Un nouveau rapport de six
organisations des Nations Unies établit que l’on peut lutter avec
succès contre les maladies responsables de la pauvreté
Un nouveau rapport publié
conjointement par six organisations des Nations Unies soutient que l’aggravation
des épidémies de SIDA, de tuberculose et de paludisme n’est pas
une fatalité : de nombreux pays en développement déploient avec
succès des stratégies pour renverser les tendances et éviter les
décès imputables à ces maladies. Pour en diminuer les ravages, les
auteurs affirment aussi que les objectifs, fixés par les dirigeants du
monde au cours des sommets de l’année passée, sont réalisables. Pour
cela, il faut des fonds et des systèmes qui permettent une application
généralisée des actions qui ont fait leur preuve.
Dans le rapport commun publié aujourd’hui :
« Health, a key to Prosperity : Success Stories in Developing
countries » (La santé, clef de la prospérité : les succès
des pays en développement), l’Organisation mondiale de la Santé (OMS),
le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), l’Organisation des
Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), le
Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA), le Fonds des
Nations Unies pour la population (FNUAP) et la Banque mondiale décrivent
les éléments essentiels de la lutte contre le SIDA, la tuberculose, le
paludisme, les maladies infantiles, les pathologies maternelles et
périnatales, même dans les situations où les ressources sont
insuffisantes.
« Jamais les perspectives d’intervention et de
prévention des principales causes de décès dans les pays en
développement n’ont été aussi bonnes, a déclaré le Dr Gro Harlem
Brundtland, Directeur-général de l’Organisation mondiale de la Santé.
Les faits contredisent ceux qui doutent que les communautés les plus
pauvres dans le monde puissent être protégées du SIDA, de la
tuberculose, du paludisme, des maladies infantiles ou de la mortalité
maternelle. Dans les années qui viennent, la communauté internationale
pourra, par un effort concerté, tenir les promesses de ces succès et les
transcrire dans la réalité. »
La publication du rapport intervient peu après une
réunion à Okinawa (Japon), les 7 et 8 décembre, au cours de laquelle
les représentants des pays du « Groupe des Huit » ont convenu
de renforcer substantiellement leur action mondiale pour lutter contre les
maladies dans les pays les plus pauvres de la planète.
Le rapport retrace les succès obtenus dans 20 pays
représentant les situations économiques, sociales et géographiques les
plus diverses. Il montre par exemple comment le Sénégal, l’Ouganda ou
la Thaïlande ont élaboré des stratégies qui ont permis de diminuer le
taux d’infections à VIH, comment l’Azerbaïdjan et le Viet Nam ont
réduit de moitié le nombre des décès imputables au paludisme, comment
la Chine, l’Inde et le Pérou ont fait de même pour la tuberculose et
comment le Sri Lanka a obtenu une diminution drastique de la mortalité
maternelle.
« Les réussites rapportées dans ces pages
montrent tout le chemin parcouru par de nombreux pays pour établir des
stratégies viables contre ces menaces sur la santé publique et obtenir
des résultats à l’échelle nationale, a déclaré M. James
Wolfensohn, Président de la Banque mondiale. On peut en tirer de nombreux
enseignements. Elles démontrent qu’il est possible de réussir même
quand les ressources sont limitées. Elles prouvent que la contribution
des vaccins ou des médicaments, aussi importante soit-elle dans l’amélioration
de la santé, ne suffit pas. L’engagement politique, le renforcement des
moyens, les ressources humaines, l’éducation, la communication, l’adaptation
aux conditions locales et l’engagement des communautés jouent un rôle
crucial. Elles indiquent également que le renforcement et l’accroissement
du financement des systèmes de santé et des services sociaux
sous-jacents sont essentiels pour obtenir une réponse de grande ampleur
et plus durable. »
Le rapport retrouve six caractéristiques importantes
dans les programmes ayant réussi à lutter contre les maladies de la
pauvreté :
- l’engagement politique
au plus haut niveau est souvent
crucial pour obtenir des résultats et soutenir les programmes
- la réussite de la prévention a souvent impliqué de nouvelles
manières de travailler, par exemple de conclure des partenariats
avec le secteur privé, les organisations non gouvernementales et les
organisations des Nations Unies.
