La mise en place
des préconisations de Rio« Action 21 », en français, « Agenda
21 » en anglais, est le programme adopté par les gouvernements à la conférence
des Nations Unies sur l'environnement et le développement à Rio en juin 1992. Il devait
être mis en uvre « dès maintenant et jusqu'au XXI° siècle par les
gouvernements, les institutions du développement, les organismes des Nations Unies et les
groupes de secteurs indépendants, dans tous les domaines où l'activité humaine
(économique) affecte l'environnement ».
Deux des 27 principes de la déclaration de Rio sur l'environnement et le
développement précisent la notion de développement durable : « Les êtres
humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont
droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature. » (principe 1),
« Pour parvenir à un développement durable, la protection de l'environnement
doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considérée
isolément. » (principe 4). Dans ses 4 sections consacrées aux dimensions
sociales et économiques (section I), à la conservation et gestion des ressources aux
fins du développement (section II), au renforcement du rôle des principaux groupes
(section III), aux moyens d'exécution (section IV), le programme « Action
21 » présente les objectifs, les types d'actions et les moyens à mettre en
uvre par les acteurs du développement à tous les niveaux et, notamment, les
initiatives à prendre par les collectivités locales à l'appui d'Action 21 (chapitre
28). C'est à ce chapitre que fait référence la LOADDT de 1999 dans ses articles 25 (sur
les pays) et 26 (sur les agglomérations).
Les agendas 21 de première génération
Les chartes pour l'environnement
La France a laissé l'initiative aux collectivités locales de développer des Agendas
21, selon la stratégie « remontante » de Rio. Le ministère de
l'environnement a mis en place une incitation financière et des bases méthodologiques
comparables à celles mises en uvre en Grande Bretagne ou en Suède, avec le
dispositif des chartes pour l'environnement (circulaire de janvier 93) qui peuvent être
considérées comme autant d'agendas 21 de « première génération ». En
France, depuis 1993, 85 collectivités territoriales (45 % communales, 40 %
intercommunales et 15 % départementales) concernant 10 millions d'habitants ont élaboré
un tel document. Ces chartes d'écologie urbaine ou chartes pour l'environnement
avaient pour objectif, dans la gestion environnementale d'un territoire, de mettre en
uvre une nouvelle approche économique, favorisant, dans l'esprit de Rio, un
développement durable intégrant les notions de coûts écologiques.
Parallèlement a été créée la Commission française du développement durable
(CFDD), d'abord rattachée au commissariat au plan, puis au ministère de l'environnement.
Pluridisciplinaire, indépendante, et de haut niveau, placée auprès du Premier Ministre,
son secrétariat est assuré par le MATE. Elle publie régulièrement des avis.
Les villes durables européennes
Le groupe d'experts sur l'environnement urbain de la Commission européenne a fait
paraître son premier rapport « Ville durable européennes » en mars 1996. Un
réseau de villes « La campagne européenne des villes durables » s'est
constitué, dès 1994, autour des villes signataires de la charte des villes européennes
pour la durabilité (charte d'Aalborg), puis signataires du plan d'action adopté en 1996
à Lisbonne et qui engage les villes à « se préparer au processus d'agenda 21
local ». A Hanovre, en février 2000, sont pris des engagements sur l'intégration
des politiques et la mise au point d'outils de réalisation et de suivi (indicateurs de
durabilité). En décembre 2000, une étape nouvelle a été franchie, sous présidence
française, par l'institution d'un cadre juridique pour le financement par la Commission
de projets de coopération entre les réseaux de villes européennes en faveur du
développement urbain durable et des agendas 21 locaux. Un budget de 14 millions d'Euros
est dégagé pour la période 2001-2004.
Les agendas 21 locaux de deuxième génération
Le nouveau contexte législatif
La loi d'orientation sur l'aménagement et le développement durable du territoire
(LOADDT de 1999) incite les agglomérations et les pays à élaborer des projets de
développement faisant référence au chapitre 28 du programme Action 21 de Rio.
L'élaboration d'agendas 21, reprenant en cela la terminologie anglo-saxonne, est
maintenant encouragée par la signature de contrats particuliers dans le cadre des
contrats de plan Etat région (CPER). Ces programmes de développement font largement
appel à la participation et au partenariat avec les acteurs privés et publics et les
mesures retenues doivent permettre d'en répartir équitablement les fruits. Ils doivent
favoriser des modes de production et de consommation économes en ressources (énergie,
eau, sols, air, biodiversité) et socialement responsables vis à vis des populations des
autres pays comme des générations futures.
Le cadre institutionnel, en effet, s'est précisé au fil des années au niveau
international et communautaire comme au niveau national. La démarche Agenda 21
d'élaboration d'un projet de territoire répondant aux principes du développement
durable s'appuie désormais sur des fondements législatifs. A la loi d'orientation sur
l'aménagement et le développement durable du territoire (LOADDT) votée en 1999, il
convient d'ajouter la loi sur la coopération intercommunale (1999) et la loi solidarité
et renouvellement urbain (SRU, 2000) ainsi que la loi d'orientation agricole (LOA, 1999)
et la toute récente loi démocratie de proximité (2002). Chacune de ces lois propose aux
collectivités locales « maîtres d'ouvrage » des outils : contractuels
pour la LOADDT, de planification spatiale pour la loi SRU, financiers et organisationnels
pour la loi sur l'intercommunalité, qui favorisent, au plan local, une politique de
développement durable dans le sens des orientations de Rio de 1992.
