Paris, 23 août 2002 - Alors qu'elles
font la une des journaux, les inondations, sécheresses
et famines sont souvent le résultat de cycles naturels
décennaux, réguliers et, sans doute, prévisibles.
Cycles rares, mais pas exceptionnels, tout comme les années
d'abondance qui ne font pas l'actualité. Et, pour une fois,
le coupable habituel - le réchauffement climatique - n'est
pas la cause de ces épisodes extrêmes. Mais il peut
avoir une forte incidence sur le déroulement des cycles
et augmenter leur fréquence et leur gravité. Mais
comment fonctionnent ces cycles ? Dans une large mesure, ils semblent
être régulés par les océans, en interaction
avec l'atmosphère terrestre.
Ces conclusions sont exposées,
parmi d'autres, dans un nouvel ouvrage intitulé Oceans
2 000 : Science, Trends and the Challenge of Sustainability, publié
par les éditions Island Press, pour la Commission océanographique
intergouvernementale (COI), le Comité scientifique de la
recherche océanique (SCOR) et le Comité scientifique
sur les problèmes de l'environnement (SCOPE). Il sera lancé
le 29 août, lors du Sommet mondial sur le développement
durable, à Johannesburg (Dôme de l'eau, Pavillon
4, 14h00), sur les lieux de l'exposition de la COI, qui sera présentée
tout au long du Sommet.
A travers une succession de chapitres
rédigés par des experts de renommée internationale,
le livre montre à quel point des recherches internationales
coordonnées seraient nécessaires pour approfondir
notre compréhension du fonctionnement des océans
et explorer leurs secrets encore nombreux. Abandonnant leur réticence
habituelle à prédire le futur, ces scientifiques
essaient de dresser une liste de recherches vitales à mener
et d'imaginer les instruments techniques - y compris spatiaux
- nécessaires. Comme ils le montrent, ce n'est qu'en rassemblant
des quantités massives de données, concernant les
zones les plus stratégiques des océans sur de longues
périodes, que les scientifiques pourront prévoir
l'apparition de tels événements, extrêmes
mais récurrents, suffisamment à l'avance pour en
minimiser les conséquences.
Comme on le sait maintenant, El
Niño - le réchauffement périodique anormal
des eaux de surface dans les zones centrale et orientale de l'océan
Pacifique - est l'un de ces phénomènes cycliques.
Il se caractérise par une réduction importante des
ressources halieutiques le long des côtes du Pérou
tous les deux à dix ans (quatre ans et demi, en moyenne)
et entraîne de fortes pluies et des inondations le long
de la côte ouest de l'Amérique du Sud, région
habituellement sèche. Simultanément, il est la cause
de phénomènes opposés - sécheresses
et incendies de forêt - dans l'est de l'Australie et en
Asie du Sud-Est.
On estime les dommages globaux
dus à El Niño, lors de l'épisode 1997-98
à une somme allant de 32 milliards à
96 milliards
de dollars, malgré l'alerte émise par les scientifiques
plusieurs mois à l'avance. Et, comme on le sait maintenant,
la fin 2002 verra le début d'un nouveau El Niño,
qui se poursuivra en 2003.
Plusieurs gouvernements prennent
déjà des mesures de précaution : ils achètent,
par exemple, des céréales sur les marchés
à terme pour faire face aux mauvaises récoltes probables,
ou incitent les agriculteurs à semer des variétés
résistantes à la sécheresse ou aux inondations,
selon les effets d'El Niño attendus dans les régions
concernées.
" Mais combien de gens savent-ils
qu'à chaque phénomène de réchauffement
El Niño succède un phénomène de refroidissement
La Niña? " remarque Colin Summerhayes, de la COI de
l'UNESCO, co-auteur et co-éditeur de l'ouvrage. Après
les épisodes de sécheresse déclenchés
par El Niño au Mozambique et au Bangladesh, en 1997-98,
La Niña fut à l'origine de graves inondations dans
ces deux pays, l'année suivante. Après presque vingt
années d'observations, réalisées à
partir de bouées flottantes rassemblant des données,
de mesures prises depuis des navires et d'observations par satellites,
les océanographes savent que d'autres cycles longs (ou
décennaux) et réguliers affectent les autres océans
de la planète.
" L'Oscillation de l'Atlantique
Nord entraîne un temps chaud et humide ou froid et sec sur
l'Europe du Nord-Ouest et un climat inverse en Méditerranée,
explique Colin Summerhayes. L'Oscillation décennale du
Pacifique réchauffe les zones centrale et orientale du
Pacifique Nord et a provoqué un effondrement des réserves
de sardines sur les côtes de la Californie (Etats-Unis).
Vous vous souvenez du roman de John Steinbeck, Rue de la Sardine
? Eh bien, les sardines ne sont plus là ! On connaît
aussi le Dipôle de l'Océan Indien qui favorise un
temps chaud et humide, d'abord sur le Kenya puis sur l'Australie,
au cours d'une alternance qui dure une dizaine d'années.
