Mesdames, Messieurs,
Vous m'aviez fait part, Monsieur le
Président et cher ami, de votre intention d'organiser une
journée d'échanges consacrée aux effets sur
la gestion des fleuves et des grandes rivières de la directive
du 23 octobre 2000 instituant un cadre communautaire pour une politique
européenne de l'eau, dite, plus simplement, la directive
cadre sur l'eau.
Cette initiative était la bienvenue
du fait du rôle essentiel des établissements publics
territoriaux membres de votre association, les EPTB, pour traduire
dans les bassins versants les objectifs ambitieux de cette directive.
Elle arrive aussi à point nommé.
2003 est l'année internationale de l'eau. Je me rendrai dans
quelques jours au 3ème Forum mondial de l'eau à Kyoto
pour y exprimer les positions de la France.
Si le précédent projet
de loi sur l'eau a été suspendu, une intense activité
législative a été engagée et se poursuivra
au cours des prochains mois. Il s'agit essentiellement de la 1ère
lecture du projet de loi sur les risques, qui vient d'avoir lieu,
puis du projet de loi de transposition de la directive cadre, qui
devrait être débattu fin avril, afin de respecter les
délais prévus.
Lors de la discussion sur la loi "
risques ", les sénateurs et les députés
ont manifesté par leurs amendements, jusque tard dans la
nuit, un intérêt très vif au développement
d'une politique plus complète et plus performante de prévention
des risques naturels d'inondation. Je suis certaine que les parlementaires
qui, comme vous, s'intéressent à notre politique de
l'eau contribueront aussi activement au débat parlementaire
relatif à la transposition de la directive-cadre même
si l'exercice en est plus convenu.
Par ailleurs, le gouvernement a engagé
un processus ambitieux de relance de la décentralisation.
Bien que le secteur de l'eau soit largement décentralisé,
les collectivités territoriales et leurs groupements - c'est
le cas des EPTB - sont largement légitimés à
s'investir davantage, aux côtés des autres acteurs.
Le Parlement a ainsi, à l'initiative, notamment, du Président
DOLIGE, et avec l'accord du gouvernement, largement amendé
la loi risque, tant pour y introduire les EPTB que la possibilité
de création d'un domaine public fluvial des collectivités.
Cela m'apparaît comme un gage d'efficacité accrue de
mise en œuvre des politiques, nécessaire dans la perspective
de l'obligation de résultats qu'appelle la directive-cadre.
Pour en revenir à l'objet même
de votre colloque, je rappellerai que, depuis 1975, une trentaine
de directives communautaires ont été adoptées
selon une double approche de lutte contre les rejets de substances
nocives pour l'environnement et de définition de normes de
qualité concernant des zones particulières de notre
territoire.
L'objet de la nouvelle directive est
d'établir un cadre général pour un objectif
à terme de bon état écologique des eaux continentales,
souterraines et côtières.
Comme vous l'avez évoqué
dans vos débats aujourd'hui, ce texte européen, reprenant
les principes de gestion intégrée et de planification
par grand bassin versant institués par les lois sur l'eau
de 1964 et de 1992, conforte les fondements de la politique française
de l'eau.
Au cours des trente cinq dernières
années, les comités de bassin ont su développer
la participation des acteurs de l'eau à la définition
des objectifs et des moyens de la politique de l'eau. Tant à
votre niveau de maître d'ouvrage qu'à celui, plus fin,
des commissions locales de l'eau chargées de représenter
les acteurs de l'eau concernés par des SAGE, nous pouvons
aussi nous appuyer sur une expérience précieuse pour
mettre en oeuvre la directive cadre.
Le projet de loi portant transposition
de la directive, adopté en Conseil des ministres le 12 février
dernier, confie aux comités de bassin le soin d'élaborer,
par une concertation avec les acteurs et par des modalités
innovantes de participation du public, la définition des
objectifs de résultat à atteindre d'ici 2015 : Il
faudra intégrer dans une prochaine révision des SDAGE
les exigences de la directive en termes de méthode et de
calendrier.
Vous avez sans doute noté que la directive ne fait que renforcer
la responsabilité des Etats membres vis à vis de la
Commission et de la Cour de Justice européennes. Les préfets
coordonnateurs de bassin devront davantage s'impliquer pour veiller
à la conformité des délais et des outils de
gestion de l'eau dans les " districts " nationaux et internationaux,
avec le souci d'une efficacité renforcée de l'action
publique.
S'agissant du fond, c'est-à-dire
de la définition pour chaque " masse d'eau " d'objectifs
écologiques, ambitieux mais aussi réalistes au regard
du rythme acceptable de la dépense publique, il faut à
la fois éviter des risques de contentieux et rechercher des
compromis équilibrés sur le terrain. Cette recherche
d'équilibre est au cœur de vos métiers. C'est
aussi celle que j'ai assignée au directeur de l'eau dans
ce processus structurant qui va régir notre action collective
pendant une vingtaine d'années.
Votre manifestation a été
une opportunité de dialogue entre des élus locaux,
des socioprofessionnels et des mouvements associatifs. Elle va permettre
de nourrir d'expériences et de propositions concrètes,
conformes à nos intérêts nationaux, les travaux
intenses que nous menons avec la Commission, les quatorze autres
Etats membres, les Etats candidats à l'adhésion mais
aussi des Etats non membres de l'Union comme la Norvège et
la Suisse.
