Un schéma universel de fonctionnement des végétaux fondé sur la gestion des
ressources par les feuilles
Des écophysiologistes du CNRS(a) , dans le cadre d'un réseau de recherche mondial, ont établi l'existence d'un schéma universel de fonctionnement des végétaux. Sous la dépendance de propriétés structurales, biochimiques et physiologiques des feuilles, ce schéma transcende les classifications traditionnelles des végétaux et permet d'évaluer le rôle fonctionnel de la diversité biologique. La détermination de la position des différentes espèces dans ce schéma est un atout majeur pour évaluer l'impact des activités humaines et des variations climatiques sur la structure et le fonctionnement des écosystèmes. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature datée du 22 avril 2004 [1].
Traditionnellement, l'étude de la diversité biologique est réalisée par une approche taxinomique, qui consiste à identifier les espèces par des binômes latins (noms de genre et d'espèce). L'approche fonctionnelle, quant à elle, permet de rendre compte des convergences de fonctionnement observées entre organismes de positions taxinomiques éloignées et/ou se développant dans des localisations géographiques contrastées. Cette approche fonctionnelle de la diversité est particulièrement d'actualité dans le cadre de la prévision de la réponse des organismes aux changements planétaires (modifications de l'utilisation du territoire, de la composition chimique de l'atmosphère, du climat, etc) et des conséquences des changements de composition spécifique des communautés sur le fonctionnement des écosystèmes [2 et 3].
L'article de Nature(b) est la première publication du réseau de recherche international GLOPNET (Global Plant Network) dont fait partie l'équipe ECOPAR du Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE). Son objectif est d'apporter des bases écophysiologiques solides à l'approche fonctionnelle de la diversité biologique, dans le cas des végétaux terrestres. Constitué d'une trentaine de scientifiques répartis dans quatorze pays, il assure une bonne représentation de la plupart des biomes(c) de la planète (avec les exceptions notables d'une grande partie de l'Afrique et de l'Asie du Sud-Est).
En utilisant les données de 2550 espèces végétales (soit 1% des espèces de végétaux supérieurs) réparties dans 175 sites, les chercheurs ont mis en évidence, pour la première fois à l'échelle de la planète, l'existence d'un schéma universel de fonctionnement des végétaux. La connaissance de différents traits caractéristiques d'une feuille : teneur en azote (qui renseigne sur la quantité d'enzyme fixatrice de gaz carbonique), masse surfacique (rapport entre la masse de la feuille et sa surface, qui conditionne la quantité de lumière interceptée), teneur en phosphore et durée de vie, permet en effet de prédire son fonctionnement de façon très précise. Une combinaison particulière de traits définit une position dans ce schéma, et correspond à un type de fonctionnement qui est le même quel que soit le biome dans lequel se situe le végétal (cf. Fig. 1).
Ce schéma est fondé sur la gestion des ressources investies dans la feuille. Il montre en effet qu'une certaine « économie » est réalisée par la feuille afin de moduler sa durée de vie en fonction de ses capacités d'assimilation du gaz carbonique, qui dépendent en particulier des ressources disponibles dans le milieu. Il transcende les classifications traditionnelles des végétaux (formes de croissance, types biologiques, etc) et apparaît donc largement indépendant de la localisation géographique. Si le schéma lui-même n'est pas modifié par le climat, la position des espèces sur le schéma en dépend.
Une quantification fiable de ce schéma fonctionnel et de la façon dont les espèces se placent dans l'espace qu'il définit constituent des atouts de première importance pour la modélisation des cycles biogéochimiques et des modifications d'aires de répartition des espèces, en réponse aux modifications de l'utilisation des terres et du climat actuellement observées à l'échelle planétaire.
Outre son apport théorique au champ disciplinaire et sa contribution au jeu de données de GLOPNET, l'équipe ECOPAR est l'une des équipes pilotes qui étudient la diversité fonctionnelle des végétaux au plan national.
exemple de relations entre structure, composition biochimique et fonctionnement des feuilles : graphe 3D montrant les relations entre masse surfacique (LMA, rapport entre masse et surface), teneur en azote (Nmass) et vitesse d'assimilation nette du gaz carbonique (Amass).
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Notes :
(a) Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE, CNRS - Universités de Montpellier 1, 2, 3 - ENSA - CIRAD), équipe ECOPAR (Ecophysiologie comparative du système plante-sol).
(b) La coordination de cet article a été assurée par Ian Wright (Université de Macquarie, Sydney, Australie)
(c) On appelle biomes les écosystèmes terrestres ou aquatiques caractéristiques de grandes zones biogéographiques qui sont soumises à un climat particulier.
Références :
[1] Wright, I. J. et al. (2004). The worldwide leaf economics spectrum. Nature 428 : 821-827.
[2] Chapin et al. (2000). Consequences of changing biodiversity. Nature 405 : 234-242.
[3] Garnier et al. (2004). Plant functional markers capture ecosystem properties during secondary succession. Ecology 85 (9): sous presse.
Contacts :
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