Quant aux précipitations sur le Sahel, elles dépendent
du Dipôle tropical atlantique. Ces variations océaniques
de grande ampleur contrôlent le climat et, en conséquence,
la pluviométrie, ainsi que les ressources en poisson. L'alimentation
et l'eau sont les bases du développement durable. "
L'ouvrage met en lumière
les avancées de l'océanographie au cours des vingt-cinq
dernières années, liées, pour l'essentiel,
aux nouvelles technologies et à la coopération internationale
autour des principaux programmes de recherche.
" L'univers des océans
est peu accessible et impitoyable, expliquent les auteurs de l'ouvrage.
Il nous est impossible de le parcourir en tous sens pour prélever
des échantillons. Nous n'en avons simplement pas les moyens.
Les bateaux sont trop lents, couvrent des zones trop limitées
à chaque sortie et embarquent un nombre restreint de personnes.
Il n'existe pas assez d'océanographes et pas assez de navires
pour étudier chaque mètre carré de la surface
des océans et encore moins pour en sonder les profondeurs
en permanence. Nous avons besoin de machines pour réaliser
ces tâches sans nous et transmettre les données par
satellite vers la terre ferme, afin d'alimenter nos super-ordinateurs.
"
Mais comprendre comment les océans
se comportent - et comment ils affectent nos vies par bien des
aspects - n'est qu'une partie de la liste de ce qui reste à
faire. Le livre se penche aussi sur les réponses que pourraient
apporter les océans aux problèmes d'énergie
dans le monde, grâce aux réserves de combustibles
fossiles qu'ils recèlent, situées à des profondeurs
trop grandes pour être exploitées aujourd'hui, ou
encore grâce au méthane congelé (hydrates
gazeux) d'une teneur en énergie plus haute que toutes les
réserves fossiles connues.
Des idées plus controversées
sont également exposées : par exemple, l' "
ensemencement " des zones littorales à l'aide de fer,
pour favoriser la croissance du plancton. Premier maillon de la
chaîne alimentaire sous-marine, ces minuscules organismes
fournissent de manière indirecte une source massive de
protéines. En outre, certaines formes de plancton assimilent
le dioxyde de carbone présent dans l'atmosphère
- principal responsable de l'effet de serre - et le transfèrent
dans les grandes profondeurs par l'intermédiaire des poissons
" brouteurs " de plancton.
Dans les années 1960, l'explorateur
français des océans Jacques-Yves Cousteau expérimentait
les premières cellules de vie sous-marine pour humains.
Le projet ne fut jamais développé. Mais, si la vie
sur la terre ferme devient trop difficile, les hommes retourneront-ils
vers l'océan, le milieu dont on pense qu'ils proviennent
? Ce nouveau livre ne l'envisage pas pour les vingt prochaines
années.
Voir aussi COI/UNESCO
: http:/ioc.unesco.org/iocweb/default.htm
El Niño : réalité et fiction,
par Bruno Voituriez et Guy Jacques, COI Forum Océans, Editions
UNESCO, Paris 2000 (disponible en français et en anglais)
Once Burned Twice Shy ? Lessons learned from the 1997-98
El Niño, édité par Michael H. Glantz,
Université des Nations Unies, 2001.
Faits et chiffres sur
les océans
Les quatre océans
traditionnels sont désormais cinq. En 2000, l'Organisation
hydrographique internationale (OHI) a créé l'Océan
du Sud et en a défini les limites, qui empiètent
sur le Pacifique, l'Atlantique et l'Océan Indien.
Pacifique 155 557 000 km2
Atlantique 76 762 000 km2
Indien 65 556 000 km2
Du Sud 20 327 000 km2
Arctique 14 056 000 km2
- Sur la planète, les terres
émergées occupent une surface de 148 647 000 km2
et les océans 335 258 000 km2.
- Les océans couvrent 71 % de la planète-
L'ensemble des terres émergées ne recouvrirait pas
la surface de l'Océan Pacifique.
- La fosse des Mariannes, la plus profonde fosse océanique,
dans le Pacifique, plonge à 10 924 mètres sous le
niveau de la mer. Elle pourrait engloutir la plus haute montagne
de la Terre, l'Everest (Himalaya, Népal), qui s'élève
à 8 846 mètres au-dessus du niveau
de la mer.
Contacts
A Johannesburg
: Amy Otchet
Bureau de l'information du public/UNESCO
Portable : 0828 580 718
E-mail : a.otchet@unesco.org
Isabelle Le Fournis
Portable : + 33 (0) 6 14 69 53 72
E-mail : i.le-fournis@unesco.org
A Paris : Peter
Coles
Bureau de l'information du public
Tél. : +33 (1) 45 68 17 10
E-mail : p.coles@unesco.org