Le 21 janvier 2004
Ordonnances du président du Tribunal dans les affaires T-217/03 R, T-252/03 R, T-245/03 R
FNCBV, FNICGV, FNSEA e.a. / Commission des Communautés européennes.
Un sursis de cinq mois est accordé par le Président du Tribunal à quatre fédérations françaises d'exploitants agricoles, et de deux mois à une fédération française d'abatteurs pour s'acquitter des amendes infligées par la Commission qui les a toutes condamnées pour ententes contraires aux règles de la concurrence
Les préjudices graves et irréparables que les requérantes risqueraient de subir justifient, en particulier, l'octroi de la mesure provisoire demandée. Seule la FNICGV voit sa demande rejetée pour absence de caractère d'urgence.
Dans le contexte économique récessif qu'a connu le secteur de la viande bovine en France, frappé par plusieurs crises, dont la seconde d'ESB, fin 2001, quatre fédérations d'exploitants agricoles (la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), la Fédération nationale bovine (FNB), la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), et les Jeunes agriculteurs (JA)) et deux fédérations françaises d'abatteurs (la Fédération nationale de l'industrie et des commerces en gros des viandes (FNICGV) et la Fédération nationale de la coopération bétail et viande (FNCBV)), ont, le 24 octobre 2001, signé un accord ayant pour objet de fixer un prix minimum pour certaines catégories de viande bovine et d'en limiter les importations en France.
Par décision du 2 avril 2003, la Commission a constaté qu'il s'agissait d'une violation grave des règles communautaires de la concurrence qui, malgré ses avertissements fin novembre 2001, avait été prolongée en secret par les parties jusqu'en janvier 2002. En conséquence, elle a imposé des amendes respectives de 12 millions d'euros à la FNSEA, de 1,44 million d'euros à la FNB, de 1,44 million d'euros à la FNPL, de 600 000 euros aux JA, de 480 000 euros à la FNCBV et de 720 000 euros à la FNICGV.
Les six fédérations agricoles françaises ont introduit, devant le Tribunal de première instance:
d'abord, un recours visant à l'annulation de la décision de la Commission et/ou à la suppression ou la réduction des amendes infligées ;
puis, une demande en référé pour éviter le recouvrement immédiat de la totalité de l'amende imposée aux requérantes, sauf à la FNPL pour laquelle aucune demande n'a été formulée.
Le président du Tribunal reconnaît la pertinence de deux arguments communs aux fédérations d'exploitants agricoles et à la FNCBV justifiant, à première vue, l'octroi de la mesure provisoire demandée (fumus boni juris)
Le président du Tribunal, après un examen préalable sommaire des arguments présentés par les requérantes pour justifier l'octroi de la mesure provisoire demandée, retient comme pertinents deux moyens invoqués par les fédérations d'exploitants agricoles (affaire T-245/03 R) et par la FNCBV (affaire T-217/03 R). Il estime qu'il ne peut être exclu que la Commission
d'une part, contrairement aux dispositions en matière de fixation d'amendes, ait fixé une amende dépassant le seuil de 10 % du chiffre d'affaires des fédérations agricoles en considérant que ces dernières pouvaient engager leurs membres, alors que, au regard des statuts de chaque fédération, il est douteux que celles-ci aient la capacité à prendre de décision de nature à lier leurs membres. Un tel postulat mérite, dès lors, une appréciation par le seul juge du fond ;
d'autre part, ait dû motiver dans sa décision le montant plafond des amendes et le mode de calcul retenu.
Les préjudices graves et irréparables que pourraient subir les fédérations d'exploitants agricoles et la FNCBV justifient la condition relative à l'urgence d'un sursis.
Les trois fédérations d'exploitants et celles d'abatteurs font valoir que, compte tenu de leur situation financière et du refus de soutien financier de leurs banques (excepté pour la FNICGV), la constitution de la totalité de la garantie bancaire risquerait pour la plupart d'entre elles d'entraîner leur disparition. En revanche, elles proposent le paiement échelonné d'une partie de l'amende ou la constitution d'une garantie bancaire relative à ce même montant. La Commission s'oppose à cette solution, en estimant, en particulier, que les adhérents des fédérations requérantes peuvent contribuer financièrement à l'acquittement intégral des amendes imposées. Les requérantes objectent que l'impossibilité statutaire d'engager leurs membres empêche que leurs intérêts se confondent avec ceux de leurs membres et donc que ces derniers voient leurs cotisations augmenter.
