Des chercheurs d'une unité mixte INRA-CNRS (1), en collaboration avec des chercheurs des Etats-Unis, de Hongrie et des Pays-Bas (2), viennent d'isoler et de séquencer deux gènes de la légumineuse-modèle Medicago truncatula impliqués dans les symbioses entre bactéries ou champignons et légumineuses, leur permettant de fixer l'azote de l'air et d'absorber le phosphore du sol. Les protéines codées par ces gènes, DMI1 et DMI3, interviennent dans la signalisation intracellulaire déclenchée par des signaux moléculaires, secrétés par les symbiotes. Ces deux travaux concernant des symbioses de grand intérêt agronomique sont publiés par la revue Science sur Science Express (3) jeudi 12 février 2004.
Certains microorganismes du sol sont capables de s'associer aux racines des végétaux pour former des symbioses dont certaines jouent un rôle écologique et agronomique très important. Ainsi la symbiose mycorhizienne à arbuscules, qui résulte de l'association avec des champignons de l'ordre des Glomales, permet aux plantes d'améliorer leur nutrition hydrique et minérale, en particulier phosphatée. Il s'agit d'une symbiose très ancienne (plus de 400 millions d'années), qui semble avoir accompagné la colonisation du milieu terrestre par les végétaux, et concerne plus de 80% des espèces de plantes.
Plus récente (environ 60 millions d'années), la symbiose qui s'établit entre des bactéries du sol, les Rhizobium, et des plantes de la famille des légumineuses, confère à ces dernières l'aptitude unique, parmi les plantes de grande culture, à se nourrir à partir de l'azote de l'air. En effet, les rhizobium forment sur les racines de leur légumineuse hôte des organes spécialisés, les nodosités, au sein desquels ils réduisent l'azote atmosphérique en ammonium, assimilable par la plante. Cette symbiose produit chaque année, à l'échelle de la planète, une quantité d'azote assimilable équivalente à celle synthétisée par l'ensemble de l'industrie mondiale des engrais.
Un trait commun à ces deux types de symbioses, par ailleurs très différentes à de nombreux égards, est que le microorganisme symbiotique, après avoir été reconnu par la plante hôte, est « autorisé » à infecter (de façon très contrôlée) les racines.
Première découverte : les facteurs Nod
Dans le cas de la symbiose Rhizobium-légumineuses, les équipes INRA-CNRS1 de Toulouse ont montré, dans les années 90, que le processus permettant la reconnaissance entre les deux partenaires et la mise en place de l'interaction symbiotique implique la synthèse par la bactérie de signaux extracellulaires de type lipo-chito-oligosaccharide, les facteurs Nod. Ces composés induisent une voie de signalisation déclenchant différentes réponses sur les racines de la plante hôte, parmi lesquelles des oscillations périodiques de la concentration en calcium au niveau des poils absorbants.
Chez la légumineuse modèle Medicago truncatula, des mutants affectés dans cette voie de signalisation, incapables de former des nodosités en présence de rhizobium, se sont avérés également incapables d'établir la symbiose avec les champignons mycorhiziens. Trois gènes, DMI1, DMI2 et DMI3, ont ainsi été identifiés. Ils contrôlent des étapes communes aux voies de signalisation conduisant à la mise en place des deux types de symbioses.
Deuxième avancée majeure : le séquençage des gènes DMI1 et DMI3
La même équipe de recherche INRA-CNRS1 de Toulouse, en collaboration avec des chercheurs de Hongrie, des Etats-Unis et des Pays Bas, vient d'isoler et de séquencer deux de ces gènes, DMI1 et DMI3.
Le gène DMI1 code pour une protéine largement répandue dans le règne végétal mais absente chez les animaux. Cette protéine est indispensable pour générer les oscillations périodiques de la concentration en calcium. Le gène DMI3, qui intervient plus en aval que DMI1 dans la voie de signalisation, code pour une protéine capable de percevoir des variations de la concentration en calcium de la cellule, et de transmettre le message en activant une (des) protéine(s) cible(s) par transfert d'un groupement phosphate.
La caractérisation de ces gènes clés, en permettant de mieux comprendre les mécanismes cellulaires et moléculaires contrôlant la mise en place de ces symbioses de grand intérêt agronomique, devrait permettre à terme d'améliorer leur efficacité.
L'étude du produit du gène DMI3 pourrait également permettre de tenter de répondre à une question d'ordre plus fondamental : cette protéine peut-elle discriminer entre des signaux calciques d'origine bactérienne ou fongique, et activer en conséquence la voie de signalisation conduisant à la nodulation ou à la mycorhization ? Plus généralement, des protéines de ce type sont-elles capables de reconnaître l'origine d'une « signature calcique » d'après la fréquence ou l'amplitude des oscillations, et, en fonction de cette origine, de « choisir » d'activer une voie de signalisation plutôt qu'une autre ?
Des photos illustrant ces travaux sont disponibles auprès de la photothèque de l'INRA
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Notes :
1) Laboratoire des Interactions Plantes-Microorganismes INRA-CNRS, département Santé des plantes et environnement, centre INRA de Toulouse ; en collaboration avec l'unité de recherche en Génomique végétale, départements Génétique et amélioration des plantes et Biologie Végétale, INRA-CNRS Evry ; et l'unité de recherche de Génétique et écophysiologie des légumineuses, départements Environnement et agronomie et Génétique et amélioration des plantes, centre INRA de Dijon.
2) Department of Plant Pathology, University of California, Davis, Etats-Unis ; Institute of Genetics, Szeged, Hongrie ; Department of Plant Sciences, Wageningen University, Pays-Bas.
3) Paper 21 : Medicago truncatula DMI1 required for bacterial and fungal symbioses in legumes.
Paper 22 : A putative Ca2+ and Calmodulin-dependent protein kinase required for bacterial and fungal symbioses.
www.sciencexpress.org
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