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FRANCE : communiqué de presse émis par le Ministère de l'écologie et du développement durable
Date : 2/11/2002
Discours de Mme la Ministre :
conférence des Présidents des Comités de Bassin, le vendredi 29 novembre
2002, à l’Ile de La Réunion
Messieurs les présidents des comités de bassin,
Madame et messieurs les présidents des conseils d’administration des agences de
l’eau,
Mesdames, Messieurs,
Pour la première fois, la conférence des présidents de comités de bassin se
réunit dans un bassin d’outremer alors qu’il y a maintenant dix ans que le
Parlement a voté la création de comités de bassin en Guyane, en Martinique, en
Guadeloupe et bien sûr à la Réunion où nous nous trouvons aujourd’hui. C’est au
cours de l’été que le président Torre, rappelant les relations de partenariat
entre les comités de bassin de métropole et ceux de l’outremer, a proposé que la
conférence se tienne dans votre île, monsieur le Président.
Je ne peux que m’en féliciter, d’autant que le dispositif propre aux comités de
bassin outremer ne cesse de s’enrichir. Trois SDAGE ont été adoptés : le
quatrième, celui de la Guadeloupe, devrait l’être en 2003.
Des offices de l’eau commencent à se mettre en place. Un comité de bassin va se
mettre en place à Mayotte.
Enfin, j’ai bien noté votre demande, Monsieur le président (du conseil général
de la Réunion), et recherché avec ma collègue Brigitte Girardin, les voies et
les moyens de donner aux offices de l’eau la possibilité d’instituer un régime
adapté de redevances et de se doter ainsi de ressources propres. Nous aurons
d’ailleurs tout à l’heure l’occasion de débattre des spécificités de la
politique de l’eau dans vos quatre bassins.
Je suis pour ma part convaincue de la pertinence de notre organisation en
bassins hydrographiques, en « districts » selon l’appellation générique retenue
par la directive cadre sur l’eau. Ce modèle, fondé sur une réalité géographique
fonctionnelle me semble même applicable dans d’autres domaines de la gestion du
patrimoine naturel.
Aussi, constatant que les difficultés rencontrées dans vos relations avec le
précédent gouvernement avaient distendu les liens de la concertation formelle
avec les comités de bassin, j’ai immédiatement voulu la reprise d’un échange
politique entre nous au sein de votre conférence annuelle.
Le secteur de l’eau a été et doit rester exemplaire dans la mise en place et le
fonctionnement d’institutions permettant à chacun, usagers, gestionnaires ou
producteurs, collectivités territoriales et Etat, de s’exprimer, d’écouter les
points de vue des autres, de mesurer les enjeux, de négocier des solutions en
vue d’une gestion équilibrée de la ressource en eau:
Qu’il s’agisse des « commissions consultatives des usagers » des services
publics de l’eau et de l’assainissement, des « Commissions locales de l’Eau »,
des « Comités de Bassin et de leurs commissions géographiques» ou du comité
national de l’eau aux travaux duquel j’ai participé la semaine dernière, toutes
ces instances, non sans difficulté parfois, constituent des lieux de
TRANSPARENCE, de dialogue et de PARTICIPATION irremplaçables. Elles sont sans
doute perfectibles dans leur champ d’intervention, dans leur composition, dans
leurs moyens juridiques et financiers, mais il faut prendre garde à les faire
évoluer sans déséquilibrer l’édifice, mais au contraire chercher à le rendre
plus efficace.
J’écouterai donc avec attention vos avis et vos points de vue, aujourd’hui et
pour les phases ultérieures de concertation.
Les circonstances politiques actuelles ne peuvent en effet que fournir, au cours
des prochains mois, diverses occasions d’activer cette concertation.
Je vous l’avais déjà annoncé lors de notre première rencontre, le gouvernement a
décidé de suspendre l’examen par le SENAT du projet de loi sur l’eau,
conformément d’ailleurs aux engagements du Président de la République dans son
discours d’AVRANCHES. Ce n’est pas parce qu’il a estimé qu’il n’était pas
nécessaire de faire évoluer notre politique de l’eau, mais bien parce que le
résultat des travaux ne lui semblait pas adapté aux circonstances et qu’il
fallait retrouver le temps de la concertation, en partant sur des bases
nouvelles.
Ces circonstances, en effet, quelles sont-elles ? Outre les problèmes
spécifiques de l’outremer, je retiens principalement trois enjeux :
- la directive cadre sur l’eau
- la décentralisation
- et enfin les VIIIèmes programmes d’intervention des agences de l’eau
> D’abord et avant tout, la politique nationale de l’eau s’intègre dans un cadre
européen ambitieux. Découlant des innovations de la loi de 1964, complétée en
1992, la politique française de l’eau a été de plus en plus influencée par les
politiques communautaires en matière de qualité environnementale et sanitaire de
l’eau. De nombreuses directives ont été adoptées, concernant notamment les eaux
résiduaires urbaines, les normes de rejets de nitrates, l’eau potable et les
eaux de baignade.
