Les
pollutions ponctuelles sont localisées : fuites d'effluents, issus directement des
bâtiments d'élevage ou fuites de produits de traitement des cultures liées à leur
manipulation (pendant le remplissage ou la vidange des pulvérisateurs).
Les pollutions diffuses, liées à
l'utilisation des fertilisants et des produits de traitement des cultures dans les champs,
concernent des millions d'hectares.
Les régions d'agriculture intensive (liée à l'élevage ou aux grandes cultures) sont
les plus touchées par la pollution.
Concernant les nitrates, issus de la
décomposition de l'azote, on constate une progression de leur teneur dans les eaux bien
que variant considérablement dans le temps et dans l'espace. Les estimations attribuent
la responsabilité de 55 % des rejets d'azote au milieu naturel à l'activité agricole,
de 35 % à l'activité domestique, de 10 % à l'activité industrielle.
Les quantités d'engrais azotés chimiques
épandues s'élèvent à 90 Kg/ha/an auxquels s'ajoutent 50 Kg/ha/an pour les effluents
d'élevages.
Les teneurs les plus fortes s'observent soit
dans les zones de cultures céréalières et maraîchères, soit dans les zones d'élevage
intensif où la production d'engrais de ferme épandus dépasse souvent les capacités
d'épuration des sols et des cultures.
Concernant le phosphore, bien que les connaissances actuelles soient encore incomplètes
(complexité des facteurs et des phénomènes en cause), il est probable que le phosphore
soit le facteur de maîtrise de l'eutrophisation pour les eaux douces continentales.
Les estimations faites attribuent 25 % des
rejets dans l'eau à l'activité agricole, 50 % à l'activité domestique et 25 % à
l'activité industrielle.
Les quantités de phosphore épandues sont de l'ordre de 30 kg/ha/an dont 60 % d'origine
chimique.
Ces apports de phosphore chimique ont diminué de près de 50 % en 20 ans.
Cependant, les apports de phosphore issu des engrais de ferme sont concentrés dans les
zones d'élevage intensif où les teneurs en phosphore des sols sont déjà élevées.
Concernant les produits phytosanitaires, le rapport publié en 2000 par l'Institut
français de l'Environnement (IFEN) confirme que leur présence est préoccupante.
Au total, une centaine de molécules sont détectées à des teneurs et des fréquences
variables. L'essentiel de la pollution est toutefois le fait d'une dizaine de molécules,
dont principalement les herbicides de la famille des triazines.
Cette pollution affecte en priorité les eaux de surface, les eaux côtières, puis les
eaux souterraines mieux protégées.
Pour maîtriser les pollutions d'origine
agricole, les pouvoirs publics s'appuient sur la combinaison de différents outils :
réglementaires, économiques ou basés sur le volontariat.
Le Programme de Maîtrise des Pollutions d'Origine Agricole
En octobre 1993, les ministères
chargés de l'agriculture et de l'environnement ont élaboré en concertation avec les
organisations agricoles, un programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole : le
PMPOA.
Les objectifs
- Protéger les milieux aquatiques
- Conserver une agriculture dynamique.
Les principales pollutions des eaux d'origine
agricole sont visées. Tous les systèmes de production sont concernés : élevages et
cultures.
Les volets de ce programme sont :
- les pollutions par les produits phytosanitaires,
- les pollutions par les nitrates :les productions végétales et l'élevage
Les programmes d'action contre les nitrates
C'est la directive européenne
91/676/CEE du 12 décembre 1991 dite directive "nitrates" qui constitue le
principal instrument réglementaire pour lutter contre les pollutions liées à l'azote
provenant de sources agricoles. Elle concerne l'azote toutes origines confondues (engrais
chimiques, effluents d'élevage, effluents agro-alimentaires, boues,..) et toutes les eaux
quels que soient leur origine et leur usage.
L'application nationale de cette directive a débuté en 1994 et comprend plusieurs volets
:
- la délimitation de zones vulnérables dans
les secteurs où les eaux présentent une teneur en nitrates approchant ou dépassant le
seuil de 50 mg/l et/ou ont tendance à l'eutrophisation (prolifération des algues).
La délimitation actuelle (mai 2000) en France métropolitaine concerne 74 départements.
Elle s'appuie sur les observations de la campagne de surveillance de la qualité des eaux
souterraines et superficielles (1997-98) qui a confirmé la poursuite de la dégradation
de la qualité dans les secteurs pollués.
- la définition de programmes d'action
dans les zones vulnérables s'appliquant à tous les agriculteurs de cette zone.
Si le 1er programme (1997-2000) visait à corriger les pratiques les plus polluantes, le
second (2001-2003) doit permettre l'évolution de ces pratiques afin de protéger, voire
de restaurer la qualité des eaux.
Des objectifs quantifiés de gestion des fertilisants azotés et de couverture des sols
sont fixés localement.
- un code national des bonnes pratiques
agricoles d'application volontaire en dehors des zones vulnérables.
- une évaluation locale et nationale de la mise
en oeuvre de la directive est prévue en 2004.
Les principales mesures du 2ème programme d'action sont :
- le respect de l'équilibre entre les
besoins des cultures, les apports en fertilisants azotés et les fournitures des sols ;
- l'établissement d'un plan de fertilisation et
l'enregistrement des apports effectués ;
- la limitation des apports d'effluents
d'élevage : de 210 Kg d'azote/ha épandable par an (au début du programme) pour
atteindre 170 kg (au 20/12/2002) ;
- le respect de périodes d'interdiction
d'épandage des fertilisants azotés ;
- des restrictions d'épandage à
proximité des eaux de surface, sur sols en forte pente, détrempés, inondés, gelés ou
enneigés ;
- le respect de durées réglementaires de
stockage des effluents d'élevage ;
- l'obligation de couverture des sols, si
nécessaire, et de maintien enherbé des berges de cours d'eau.
