« De l'eau pour le
développement »
Le ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement réaffirme la nécessité absolue de protéger les ressources en eau et de
mettre en oeuvre les engagements internationaux pris par la France en la matière ainsi
que la politique spécifique établie au niveau national.
Etat des lieux des ressources en eau
Ressource indispensable à la vie, au développement économique et social et à la
préservation des systèmes écologiques, l'eau n'est pas inépuisable. Or l'accroissement
démographique, l'industrialisation, l'urbanisation, l'intensification agricole entre
autres, sont sur le point d'entraîner une crise mondiale de l'eau, et risquent de
compromettre l'objectif international de « l'eau pour tous ».
En effet, plus d'un milliard de personnes n'ont pas accès à l'eau potable et plus de
5 millions de personnes meurent chaque année de maladies liées à des problèmes d'eau.
Même là où les ressources sont suffisantes ou abondantes, les risques de pollution
augmentent, et s'accompagnent d'une modification des écosystèmes et de disparitions
irréversibles d'habitats qui conduisent à l'extinction de certaines espèces.
Faute d'investissements jusqu'à présent suffisants, on estime que d'ici un quart de
siècle, les 2/3 de la population mondiale devront faire face à des pénuries d'eau,
partielles ou totales.
Par ailleurs, alors que près de 300 bassins fluviaux sont transfrontaliers, l'eau
pourrait être à l'origine des conflits de demain.
Ce bilan inquiétant doit inciter à une consolidation de la coopération entre
Etats pour une meilleure gestion des ressources en eau, ainsi qu'à une répartition plus
juste de celles-ci.
Les engagements internationaux en faveur de la
protection de l'eau et la position française.
2002 est une année particulièrement importante à la fois pour l'eau et le
développement. Elle marque le 10
e anniversaire du Sommet de la Terre de Rio, qui a constitué
une étape décisive dans l'engagement de 150 Etats en faveur du développement durable,
et en particulier vers une meilleure gestion des ressources en eau (Action 21, chapitre
18, « Protection des ressources en eau douce et de leur qualité : application
d'approches intégrées de la mise en valeur, de la gestion et de l'utilisation des
ressources en eau »), avant le prochain sommet mondial qui se déroulera fin
août à Johannesburg.
Depuis la Conférence de Mar del Plata de 1978 lançant la décennie
internationale de l'eau potable et de l'assainissement, les rencontres se sont
multipliées afin de sensibiliser les décideurs à la nécessité d'une gestion durable
de cette ressource rare (Conférence de Dublin et Sommet de la Terre de Rio
de 1992, Forum mondial de Marrakech de 1997, Conférence de Paris de 1998,
second Forum mondial de La Haye de 2000, Conférence de Bonn de 2001).
C'est dans ce cadre que fut créé en 1996 le Conseil Mondial de l'Eau, dans le
but notamment d'élaborer une « Vision mondiale de l'eau pour le XXIe siècle ».
La même année, le Partenariat mondial pour l'eau visait à mettre en place une
coopération d'ensemble des acteurs et pays concernés, afin de soutenir la gestion
durable de leurs ressources en eau.
Solidarité, partenariat, développement durable et aide au développement :
voilà les principaux objectifs de la communauté internationale pour les années à
venir.
Ainsi, le premier défi à relever à l'occasion du sommet de la Terre sur le
développement durable de Johannesburg sera celui de la solidarité entre le Nord et le
Sud. Le groupe de travail sur l'eau du Comité français de préparation pour le
sommet mondial du développement durable, présidé par Michel Mousel, relève ainsi trois
priorités : la solidarité dans le domaine de l'eau ; la gestion de l'eau et
l'assainissement, notamment dans les zones périurbaines en Afrique ; le transfert
d'informations et de capacités au sud.
Cet objectif principal de solidarité repose sur plusieurs enjeux : l'alimentation
en eau et l'assainissement des villes, notamment des villes moyennes et des quartiers
périphériques (la France a ainsi soutenu la mission confiée à M. Camdessus sur le
financement international de l'eau) ; la gestion des bassins versants qu'ils soient
nationaux ou transnationaux, afin de prévenir les conflits susceptibles d'éclater au
XXIe siècle au sujet de l'eau ; l'agriculture, avec l'amélioration des techniques
de culture.
