafonnons les émissions des installations industrielles, celles du transport aérien s’envolent. Si nous voulons obtenir une réduction globale, c’est le secteur des transports dans son ensemble qui doit participer à l’effort international.
En juin dernier, lors du G8 - étendu pour l’occasion à 5 grands pays émergents- nous avons commencé à rapprocher les points de vue. La prochaine échéance est désormais la conférence de Bali, en décembre de cette année, qui réunira les parties à la convention et au protocole de Kyoto. Cette rencontre nous permettra de préparer la conférence de Poznan, en Pologne, prévue pour décembre 2008. Ce sera la date ultime pour parvenir à un accord. En effet, si nous ne voulons pas qu’il y ait de pause dans la lutte contre le réchauffement climatique, il faut que nous soyons d’accord sur une nouvelle politique au plus tard fin 2012. Or, le processus de ratification est traditionnellement long.
Heureusement, dans ce combat, nous ne sommes pas seuls. L’Union européenne parle d’une voix forte et unie. En mars 2007, elle a envoyé un signal fort au reste du monde en s’engageant, de façon unilatérale, à réduire de 20% ses émissions de CO2 d’ici 2020. Si les autres pays industrialisés acceptent un effort équivalent, les 27 pays de l’Union sont même prêts à aller jusqu’à 30%.
En attendant, l’UE continue d’agir au quotidien pour montrer l’exemple.
La possibilité d’inclure l’aviation dans le système de droits de permis à polluer est sur la table des négociations depuis décembre 2006 ;
Hier, lors du conseil européen de Luxembourg, nous avons obtenu des avancées majeures sur la limitation des émissions de CO2 des voitures ;
La Commission travaille déjà à de nouvelles propositions concernant les bateaux ;
En parallèle, nous réfléchissons à une amélioration de la directive qui met en œuvre le protocole de Kyoto. Aujourd’hui, les droits de permis à polluer sont plafonnés mais ces droits sont gratuits. Demain, nous espérons qu’ils pourront être mis aux enchères et qu’en conséquence, ils seront payants.
Tous ces projets, je m’engage à les faire avancer lorsque la France exercera la Présidence de l’Union, au cours du second semestre 2008.
Deux autres combats me tiennent particulièrement à cœur.
Le premier concerne la biodiversité. Nous savons que sa disparition constitue un dommage irréparable pour l’humanité. A l’image de ce que nous avons fait pour le climat avec le GIEC, nous avons mis en place un processus, l’IMoSEB, qui consiste à faire travailler ensemble les meilleurs experts internationaux. Une grande conférence est prévue sur ce thème, à Bonn, en 2008.
La deuxième priorité concerne l’organisation d’une gouvernance internationale de l’environnement. Nous sommes face à un vrai paradoxe : l’aviation a l’OACI, le transport maritime a l’OMI ; même la route a une organisation internationale !
L’environnement, elle, n’a pas de gouvernance à la hauteur de ses enjeux. Je sais que le projet est ancien et le chantier, là aussi, considérable. Mais il s’agit d’une absolue nécessité. Une réunion est prévue sur ce sujet au début du mois de septembre à Rio, qui sera poursuivie par une deuxième rencontre au Costa Rica en novembre prochain.
Quoiqu’il en soit, j’ai une certitude : plus la France sera exemplaire, plus sa voix sera forte. Voilà pourquoi, nous sommes soumis à une obligation de résultats dans tout ce que nous entreprendrons dans les mois à venir.
Je voudrais, en conclusion, vous dire quelques mots sur ma méthode, qui sera fondée sur trois principes : transparence, efficacité et réalisme. Tout sera fait dans la concertation avec des objectifs clairs et des actions ciblées qui feront l’objet d’une évaluation systématique. C’est une condition indispensable pour conserver l’adhésion des Français. C’est aussi une façon de tester l’efficacité de nos actions et de rectifier le tir si les résultats ne sont pas au rendez-vous. Pour relayer cette politique, j’entends utiliser toute la palette des outils disponibles : la réglementation, la contractualisation, et aussi la fiscalité, dont les possibilités de réforme font actuellement l’objet d’études approfondies menées par mes collaborateurs en étroite collaboration avec ceux de Madame LAGARDE. Pour chaque action, dans chaque secteur, j’emploierai l’outil le mieux adapté avec la conviction que s’il est parfois nécessaire d’interdire ou de contraindre, il faut chercher d’abord à expliquer, à encourager et à inciter.
J’ai conscience de la responsabilité qui est la mienne. Mais je crois au succès de cette politique parce qu’elle est juste, parce qu’il est nécessaire et urgent de la mettre en œuvre, et que les Français le savent. Nous allons donc nous atteler à la tâche avec enthousiasme.
Je vous remercie.
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