S'agissant de la FNICGV, le président du Tribunal estime que, la condition de l'urgence n'étant pas établie, il convient de rejeter sa demande. S'agissant des quatre autres requérantes, le président du Tribunal octroie un sursis, respectivement, de cinq mois pour les trois fédérations d'exploitants et de deux mois pour la FNCBV. Il estime en effet que, leurs intérêts objectifs ne pouvant pas être dissociés de ceux de leurs adhérents, il faut apprécier leur capacité financière au regard de ces derniers. À cet égard, il n'a pas été démontré que les membres des requérantes n'aient pas la capacité financière nécessaire au paiement intégral des amendes ou à la constitution de la totalité des garanties bancaires nécessaires. En revanche, le président du Tribunal admet que, afin de permettre à ces quatre requérantes d'augmenter les cotisations de leurs adhérents, il faut un certain temps. À la lumière des statuts de la FNSEA, de la FNB et des JA, il estime qu'une telle augmentation nécessite l'approbation de leurs assemblées générales extraordinaires respectives, ce qui implique un délai de mise en œuvre, estimé à cinq mois. Pour la FNCBV, une seule assemblée générale semble suffire, ce qui implique un délai moindre, estimé à deux mois.
La mise en balance des intérêts fait apparaître que les intérêts de la Communauté sont protégés par le sursis destiné à obtenir le soutien financier des membres, par la fixation d'un délai bref pour le paiement partiel de la garantie et le paiement de l'amende ainsi que par l'obligation d'information faite aux fédérations d'exploitants quant à leur situation économique.
Après avoir mis en balance les intérêts des trois fédérations d'exploitants et de la FNCBV avec ceux de la Communauté, le président du Tribunal décide donc qu'est sursis à l'obligation de constituer l'intégralité des garanties bancaires requises à condition que :
en premier lieu, à compter de la notification de la présente ordonnance, les trois fédérations d'exploitants, dans un délai de trois semaines, et la FNCBV, dans un délai de quatre semaines, choisissent entre les deux options ci- dessous (les montants sont exprimés en euros):
Conditions financieres
' | Première option | ' | ou alternativement | Seconde option | ' |
FEDERATION | Paiement partiel de l'amende à la Commission | et garantie en faveur de la Commission | ' | Constitution d'une garantie bancaire en faveur de la Commission | ' |
FNSEA | 1,5 million | 1,7 million | ' | 3,2 millions | T-245/03 |
FNB | 200 000 | 670 000 | ' | 870 000 | ' |
JA | 15 000 | - | ' | 15 000 | ' |
FNCBV | 140 000 | 60 000 | ' | 200 000 | T-217/03 |
en second lieu, les trois fédérations d'exploitants et la FNCBV,
dans les délais respectifs du sursis (cinq et deux mois), paient à la Commission un montant couvrant le restant de l'amende due, majorée d'intérêts, ou bien constituent une garantie bancaire d'un montant équivalent.
En outre, il impose aux trois fédérations d'exploitants, jusqu'à la constitution de la totalité de la garantie bancaire, majorée d'intérêts, de communiquer à la Commission les informations relatives à l'évolution de leur situation économique et financière ainsi que toute décision visant à modifier leur statut juridique.
Rappel: un pourvoi, limité aux questions de droit, peut être formé devant le président de la Cour de justice des Communautés européennes contre la décision du président du Tribunal dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
Document non officiel à l'usage des médias, qui n'engage pas le Tribunal de première instance.
Langue disponible: français.
Le texte intégral des ordonnances se trouve sur internet
www.curia.eu.int
Généralement, il peut être consulté à partir de 12 heures GMT le jour du prononcé.
Pour de plus amples informations veuillez contacter Mme Sophie Mosca-Bischoff
Tél. (00352) 4303-3205 Fax (00352) 4303-2034 |
Décision 2003/600/CE (Affaire COMP/C.38.279/F3 Viandes bovines françaises) (JO L 209, p. 12)
Le recours de la FNICGV ne porte que sur la suppression ou la réduction de l'amende infligée.