Monsieur le Président, Excellence,
Chers humains,
Je représente le monde animal dans une réunion comme celle-ci et j’ai l’intention d’abord de vous faire partager la voix de ces animaux, avec lesquels je travaille depuis longtemps. Voici les cris du chimpanzé, le bonjour du chimpanzé de Tanzanie.
Ce qui est tout à fait remarquable, je travaille depuis 45 ans avec les membres proches de notre famille. Ils sont vraiment très semblables, il y a des similarités biologiques, de comportement, d’émotions. Cela donne un respect très grand pour ces rares et extraordinaires chimpanzés, et ces grands singes, mais également du respect pour tous les animaux avec lesquels nous partageons cette planète. Je me suis rendue compte, au début des années 80, à quel point les chimpanzés et les autres animaux d’Afrique disparaissaient parce que leur habitat disparaissait. C’était particulièrement vrai dans le cas des chimpanzés parce que la forêt se réduisait. J’ai eu le sentiment à un moment donné que, moi aussi, je devais quitter cet endroit fantastique, où je vivais dans la forêt en train d’écrire sur ces chimpanzés. Et je me suis dit à ce moment-là qu’il fallait que je fasse quelque chose pour défendre les chimpanzés, défendre la forêt merveilleuse où ils travaillaient. J’ai quitté cette forêt-paradis. Je n’ai pas passé plus de trois semaines de suite dans le même endroit. Je bouge. Je dois faire quelque chose aussi à propos de la quantité d’émission de gaz que produisent les avions dans lesquels je voyage. Au moment où j’ai commencé à voyager de part le monde, tout d’abord en Afrique, je me rendais compte que les problèmes africains étaient liés de très près au fait que la communauté, l’élite du monde, menait un type de vie qui ne défendait pas du tout le développement durable. Je me suis rendue compte qu’il y avait une connexion entre tous ces problèmes et que cela ne rimait à rien de se battre pour sauver une espèce animale ou la forêt dans laquelle elle vit, que tout était lié. Il fallait s’attaquer à tous ces problèmes qui ont été évoqués, ici, aujourd’hui.
Et, au moment où j’ai commencé à voyager, je me suis aperçue que partout où j’ai rencontré des jeunes, ces jeunes avaient perdu tout espoir dans l’avenir. Certains étaient déprimés, d’autres étaient véritablement en colère, d’autres étaient complètement apathiques. J’ai commencé à parler avec ces jeunes et tous m’ont dit pratiquement la même chose : nous, nous pensons cela parce qu’en fait nous avons un avenir complètement endommagé. Il y avait une illusion autrefois. On avait l’impression effectivement que l’on était en train d’hypothéquer l’avenir des jeunes. Mais, lorsque vous faites un emprunt, vous pouvez rembourser. Nous n’avons pas fait un emprunt sur l’avenir de nos enfants. Nous avons, en fait, dilapidé cet avenir. J’ai des petits-enfants et j’ai vraiment le sentiment que je n’étais pas dans la même situation qu’eux au même âge. Et je sens cette colère, cette aspiration des jeunes.
Après cela, il y a un programme que nous avons mis en place dans plus de 90 pays de par le monde et c’est peut-être devenu ma raison d’être. Ce sont les chimpanzés qui m’ont amenée à cela. Les gens m’écoutent parce que les chimpanzés les fascinent.
C’est, en fait, une histoire fantastique que les enfants aiment écouter. Grâce à cette histoire, j’ai pu toucher le cœur de centaines de milliers, voire de millions d’enfants. Ce programme s’appelle "Roots and shoots" c’est un nom symbolique, roots pour racine et shoots pour les pousses. Une petite pousse qui finit par monter, monter vers le soleil et créer un arbre. Il y a eu une illustration fantastique de tout cela dans le film. Mais il y a aussi le cortège de problèmes sociaux, la cupidité, la criminalité, la délinquance, c’est un monde sans pitié. On comprend la réaction des jeunes. Mais grâce à ce programme, cela redonne un certain espoir. Ce programme "Roots and shoots" a permis vraiment de rassembler des jeunes pour essayer d’avoir un meilleur monde pour tous. Nous avons des programmes qui vont depuis l’âge du jardin d’enfants jusqu’à l’université, avec des groupes même dans les prisons, les grandes sociétés, les camps de réfugiés.
Ces membres de notre mouvement que font-ils ? Ils choisissent trois projets différents : pour essayer d’améliorer le monde d’une part, pour améliorer la situation de leur communauté et ensuite, tendre la main à des victimes de l’injustice, à l’extérieur de leur groupe, ou bien pour intervenir dans le cadre de catastrophes naturelles quelque part dans le monde.
Deuxième projet, faire quelque chose pour améliorer la vie des animaux, pas simplement les animaux de compagnie. Troisième chose, pour faire quelque chose pour l’environnement. En fait, les jeunes sont passionnés pour les trois volets de ce programme. Cela permet à chaque enfant d’avoir véritablement l’impression qu’il fait quelque chose, qu’il a une mission dans la vie. C’est un programme marqué par la non-violence, qui promeut le travail, l’amour, le respect pour la vie sous toutes ses formes. La raison pour laquelle j’ai un certain espoir pour l’avenir, c’est qu’il y a cet enthousiasme énorme, cet idéalisme, cet engagement, ce courage réel de jeunes que l’on sent partout dans le monde. Une fois qu’ils comprennent le problème, une fois qu’on leur donne le moyen d’agir, ils cherchent à faire quelque chose. Par exemple, il y a eu des interventions pour aider des Intouchables dans les parties les plus reculées du Népal. Il y a une détermination de la part des jeunes pour que les choses s’améliorent.
Deuxième raison d’optimisme, c’est qu’il y a une grande résistance : résistance des humains, de la vie sauvage, de la nature, qui a cette capacité de résilience, de revenir, de rebondir. On est pratiquement au bord de la destruction d’un système écologique. On peut le faire renaître, faire survivre une race qui est sur le point d’extinction.
Il y a aussi, troisième élément, la race humaine qui, dans certains cas, peut aussi vous remplir d’optimisme.
Monsieur le Président, vous avez fait une grande chose en réunissant toutes ces personnalités pour cette conférence et je suis fière d’en faire partie.
La dernière chose que je voudrais dire, c’est que, lorsque je voyage, je me rends compte qu’il y a tant de problèmes. Les gens me disent qu’il n’y a pas d’espoir quand je vois toute l’horreur qui nous entoure. Mais partout, il y a toujours un groupe de gens passionnés, qui font tout, qui risquent leur vie, qui perdent leur vie dans certains cas, pour essayer de redresser la situation, qui se battent pour la justice sociale, pour la protection de l’environnement. C’est quelque chose qui me donnent particulièrement de l’espoir.
Réunir ici des gens qui sont engagés, déterminés dans cette lutte contre le fait que nous volons l’avenir de nos enfants, que nous dilapidons leur héritage et que l’on va commencer à réparer pour créer un avenir meilleur pour eux, cela aussi est une grande source d’espoir pour moi.
Je vous remercie.
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