Le caractère foisonnant de cette batterie de textes sectoriels a convaincu les
Etats membres qu’il fallait une directive plus fondatrice, rappelant l’impératif
d’une gestion globale de l’eau par districts hydrographiques, donnant des
objectifs de qualité intrinsèque des milieux naturels, et de participation du
public à la définition des actions.
Cette directive-cadre s’est largement inspirée du dispositif des bassins
hydrographiques auquel nous sommes tous ici attachés. Mais son originalité
résulte de la fixation d’objectifs de résultats : parvenir d’ici 2015 au bon
état des masses d’eau et réduire fortement voire supprimer les rejets de
substances dangereuses.
Dans un contexte de multiplication des contentieux communautaires relatifs aux
directives sectorielles, force est de constater que la situation chez nous est
loin d’être entièrement satisfaisante, même si des progrès sensibles ont été
accomplis. L’application des directives de 1991 est d’ailleurs une forte
priorité des VIIIèmes programmes.
A coup sûr, cette directive ouvre une page nouvelle de la politique de l’eau en
France. Elle exige un bond en avant méthodologique de la part de l’ensemble des
acteurs, avec des objectifs partagés et des indicateurs d’efficacité dans
l’application des priorités d’action que nous retiendrons pour nos bassins.
Elle est ainsi à mon sens une chance plutôt qu’une contrainte, dans la mesure ou
elle nous oblige à nous fixer nos propres objectifs et à les atteindre, et par
la même nous oblige à mener une politique de l’eau ambitieuse et efficace.
Les instances de bassin ont des compétences étroitement liées pour la mise en
œuvre de cette directive:
> Les préfets coordonnateurs de bassin, pour lesquels nous proposerons qu’ils
remplissent le rôle d’autorité compétente au sens de la directive (ce sont eux
qui prépareront les rapports d’exécution), et qui seront responsables de
l’établissement des programmes de mesures réglementaires et de surveillance ;
- Les comités de bassin à qui il reviendra la lourde responsabilité de réaliser
l’état des lieux et surtout de transformer les SDAGE en plan de gestion, c’est à
dire en véritables documents de programmation, indiquant à leur échelle les
aménagements et les dispositions à prendre pour obtenir en 2015 le bon état des
eaux ;
- Les agences de l’eau pour les programmes pluriannuels d’intervention qui sont
le volet financier de l’ensemble.
C’est à l’aulne de ces responsabilités croisées qu’il faut analyser ma décision
– contestée, je le sais -, de nommer le préfet coordonnateur du bassin
Artois-Picardie à la présidence du Conseil d’Administration de l’agence de l’eau
de ce bassin.
En effet, le fait que les préfets coordonnateurs de bassin puissent être amenés
à présider les conseils d’administration me paraît favoriser une meilleure
synergie entre l’action réglementaire de l’Etat, l’application des directives
communautaires et les interventions incitatives des agences de l’eau, dans une
relation de dialogue permanent avec les comités de bassin, les collectivités
territoriales et les usagers.
Elle est aussi de nature à assurer une plus grande lisibilité des
représentations de l’Etat dans le domaine de la politique de l’Eau ; en résumé,
elle constitue qu’une mesure d’ordre interne à l’Etat et non un quelconque signe
externe.
Je souhaite que les comités de bassin engagent en 2003 la phase dite de l’état
des lieux avant d’entamer, après 2004, celle d’une adaptation des SDAGE à la
directive cadre. Un cadre méthodologique commun est en voie de finalisation ; Il
devrait permettre une nécessaire souplesse au niveau des états membres, comme
l’a montré la toute récente réunion de travail des directeurs européens de l’eau
à Copenhague à laquelle a participé activement le nouveau directeur français,
Pascal Berteaud.
> Deuxième enjeu : la décentralisation
Les directives communautaires sont-elles aussi un défi pour la décentralisation.
En effet, la responsabilité de l’Etat se trouve accrue par des obligations de
résultats ou de moyens, alors que l’action repose sur la conjonction de
responsabilités réparties entre de multiples acteurs.
La politique de décentralisation lancée par le Premier ministre doit ainsi
assurer des innovations tout en préservant l’efficacité de notre dispositif et
la responsabilisation de chacun, ce qui suppose une implication large, une
démultiplication des initiatives et une meilleure lisibilité des diverses
composantes, notamment de l’Etat.