- l’innovation
, découlant d’une approche pragmatique pour
obtenir des résultats, a fait toute la différence dans certains pays.
- la promotion du domicile comme premier établissement de soins
contribue à faire baisser la mortalité infantile. La formation et l’éducation
des mères ont en particulier joué un rôle essentiel dans la
réussite.
- la disponibilité générale des fournitures
, des
médicaments et d’autres instruments peu onéreux au niveau des
communautés est essentielle.
- la mesure des résultats
est un élément essentiel pour la
planification des actions de lutte.
« Pourtant, ces réussites passent le plus
souvent inaperçues et ne sont pas reconnues, a affirmé Mme Carol
Bellamy, Directeur exécutif de l’UNICEF. Il en résulte que de nombreux
sceptiques ne croient toujours pas à la possibilité de combattre les
maladies dans les pays pauvres mais, comme le montre ce rapport, un tel
fatalisme n’est plus de mise. La lutte contre les principales maladies
infectieuses, qui pèsent de manière disproportionnée sur la santé et
le bien-être des pauvres, et surtout des enfants pauvres, pourrait faire
d’énormes progrès au cours des dix prochaines années. »
Le rapport se divise en 5 parties : tuberculose,
paludisme, SIDA, maladies infantiles, pathologies maternelles et
périnatales. Il fait principalement ressortir les points suivants :
Tuberculose
Près de deux millions de personnes en meurent chaque
année et 98 % d’entre elles dans les pays en développement.
Pourtant, les médicaments antituberculeux guérissent cette maladie dans
95 % des cas et ils ne reviennent pas à plus de 10 dollars US pour un
traitement de six mois.
Au Pérou par exemple, l’engagement politique à haut
niveau a donné l’un des programmes de lutte antituberculeuse ayant
obtenu les meilleurs résultats dans le monde. Si les tendances actuelles
se maintiennent, le nombre des nouveaux cas pourrait diminuer de moitié
tous les dix ans. Le diagnostic et le traitement sont délivrés
gratuitement et les familles ayant de faibles revenus reçoivent des aides
alimentaires pour les encourager à respecter le traitement.
En général, les éléments de la réussite pour la
stratégie DOTS de l’OMS (traitement de brève durée sous surveillance
directe) sont les suivants :
- engagement des autorités à soutenir durablement la lutte
antituberculeuse
- dépistage des cas par examen microscopique des frottis d’expectoration
chez les sujets présentant des symptômes
- approvisionnement régulier et ininterrompu en médicaments
antituberculeux de grande qualité
- traitement de 6 à 8 mois surveillé régulièrement
- systèmes de notification pour contrôler les progrès des
traitements et les résultats du programme
Paludisme
Le paludisme tue plus d’un million de personnes par
an, surtout en Afrique et pour la plupart des enfants. Les femmes sont
également très vulnérables au cours de la grossesse, période pendant
laquelle cette maladie peut entraîner une anémie parfois mortelle, des
fausses couches ou la naissance d’enfants prématurés et de faible
poids.
Il est possible d’éviter les décès en administrant
plus rapidement et plus efficacement les médicaments antipaludiques. Leur
prix ne dépasse pas 0,12 dollar US par traitement. On pourrait
parallèlement éviter la mort de nombreux enfants en généralisant l’usage
peu onéreux des moustiquaires imprégnées d’insecticide. Pourtant, on
estime que, jusqu’à présent, 1 % des enfants africains seulement
dorment sous des moustiquaires.