Le second défi de Johannesburg sera celui de l'éradication de la pauvreté, à
travers deux questions principales : l'accès à l'eau et l'accès à des énergies
durables.
A l'échelle internationale, la politique française est particulièrement active
depuis 10 ans, notamment par l'intermédiaire du Fonds français pour
l'Environnement Mondial (FFEM), autour de trois objectifs : appuyer le
développement durable des pays partenaires ; soutenir la prise en compte des
critères environnementaux et de gestion durable des ressources naturelles ;
contribuer à la préservation de l'environnement global.
La coopération décentralisée, qui permet aux collectivités territoriales nationales
de conclure des conventions avec les collectivités territoriales étrangères, a
également permis aux communes, départements et régions de participer à l'effort de la
France en faveur des pays en développement. Les actions engagées visent notamment à
favoriser le développement local, comme la gestion durable des villes et de leur
croissance et la gestion locale des services collectifs, appuyées sur des réseaux
techniques comme le Programme Solidarité Eau.
Ainsi, grâce à ses centres de recherche, de coopération et de développement mais
aussi par l'intermédiaire d'organismes techniques thématiques (Office international
de l'eau, Agences de bassins..), le France contribue à la préservation des
ressources naturelles dans de nombreux pays, notamment en Afrique et en Europe de l'Est.
Dans le cadre européen enfin,
la France a acquis une certaine expertise dans le domaine de l'eau et réfléchit à
des initiatives européennes pour une solidarité nord-sud, notamment par le biais de partenariats
public-privé.
En effet, dans une perspective de développement durable, la responsabilisation
de tous les acteurs est absolument nécessaire, notamment celle des entreprises. Il s'agit
en effet d'un changement de vision de la société et des objectifs de production, qui ne
saurait réussir sans l'engagement de tous, à tous les niveaux. L'Etat à lui seul n'a
pas les moyens d'assurer la responsabilisation individuelle de chaque acteur, et tout
dirigisme en ce sens serait contre-productif. L'eau est un bien collectif : l'association
de la société civile à sa gestion est incontournable, car l'eau ne saurait être
privatisée au profit de certains grands groupes industriels : transparence,
volontarisme, formation des citoyens et responsabilisation des usagers, des industriels et
des agriculteurs, sont les piliers de toute politique de gestion durable de l'eau.
Les réflexions en cours portent sur deux axes : promouvoir l'intervention de
nouveaux mécanismes de garantie et de contrôle susceptibles de favoriser l'intervention
des opérateurs privés et de mobiliser ainsi des fonds sur le marché des capitaux ;
élaborer des formes innovantes de partenariats public-privé associant une bonne
gouvernance de la gestion des services publics.
Des modèles de contractualisation entre la société civile, les ONG, les entreprises
et les gouvernements doivent être recherchés, notamment dans le domaine de l'eau. Une
synergie est nécessaire entre les fonds publics et les fonds privés. Il s'agit de
respecter le droit de tous à l'accès à ces services.
L'eau devant être un droit fondamental de la personne humaine, une Charte
internationale des services de l'eau pourrait ainsi faire progresser les partenariats
public-privé, mais également préciser le rôle et les responsabilités des différents
acteurs, garantir la transparence et l'équité, préserver les intérêts des
consommateurs et de l'environnement. C'est cette idée que la France présentera à
Johannesburg et qui devra sortir au plus tard lors de la prochaine conférence
internationale de l'eau à Kyoto en 2003.
Les codes de conduite et les chartes doivent en effet être intégrés à un accord
international : ainsi, la loi sur les nouvelles régulations économiques prévoit
que les entreprises rendent compte de l'impact environnemental et social de leurs actions
à travers le monde.
La politique de l'eau en France
« L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation française ; sa
protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le
respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général. L'usage de l'eau appartient
à tous, dans le cadre des lois et règlements » (Loi sur l'eau de 1992).
Depuis la loi de 1964, la France s'est dotée d'un cadre législatif qu'elle n'a depuis
cessé de compléter, afin de protéger ses ressources en eau.