A cet égard, je note que vos instances ont d’ors et déjà su s’adapter au
contexte spécifique des DOM ou plus récemment de la Corse : statut des offices
de l’eau, acquisition des données, rôle des collectivités territoriales, …
Ce sont autant d’exemples qui me laissent penser que de nombreuses évolutions
institutionnelles sont possibles, par exemple en matière de composition des
différentes instances, dans le domaine de l’approbation des SAGE – notamment
lorsque les limites de bassins et de collectivités coïncident-, dans le domaine
de la collecte des données - tout en respectant les obligations européennes en
la matière, ou dans les relations entre les Agences et les Collectivités, qui
pourraient faire l’objet d’un cadre contractuel, …
Faut-il aller plus loin et faire par exemple des Agences des établissements
publics interrégionaux, ou régionaliser les redevances,, ainsi que certains
l’ont suggéré ? Je n’y suis personnellement pas favorable, de crainte que cela
ne casse des outils dont l’essentiel de l’intérêt réside dans leur échelle et
dans leur fonctionnement partenarial, notamment avec les usagers. Mais un débat
sur ce point sera sans doute nécessaire.
Je suis ainsi persuadée que vous pouvez enrichir l’ambition du gouvernement par
votre originalité, par votre expérience de conciliation d’intérêts légitimement
divergents, votre capacité d’organiser du débat public dans vos commissions
géographiques ou par la richesse des pratiques contractuelles des agences.
A cet égard, la possibilité ouverte d’expérimentations semble particulièrement
adaptée au test de coopérations nouvelles entre l’Etat, les agences et des
collectivités (régions ou départements) volontaires, selon la pertinence
territoriale des enjeux.
La réforme de la politique de l’eau
- Face à ces enjeux, j’ai décidé d’engager un vaste processus de concertation
qui se déroulera sur environ un an, en tenant compte des chantiers simultanés de
la décentralisation, de la CHARTE DE L’ENVIRONNEMENT et de la stratégie
nationale du développement durable.
L’année 2003, année mondiale de l’Eau et du Sommet mondial de l’Eau, à KYOTO,
constitue une opportunité symbolique pour ce débat national sur l’eau, en nous
permettant à la fois de répondre à l’enjeu national qui se présente à nous, et
de s’ouvrir aux enjeux planétaires qui constituent certains des engagements pris
par la Communauté internationale et particulièrement par le Président de la
République à JOHANNESBURG.
Je vois donc ce débat se dérouler en trois phases :
- une première phase nationale permettra des contacts bilatéraux avec les
représentants nationaux des principaux acteurs afin de définir les enjeux et le
champ du débat local. C’est aujourd’hui avec vous que j’ai le plaisir d’ouvrir
cette phase qui se déroulera jusqu’à la fin de février 2003 et j’écouterai avec
attention tout à l’heure vos suggestions.
- la phase de débat local, dans le courant du deuxième trimestre 2003,
s’articulera autour de vos comités de bassin. Dans l’esprit de la politique de
décentralisation et des principes politiques de transparence et de participation
auxquels je crois profondément, je souhaite une démultiplication du débat au
niveau de vos commissions géographiques , lorsqu’elles existent, et à
l’initiative des régions ou des départements, voire de groupements de
collectivités qui partageraient des préoccupations voisines.
- Enfin une phase de synthèse, dans le courant du deuxième semestre 2003,
pourrait donner lieu, en liaison avec le Parlement, à des Assises nationales qui
feraient ainsi écho au récent colloque du Cercle français de l’Eau qui s’est
tenu au SENAT et qui relaieraient vos initiatives et celles des collectivités.
L’objectif en sera bien sûr la synthèse des recommandations qui serviront de
base à la construction d’une politique de l’eau rénovée et d’un plan d’action
partagé par tous les acteurs ainsi qu’à l’ossature d’un projet de loi qui
viendrait en discussion au Parlement en 2004.
Si j’ai tracé jusqu’ici des perspectives stratégiques ambitieuses dans la durée,
l’action est déjà engagée.
Deux des composantes nombreuses de la petite loi me sont apparues suffisamment
consensuelles et détachables pour que leur urgence justifie de légiférer sans
attendre. Il s’agit du thème des inondations et de la transposition de la
directive cadre.
- Les inondations
Instruite par mon implantation territoriale, l’un de mes premiers chantiers en
arrivant au ministère a été la prévention des inondations. L’actualité des crues
dramatiques du GARD mais aussi les menaces récentes que connaît votre bassin,
M.Torre, démontrent l’urgence de légiférer. Dès début janvier, le Conseil des
ministres devrait adopter un projet de loi relatif aux risques technologiques et
naturels. J’y ai intégré des dispositions qui figuraient dans la petite loi sur
l’eau, intégrées à la suite des crues de la SOMME et des conclusions de la
mission parlementaire. Je connais notamment les fortes convictions du Président
Galley dans ce domaine mais aussi celles de vous tous car tous les bassins
connaissent, malheureusement, des inondations. Je n’ai par contre pas souhaité
dans ce projet aborder la question de l’implication des agences de l’eau, dans
la mesure ou il m’a semblé préférable que ce point soit largement débattu dans
le courant de l’année 2003.