Ces mesures sont complétées par :
- des actions renforcées dans les zones en
excédent structurel d'azote lié aux élevages (ZES) : une zone est considérée en
excédent structurel d'azote dès lors que la quantité totale d'effluents d'élevage
produite annuellement conduirait si elle était épandue en totalité à un apport annuel
d'azote supérieur à 170kg d'azote/ha de surface épandable
Ces actions s'appliquent à l'échelle de l'exploitation et concernent :
- la fixation de la surface maximale
d'épandage autorisée ;
- l'obligation de traiter ou de
transférer les effluents ne pouvant pas être épandus dans la limite de ces maxima ;
- l'interdiction d'augmenter les effectifs
animaux par espèce tant que la résorption de l'excédent structurel n'est pas
réalisée. Toutefois, une dérogation peut être accordée pour les jeunes agriculteurs
et les exploitations de dimension économique insuffisante.
- des actions complémentaires dans les
zones situées dans les bassins versants en amont des prises d'eau superficielle
destinées à la consommation humaine et en situation de dépassement pour le paramètre
nitrates .
Elles s'appliquent à l'échelle de l'exploitation et comprennent :
- une obligation de couverture hivernale
des sols durant la période de risques de lessivage des nitrates vers les eaux ;
- une obligation de maintien en bordure de
cours d'eau de l'enherbement des berges, des surfaces en herbe, des arbres, des haies, des
zones boisées et de tout aménagement visant à limiter le ruissellement et le transfert
vers les eaux superficielles notamment les talus,
- des conditions au retournement des
prairies,
- une limitation des apports azotés,
toutes origines confondues, identique ou non selon les exploitations,
- le cas échéant, certaines mesures des
actions renforcées prévues en ZES.
La réduction des pollutions par les pesticides
Pour remédier à la contamination
préoccupante des eaux de surface ainsi que des eaux souterraines, le Gouvernement mène
une politique globale d'intervention, comprenant, outre des aspects réglementaires et
fiscaux, un programme national de réduction des pollutions par les produits
phytosanitaires lancé en concertation avec l'ensemble des partenaires, tant
professionnels qu'associatifs.
Le Ministère chargé de l'environnement
porte son effort sur une meilleure connaissance de l'impact des pesticides sur les milieux
aquatiques ainsi que sur le développement des solutions préventives et curatives les
plus adaptées.
L'amélioration de la connaissance
Les principales conclusions des études réalisées à partir des informationss
disponibles par l'Institut français de l'environnement (IFEN) sont les suivantes :
- on constate une contamination
généralisée des eaux de surface et littorales par certaines substances, les eaux
souterraines étant moins touchées.
- les pesticides interviennent dans près
d'un quart des causes de non conformité des eaux servant à l'alimentation des
populations.
Les services du ministère rassemblent toutes
les informations disponibles pour mieux caractériser les impacts des résidus de
pesticides sur les organismes aquatiques (écotoxicité).
Ce diagnostic, bien que très partiel, a déjà justifié la remise en cause des
autorisations de mise sur le marché de produits contenant certaines substances, et a
motivé la mise en place de solutions préventives et curatives.
Les solutions préventives et curatives
Les solutions préventives et curatives ont
pour objectif d'améliorer les pratiques des utilisateurs de produits, qu'ils soient
agricoles ou non.
En août 2000, a été lancé un "Programme de réduction des pollutions par les
produits phytosanitaires" qui prévoit :
Sur le plan national :
- la mise en place d'une filière de
récupération des emballages vides et des produits phytosanitaires non utilisés.
- un renforcement des contrôles de
l'utilisation des produits phytosanitaires. (La loi d'orientation agricole de juillet 1999
a augmenté les pouvoirs de contrôle de l'Administration et prévoit de lourdes peines en
cas d'infraction sur les ventes ou sur les utilisations de produits).
- la conduite des études préalables au
futur dispositif de contrôle obligatoire des pulvérisateurs agricoles.
- le développement des techniques de
protection des cultures, alternatives à la lutte chimique.
Au plan régional, le programme prévoit d'intensifier les travaux des groupes régionaux
chargés de la lutte contre la pollution des eaux par les pesticides, sous l'autorité des
préfets de région.
Les mesures soutenues par l'Etat sont
centrées sur des actions préventives développées sur des bassins versants
prioritaires.
Ces actions comprendront un diagnostic des causes de pollution par bassin, un plan
d'actions comprenant de la formation et du conseil, des diagnostics des pollutions
diffuses et ponctuelles au niveau des exploitations, la mise en place de zones tampons
ainsi que des investissements collectifs limitant les transferts de pesticides vers les
eaux.
Une synergie avec les contrats territoriaux d'exploitation sera recherchée.
En outre, il a été décidé d'appliquer,
dès le 1er janvier 2000, le principe pollueur-payeur aux pollutions diffuses
d'origine agricole par la création d'une "pollutaxe" sur les produits
phytosanitaires dans le cadre de la Taxe générale sur les activités polluantes.
Cette taxe est appliquée aux quantités de substances classées dangereuses entrant dans
la composition des produits commercialisés. Le niveau de la taxe varie selon la toxicité
et l'écotoxicité des substances.
Les produits ne contenant pas de substances
classées dangereuses ne sont pas taxés.
L'objectif de cette taxe est double :
- inciter les industriels à développer
des substances moins toxiques pour l'homme et l'environnement ;
- inciter les agriculteurs à choisir les
produits les moins nocifs.
L'instauration de cette taxe a donné
lieu à une large information des utilisateurs sur les dangers liés aux substances
entrant dans la composition des produits phytosanitaires.