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Ainsi avec la loi du 3 janvier 1992, l'eau n'est
plus une simple ressource mais une partie du patrimoine commun de la nation. La loi
instaure par ailleurs le Schéma Directeur d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE),
chargé de fixer collectivement et pour chaque bassin, les orientations d'une gestion
équilibrée de la ressource entre la préservation des écosystèmes, la protection
contre toute pollution, la valorisation économique de la ressource et la conciliation
entre les différents usages et activités. C'est ensuite les collectivités locales qui
interviennent au niveau du SAGE, Schéma d'Aménagement et de Gestion des Eaux.
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En 2000, la TGAP (Taxe générale sur les
activités polluantes) a par ailleurs été élargie à 3 nouveaux secteurs (les
phosphates, les produits phytosanitaires et les granulats) afin d'inciter industriels et
agriculteurs, à diminuer la pollution des eaux.
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Enfin, la nouvelle loi sur l'eau adoptée en
première lecture à l'Assemblée Nationale le 10 janvier 2002 à la suite d'une large
et longue concertation trouve son origine dans un contexte qui a fortement évolué au
cours des dernières années : la qualité de l'eau est de plus en plus menacée par
les activités humaines (rejets des villes et des industries, pollutions
agricoles
) ; la facture de l'eau a beaucoup augmenté en raison d'importants
travaux d'assainissement et de traitement engagés par les communes, mais sans une
transparence suffisante pour les citoyens ; les usagers souhaitent ne payer que l'eau
qu'ils consomment réellement (problème des charges communes dans les immeubles
collectifs).
Ce nouveau texte vise donc à mieux définir les missions des services publics de
l'eau et de l'assainissement, à satisfaire le droit d'accès à l'eau potable de chaque
personne, à renforcer la transparence et la démocratie locale dans le secteur de l'eau Il
réaffirme par ailleurs le principe de la facturation proportionnelle de l'eau.
L'objectif central est de parvenir à restaurer une bonne qualité écologique des
eaux d'ici 2015 (en application de la directive-cadre européenne publiée en
décembre 2000), ce qui ne peut se faire qu'en appliquant le principe pollueur-payeur et
en limitant strictement les rejets de nitrates.
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Le bilan global de ces actions est substantiel,
même si beaucoup reste à faire. Les Comités de Bassin et les Agences de l'eau, la
gestion concertée à l'échelle du bassin hydrographique, l'application du principe
pollueur-payeur ont permis à la France de réaliser des progrès en matière
d'équipement des collectivités locales. 77% de la population est connectée à des
stations d'épuration (les populations dispersées disposant d'un assainissement
autonome). Le plan de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA) a également
été relancé.
Par ailleurs, les pouvoirs publics renforcent les démarches concertées de gestion de
la ressource (SDAGE et SGE) ainsi que les moyens de surveillance (Réseau National des
Données sur l'eau) et de contrôle.
Alors qu'au niveau régional, un rapport de la Cour des Comptes (20/02/02) pointait les
lacunes de la politique de reconquête de la qualité de l'eau en Bretagne, le Ministère
de l'aménagement du territoire et de l'environnement salue l'adoption d'une nouvelle
charte régionale de développement, signée début février à Rennes. Un plan
d'action pour un développement pérenne de l'agriculture et de l'agroalimentaire en
Bretagne et pour la reconquête de la qualité de l'eau a été signé à la fois par
les représentants des filières agricoles et les associations environnementales. Ce plan
prévoit d'injecter 106 millions d'euros supplémentaires sur 5 ans, afin de permettre de
réorienter les pratiques agricoles, notamment vers des systèmes d'agricultures durables,
et de renforcer les contrôles (un taux annuel de contrôle de 10% des élevages soumis à
autorisation pourra être atteint).
La campagne de communication du Ministère, « Merci, dit la planète »,
lancée en 2001 a contribué à sensibiliser les Français à la nécessaire gestion
équilibrée des ressources en eau. Près de 1000 projets ont été labellisés sur le
territoire.
La Journée mondiale de l'eau va dans le même sens, celui d'une information
de tous sur les enjeux de l'eau et d'une incitation à sa protection, qui passe notamment
par une modification durable du comportement quotidien de chacun.