La stratégie du partenariat pour Faire reculer le
paludisme et diminuer la mauvaise santé et la pauvreté entraînés par
cette maladie, comporte principalement les éléments suivants :
- accès au diagnostic rapide et au traitement au niveau des villages
et des communautés
- traitement préventif des femmes enceintes
- multiples mesures pour éviter les piqûres de moustiques
- accent portant sur les mères et les enfants, les groupes les plus
exposés
- meilleure utilisation des moyens actuels de lutte contre le
paludisme
- recherche pour développer de nouveaux médicaments, vaccins et
instruments
- amélioration de la surveillance pour mieux prévoir les épidémies
et y riposter
L’Azerbaïdjan, l’Ethiopie, le Kenya et le Viet Nam
ont réussi à faire reculer le paludisme. Au Viet Nam par exemple, l’engagement
du gouvernement, en grande partie sous la forme d’un approvisionnement
gratuit en moustiquaires imprégnées d’insecticide et de l’utilisation
de médicaments antipaludiques de grande qualité produits localement, a
permis de faire diminuer le nombre des décès imputables au paludisme de
97 % en cinq ans. Cet effort concerté a impliqué de gros
investissements dans la formation et les systèmes de notification des
maladies, le recours à des équipes mobiles pour encadrer les agents de
santé et la mobilisation d’agents bénévoles. Au Kenya, un programme
novateur, comprenant une industrie locale pour coudre les moustiquaires,
la promotion de celles-ci sur les lieux de travail, des mécanismes d’achats
par déduction du salaire et subvention de l’employeur, a permis de
diminuer le nombre des cas de paludisme, de réduire considérablement les
dépenses générales de santé, de faire baisser l’absentéisme et d’augmenter
la productivité des employés concernés.
Le SIDA
Tandis que les derniers chiffres publiés montrent que
le SIDA a tué 3 millions de personnes en 2000 selon les estimations, les
Nations Unies se refusent à considérer que l’aggravation de la
pandémie est inévitable. Bien qu’il n’existe pas de vaccins contre
le SIDA et que les traitements antirétroviraux restent inabordables dans
la plupart des pays en développement, des pays comme le Sénégal, la
Thaïlande ou l’Ouganda montrent par leur expérience qu’il est
possible de faire baisser les taux d’infection. On trouve dans les
mesures de prévention efficaces :
- l’accès aux préservatifs
- la prophylaxie et le traitement des infections opportunistes, dont
les IST et la tuberculose
- l’éducation sexuelle à l’école et au-delà
- l’accès à des services de conseils et de dépistage volontaire
- le conseil et le soutien des femmes enceintes, ainsi que les actions
pour prévenir la transmission du VIH de la mère à l’enfant
- la promotion de la sécurité des injections et de la sécurité
transfusionnelle
- l’accès à du matériel permettant la sécurité des injections
L’exemple de la Thaïlande montre que la
détermination des autorités pour imposer l’utilisation systématique
des préservatifs dans les maisons de prostitution et pour donner un grand
retentissement aux campagnes de prévention du VIH dans les écoles, les
médias et le monde du travail a joué un rôle essentiel pour faire
diminuer les taux d’infection. Le rapport note ainsi qu’en 1997, par
exemple, le taux d’infection chez les appelés du contingent de 21 ans
était revenu à 1,5 %, après avoir atteint un pic de 4 % en 1993.
Le rapport fait également observer que l’approvisionnement
en préservatifs pour une année ne coûte que 14 dollars US.
« L’expérience de vingt ans d’épidémie a
permis d’établir quelques éléments essentiels pour l’efficacité de
la riposte : avoir une direction ferme et des partenariats, surmonter
les ostracismes, s’occuper de la vulnérabilité sociale, associer la
prévention aux soins, concentrer les efforts sur les jeunes, encourager
la collectivité à s’engager dans la riposte », explique le Dr
Piot, Directeur exécutif de l’ONUSIDA.