- La transposition de la directive cadre
La directive-cadre doit être transposée dans le droit de chaque Etat-membre
avant le 22 décembre 2003. Cette transposition nécessitant une loi, mais aussi
des décrets, celle-ci doit impérativement être votée par le Parlement avant la
fin du 1er semestre 2003.
Le projet de loi vient de recevoir un avis favorable du comité national de
l’eau, qui a proposé – et certains d’entre vous m’en ont parlé- d’y inclure des
mesures concernant les SAGE. J’y suis favorable et le projet sera modifié en ce
sens.
Enfin, je voudrais terminer mon intervention en évoquant le VIIIème programme
d’intervention des agences de l’eau.
Je viens de rappeler l’aggravation des contentieux communautaires. C’est la
raison pour laquelle, dans un contexte difficile où le gouvernement tient à la
maîtrise des prélèvements obligatoires, j’ai considéré que les VIIIèmes
programmes devaient se traduire par un effort important de rattrapage de retards
constatés afin de nous éviter des risques de condamnations pouvant conduire au
paiement d’astreintes financières coûteuses.
Le respect de la directive « eaux résiduaires urbaines » et le financement du
PMPOA 2 vont peser lourdement sur les programmes des Agences de l’eau au cours
des quatre prochaines années. Ce poids vous oblige à définir une politique de
sélectivité dans des politiques territoriales destinées à vous assurer une marge
de manœuvre pour d’autres priorités d’action.
Je sais par exemple que le président François-Poncet s’inquiète de la capacité
de son agence à satisfaire un certain nombre de besoins dans l’espace rural. Je
sais aussi que le président Guellec est préoccupé par les risques de
déséquilibre que pourrait induire le plein régime du PMPOA à l’approche de
l’échéance de 2006. Dans un autre contexte, le bassin Rhône Méditerranée et
Corse est tenu de comprimer ses moyens d’engagement alors qu’il vient de
décider, à la demande du Premier Ministre, un important effort de solidarité à
l’égard des élus et des populations du Languedoc-Roussillon.
En même temps, le ministère du Budget a constaté un niveau particulièrement
élevé de trésorerie dans la plupart des bassins et les commissions des finances
du Parlement en ont fait la critique parallèlement à celle des reports du FNSE
et du FNDAE. Nous devons tous en tirer des leçons et conduire des efforts
d’amélioration de notre gestion financière de la politique de l’eau.
Aussi je vous propose que nous fassions un bilan au plus tard à mi-parcours de
l’exécution des VIIIèmes programmes des agences de l’eau pour regarder à la fois
l’évolution de cette trésorerie et la situation des besoins de travaux. S’il
apparaît une situation tendue pour le financement de projets stratégiques dans
certains bassins, je suis tout à fait disposée à examiner avec les agences
concernées une mise à jour des programmes de façon que ceux-ci facilitent la
transition vers la réalisation optimale des objectifs de la directive cadre.
Enfin, j’encourage le directeur de l’eau à s’impliquer très fortement dans la
démarche européenne de mise en œuvre de la directive cadre et à être une force
de proposition afin d’obtenir des conditions qui soient compatibles nos intérêts
nationaux et la capacité contributive des usagers assujettis aux redevances de
bassin.
Ainsi l’obligation de résultat que contient la directive-cadre adoptée en
octobre 2000 ne devrait pas être perçue comme une contrainte imposée de
l’extérieur mais être assumée comme l’intérêt bien compris de la France et de
tous les Français. Cette ardente obligation doit irriguer toutes nos politiques
et le comportement de chacun : c’est cela notre ambition du développement
durable, comme les ministres réunis hier l’ont défini dans la démarche
stratégique retenue par le gouvernement.
Espérant vous avoir convaincus de l’importance des enjeux, c’est sur l’ensemble
des problématiques et de la méthode de refondation de la politique de l’eau,
dans les bassins de métropole et dans ceux de l’outremer, que je souhaite
susciter vos réflexions et partager avec vous une ambition collective.
Si vous en êtes d’accord, je suis favorable à ce que nous ayions pour la suite
du déroulement un échange selon les approches suivantes :
- la place des instances de bassin dans la nouvelle politique de
décentralisation ;
- l’implication des comités de bassin dans le processus de concertation relatif
aux évolutions futures de la politique de l’eau ;
- les orientations majeures des VIIIèmes programmes au regard de nos obligations
communautaires ;
- les problèmes spécifiques des bassins d’outremer
Mesdames, Messieurs, je vous remercie de votre attention.
Place maintenant au débat.
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