J'ai en effet besoin de vos témoignages
et de vos suggestions pour conforter les positions françaises
dans les discussions européennes en cours portant sur l'application
de la directive, notamment sur la définition et la gestion
du bon état écologique des masses d'eau, la qualité
des eaux souterraines, le processus de planification, les substances
prioritaires, les dérogations nécessaires, la récupération
des coûts, la participation du public et la rénovation
du système d'information sur l'eau en vue des comptes-rendus
à Bruxelles.
Plus largement j'ai convié l'ensemble
de la Communauté de l'eau à débattre des principaux
enjeux de la stratégie à mettre en place, à
l'échelle territoriale la plus fine (commissions géographiques
des Comités de Bassin). Comme je l'ai dit récemment
aux présidents des comités de bassin, je vais également
inviter les présidents des Conseils Régionaux et des
Conseils Généraux à participer à ces
débats, voire à organiser eux-mêmes leurs propres
contributions, s'ils le souhaitent. Je ne saurais trop vous inviter
à les persuader de prendre toute leur place dans ce débat
et à les y aider.
Je verrais pour ma part un certain
nombre de points à approfondir à l'occasion de ces
débats, qui concernent votre champ d'intervention.
Tout d'abord, la directive fixe des
objectifs de résultats en ce qui concerne la qualité
des milieux aquatiques. Cela passe par le renforcement des démarches
de planification et de programmation des actions à mettre
en œuvre. Ce sera, au cours de l'année 2006, le rôle
de la révision des SDAGE et de la préparation des
IXèmes programmes d'intervention des agences de l'eau. Cette
révision constituera un point d'appui important pour assurer
la cohérence de l'action publique, en complément des
programmes opérationnels de prévention des risques
de crues dont l'appel à projet est en cours. Pour ce faire,
le projet de loi portant transposition de la directive-cadre assure
en particulier la compatibilité des documents d'urbanisme
aux orientations du SDAGE.
Il faut également trouver les
moyens d'une nouvelle dynamique pour que les SAGE deviennent les
instruments privilégiés de la mise en œuvre de
la stratégie territoriale induite par la directive cadre,
en l'adaptant aux conditions locales. Les EPTB ont vocation à
favoriser l'organisation de la subsidiarité, en valorisant
auprès des élus locaux et de leurs partenaires de
terrain leur savoir-faire.
La mise en œuvre de la directive
devra laisser une grande place à l'initiative et au débat
local dans le périmètre des SAGE. Si le SDAGE arrête
de façon globale et équilibrée des objectifs
de qualité et de quantité dans les groupements de
bassins, il ne peut, sans devenir illisible, tout définir
dans le détail en tout point du territoire. Nous devons apprendre
à concilier des politiques nationales voire européennes
avec les réalités des territoires : l'expérience
de Natura 2000 mais aussi celle des débats difficiles sur
la chasse en confirment assez la nécessité.
De même, les " programmes
de mesures ", que les préfets coordonnateurs de bassin
élaboreront en liaison avec les comités de bassin,
devront être centrés sur les questions principales
mises en évidence à l'issue de l'état des lieux.
Ils devront, eux aussi, être des instruments pragmatiques
et proportionnés pour l'action de terrain.
D'autre part, l'organisation de la
consultation du public par le comité de bassin est un défi
collectif auquel j'attache une grande importance. Elle devra porter
sur l'ensemble des orientations, des objectifs et des préconisations
du SDAGE, qu'ils soient ou non du ressort de la directive-cadre.
Pour réussir cette consultation, les comités de bassin
devront, avec pédagogie, assurer une large diffusion de l'information
et sensibiliser le public aux enjeux majeurs ; en s'appuyant sur
l'ensemble des acteurs de l'eau, au premier rang desquels vos organismes
devront avoir une place importante.
Enfin, en sus des valeurs patrimoniales
de l'eau et des milieux aquatiques, la directive cadre nous impose
aussi de débattre d'évaluations économiques
et financières de son impact, en vue d'un dialogue plus serein
entre les différents acteurs sur la récupération
des coûts, d'une prise en compte de l'aménagement du
territoire et d'une intégration des problèmes sectoriels
dans une approche dynamique de développement durable.
L'insatisfaction liée à
la précédente loi sur l'eau a été largement
due à des lacunes importantes dans ce type de démarche.
Dans la nouvelle phase de concertation
qui s'ouvre, au-delà des urgences législatives que
le gouvernement a retenues, il s'agit de prendre en compte la décentralisation,
la charte de l'environnement et la stratégie nationale du
développement durable. Il s'agit aussi d'écouter les
attentes sur la directive cadre et sur des sujets tels que la préservation
et la gestion des milieux aquatiques, l'organisation de la pêche
en eau douce, la transparence du service public de l'eau et de l'assainissement
ou les évolutions des redevances de bassin.
Votre intervention d'ouverture, Monsieur
le Président, et celles des participants à ce colloque,
sont une illustration vivante de la richesse de la contribution
des établissements publics territoriaux de bassin au débat
qui s'ouvre, grâce à leur connaissance intime du terrain.
Nous partageons, vous et moi, une ambition commune pour la gestion
durable de nos fleuves et de nos rivières.
Vous avez regretté l'insuffisante
référence de la directive-cadre vis-à-vis des
cours d'eau eux-mêmes ; elle traite en effet de l'ensemble
des eaux qu'elles soient de surface, côtières ou souterraines,
induisant le concept technocratique de " masses d'eau ".
Ne pourrait-on en imaginer que vous élargissiez et pourrait-on
dire " approfondissiez " vos compétences en direction
des nappes souterraines ?
Mesdames, Messieurs, je vous remercie
de votre attention.