Les organisations des Nations Unies soulignent
cependant que même la méthode thaïlandaise pourrait ne pas être viable
si le programme ne s’intéressait qu’aux hétérosexuels et si un
financement suffisant et continuel n’était pas assuré :
« Les jeunes filles et les femmes sont les plus
vulnérables à l’infection à VIH, compte tenu des handicaps sociaux et
économiques qu’elles doivent affronter dans leur vie quotidienne, a
ajouté le Dr Nafis Sadik, directeur exécutif du FNUAP. La charge de s’occuper
de familles entières leur revient de plus en plus à mesure que le SIDA
continue de ravager les familles et les communautés. Il faut faire de
nouveaux efforts pour donner aux femmes et aux jeunes filles la capacité
d’agir et de décider aussi bien dans la vie publique que dans la
sphère privée. Les succès décrits dans ce rapport servent à nous
rappeler l’importance et les pouvoirs des partenariats multilatéraux
déterminés et bien ciblés. »
"L'épidémie du SIDA affecte gravement les
systèmes éducatifs de nombreuses nations, plus particulièrement en
Afrique sub-Saharienne. Une proportion inquiétante des enseignants sont
infectés par le VIH; des millions d'enfants et d'adolescents ne sont plus
en mesure de poursuivre leur scolarité. Les systèmes éducatifs sont
dans l'incapacité de réagir à cette situation qui met en péril le
développement économique, social et humain de ces pays. Il est
impératif que la communauté internationale se mobilise pour préserver
et soutenir les systèmes éducatifs. La mise en place de programmes
d'éducation préventive, à une très large échelle, est devenue une
nécessité absolue. Le contexte culturel et local devra être au centre
des approches pédagogiques afin de leur permettre leur pleine efficacité",
a déclaré Koïchiro Matsuura, Directeur Général de l'UNESCO.
Maladies infantiles
Dans les pays en développement, on trouve seulement
cinq pathologies à l’origine de 70 % de la mortalité infantile,
soit plus de 8 millions de décès : les pneumopathies, les
diarrhées, le paludisme, la rougeole et la malnutrition. Trois enfants
sur quatre viennent en consultation pour une ou plusieurs de ces
pathologies, alors qu’il existe des interventions peu coûteuses pour
les éviter ou les guérir.
Au Mexique par exemple, les efforts déterminés des
autorités pour promouvoir le recours à la thérapie par réhydratation
orale, qui ne revient pas à plus de 0,33 dollar US, pour vacciner les
enfants contre la rougeole et pour améliorer l’accès à de l’eau
saine et à l’assainissement ont, en moins de dix ans, réussi à faire
diminuer de 60 % le nombre des décès imputables aux affections
diarrhéiques chez l’enfant. D’autres facteurs essentiels ont concouru
à ce succès : amélioration du niveau d’éducation des femmes,
investissements suffisants et généralisation de l’application des
directives pour la prise en charge des cas.
Pathologies maternelles et périnatales
Chaque année dans le monde, plus de 500 000
femmes meurent des complications de la grossesse et de l’accouchement,
principalement à la suite d’hémorragies graves, d’infections, d’avortements
dans de mauvaises conditions, d’hypertension, de dystocie. Près de
90 % de ces décès surviennent en Asie et en Afrique subsaharienne
et la plupart d’entre eux auraient pu être évités à peu de frais. Le
dossier OMS mère-enfant par exemple, ne coûte pas plus de 3 dollars US
dans les pays en développement. La stratégie consiste à garantir l’accès :
- aux soins prénatals
- aux soins normaux à l’accouchement avec l’assistance d’un
accoucheur qualifié
- au traitement des complications de la grossesse
- aux soins néonatals
- aux conseils de planification familiale
- à la prise en charge des IST
A cet égard, la réussite du Sri Lanka est
particulièrement exemplaire. On estime qu’un tiers de sa population vit
en dessous du seuil de la pauvreté mais le taux de mortalité maternelle
y est l’un des plus faibles des pays en développement. La plupart des
accouchements se déroulent dans un établissement de soins, en présence
d’un accoucheur qualifié. L’engagement des autorités à améliorer l’éducation
et la santé, le statut relativement élevé des femmes et leur taux d’alphabétisation
sont à l’origine de ce succès.
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