Paris, 3 juin 1998L’eau, une crise imminente ?, Conférence internationale sur les ressources en eau du monde a été inaugurée ce matin au siège de l’UNESCO par ses organisateurs : le Directeur général de l’UNESCO, Federico Mayor ; Guy Lemoigne, Directeur délégué du Conseil mondial de l’eau (CME) ; John Rodda, Président de l’Association internationale des sciences hydrologiques (AISH), et Dieter Kraemer de l’Organisation mondiale de météorologie. Chacun a insisté sur la nécessité d’améliorer la collecte des données et l’estimation des ressources en eau afin de faciliter la mise en oeuvre des politiques de gestion durable de l’eau.
La conférence, qui dure jusqu’au 6 juin, rassemble quelque 450 participants du monde entier, pour la plupart des scientifiques. Le Professeur Igor Shiklomanov, de l’Institut hydrologique d’Etat de Saint-Petersbourg (Fédération de Russie), a présenté cet après-midi les sept tomes de la monographie intitulée « Les ressources mondiales en eau, nouvelles estimations pour le 21e siècle » et préparée dans le cadre du Programme hydrologique international de l’UNESCO.
Fruit d’une décennie de recherche et de coopération internationales, cette monographie donne une estimation actualisée des ressources mondiales en eau douce et traite des problèmes d’approvisionnement, de protection et de gestion des ressources en eau.
Attirant l’attention sur « l’augmentation permanente de la demande en eau pour la consommation humaine, l’irrigation et l’industrie », M. Mayor a déclaré que la conférence « va jouer un rôle important en faisant des recommandations qui permettront de relever ces défis ». Il a rappelé que l’UNESCO se préoccupe depuis longtemps de l’eau et de ses enjeux et s’est inquiété du grave problème posé par la baisse des ressources en eau douce : « L’eau disponible par personne et par an a diminué d’un tiers en 25 ans. »
M. Mayor a expliqué que des réponses culturelles et éthiques étaient également nécessaires pour résoudre ce problème. C’est pour cette raison que l’eau est l’un des sujets principaux que devra aborder la Commission mondiale d’éthique des connaissances scientifiques et des technologies, créée par l’UNESCO l’année dernière. M. Mayor a également déclaré que l’UNESCO va accueillir l’Unité de gestion et prévision du Conseil mondial de l’eau qui doit élaborer une Stratégie mondiale pour l’eau, la vie et l’environnement. Enfin, il a annoncé que « compte tenu de la menace de conflit qu’entrainerait une pénurie en eau, notre Organisation a l’intention de créer le premier Centre international pour la prévention et la gestion des conflits liés à l’eau », qui sera vraisemblablement basé à Valence en Espagne.
« Les conflits liés à l’eau peuvent être évités si l’on reconnaît que l’eau a été l’un des fondements sur lequel l’homme a bâti sa vie en société », a déclaré M. Mayor avant d’ajouter : « Nous ne devons pas considérer l’eau comme une source potentielle de conflit mais plutôt comme la source d’une harmonie qui peut servir de modèle pour le partage des connaissances et des ressources, essentiel au passage d’une culture de guerre à une culture de paix ».
Dans son discours, M. Lemoigne a mis en avant que l’objectif du CME, créé en 1996, est de représenter et de sensibiliser tous ceux qui sont concernés par l’eau, y compris au plus haut niveau. « Notre objectif principal, a-t-il déclaré, est d’être un forum international de réflexion sur la politique de l’eau » et d’aider les décideurs à satisfaire la demande des consommateurs pour une eau de qualité à un prix raisonnable.
M. Rodda, de l’AISH, a noté que - contrairement à ce qui s’est passé il y a 30 ou 40 ans quand les décideurs ignoraient les premières mises en garde des hydrologues à propos d’une imminente pénurie en eau douce - le public est maintenant conscient de ce problème. Il a exprimé le souhait que l’organe suprême de l’UNESCO, la Conférence générale, tienne compte des recommandations de cette réunion scientifique. Il a poursuivi : « Nous devons nous assurer que nos voix seront entendues lors de la Conférence mondiale sur la Science, qui aura lieu l’année prochaine, et par l’Assemblée générale des Nations Unies ». Il a également souligné la nécessité d’améliorer la collecte de données hydrologiques fiables.
Pour M. Kraemer de l’OMM, le public est aujourd’hui plus conscient des risques pesant sur les ressources en eau et sur leur capacité à créer des tensions internationales. La monographie présentée confirme, à ses yeux, que « les politiques de développement de nombreuses régions du monde ont des effets négatifs sur les ressources en eau ». Il a ensuite déploré le ralentissement des efforts de collecte de données depuis le milieu des années 1980 et appelé non seulement à ce qu’une attention plus soutenue soit accordée à la gestion de l’eau destinée à la consommation humaine mais aussi à un plus grand respect des écosystèmes aquatiques.