Les outils et démarches en vue de la réalisation d'Agendas 21
En proposant la rédaction d'un premier « appel à projets sur les outils et
démarches en vue de la réalisation d'Agendas 21 locaux » en 1997, puis d'un
deuxième, en 2000, le MATE. a pris l'initiative d'associer largement les acteurs
institutionnels et les associations "militantes" du développement durable à la
production d'Agendas 21 au niveau local. Cette initiative a pour but de sensibiliser le
plus largement possible les acteurs non initiés au développement durable, de repérer
les démarches et outils, « les bonnes pratiques » et, grâce à l'innovation
mise en uvre, de capitaliser et diffuser l'expérience acquise par les
collectivités locales, sous forme de recommandations méthodologiques en matière de
développement durable.
La délégation interministérielle à la ville rejointe, pour le deuxième appel à
projets, par le Ministères de l'équipement, des transports et du logement, par le
Ministère des Affaires étrangères et par l'ADEME, participent à cette action du MATE,
dont le comité de pilotage est largement ouvert aux partenaires intéressés par le
processus de développement durable
56 collectivités ont répondu au premier appel à projets en 1997, 16 des projets
présentés ont été lauréats ; 104 réponses ont été reçues au deuxième appel
à projets en 2000 et 29 projets ont été lauréats. Les collectivités porteuses de
projets constituent désormais un réseau et autant de « références» en matière
d'agendas 21 ; elles sont, à ce titre, très sollicitées (études universitaires,
articles de revue, sollicitation de conseils, etc.). Les ateliers de suivi et le
parrainage des projets par les membres du Comité de pilotage, ainsi que des publications
constituent le dispositif d'animation de ce réseau.
Un troisième appel à projets est envisagé en juin prochain :il privilégiera
les outils et démarches d'aménagement urbain dans la perspective d'un développement
urbain durable et du renouvellement urbain.
Les grandes catégories de projets :
· des projets sectoriels illustrant divers aspects du développement durable :
l'implication des citoyens dans la réduction des gaz à effets de serre, la valorisation
économique de vergers traditionnels, la réhabilitation d'une friche industrielle,
l'agriculture raisonnée, la gestion d'un site classé, la mise en place de nouveaux types
de services publics en milieu rural, d'un plan de déplacement urbain volontaire ou encore
d'un plan d'amélioration de la qualité en matière de traitement des déchets, la
création de réseaux d'échanges et de collaboration entre les entreprises du territoire
ou encore la conception d'une zone d'activité intercommunale à haute qualité
environnementale, les liaisons entre urbain et rural.
· des types d'outils, comme une méthodologie du développement durable du local à
l'international , un observatoire communal de la Santé, un tableau de bord
communautaire d'agglomération, un système de management environnemental, des actions de
formation, des démarches de haute qualité environnementale, des référentiels.
· des projets de territoires : agendas 21 présentés par les villes
d'Athis-Mons, d'Angers, d'Autun, de Grande-Synthe, de Bouguenais, par la communauté
urbaine de Dunkerque, l'agglomération du pays de Lorient , l'agglomération de Pau,
la communauté urbaine de Strasbourg, l'agglomération de Grenoble et certaines communes
de l'agglomération (Meylan, Echirolles, Grenoble), par la communauté de communes de
Marie-Galante ; charte de pays en Gâtine et en Val de Drôme ; plans d'actions
locaux du réseau de villes de Midi-Pyrénées ; projet de territoire de Montrevel en
Bresse , Grand Projet de Ville de Lille.
Les ateliers de suivi des appels à projets
Pour accompagner les collectivités ayant présenté des projets et le réseau des
partenaires associés au sein du comité de pilotage dans l'appropriation de
développement durable, des ateliers de suivi sont organisés qui sont autant de
séminaires de réflexion autour de sujets transversaux. Les thèmes de l'emploi et la
formation et de la liaison urbain-rural ont été abordés après le premier appel à
projets. Après le second, un nouveau cycle a été mis en uvre autour de
fonctionnalités urbaines majeures. Les premiers séminaires : « Habiter une
ville durable », « entreprendre pour une ville durable » ont eu lieu,
les prochains auront pour thème : « transmettre durablement » et
« accueillir dans une ville durable ». Chaque séminaire est accueilli par une
collectivité ayant présenté un projet, généralement lauréat. Des experts, chercheurs
et praticiens viennent apporter leur témoignages et leurs réactions face aux projets
concrets qui illustrent le thème de l'appel à projets.
Les agendas 21 et les collectivités territoriales
En dehors de ces collectivités que les appels à projets ont permis de repérer, de
nombreuses initiatives se développent maintenant en matière d'agenda 21 local. Les
régions Guadeloupe et Nord-Pas-de-Calais, le département de la Haute-Saône, la
Communauté urbaine de Lille et la ville de Lille (59), les villes de Besançon (25), de
Mulhouse, d'Annemasse (74), de Montpellier (34), la communauté urbaine de Lyon (69), la
Ville de Paris, etc . sont ou vont s'engager dans des démarches d'agendas 21.
La région Nord-Pas-de-Calais a mis en place un programme régional de soutien aux
Agendas 21 locaux. La région Rhône-Alpes développe un programme similaire.
Il n'existe pas encore de recensement des collectivités engagées dans des Agendas 21
locaux comme il n'existe pas de définition précise de ce qu'est un agenda 21 local en
France. L'acception généralement admise par les collectivités est celle d'un programme
d'actions pour un développement durable associant largement la population et les acteurs.
Les Assises nationales du développement durable de Toulouse ont pour but de recenser
les actions engagées par les collectivités locales, notamment régionales, et d'inciter
les autres à suivre cette voie en mutualisant les expériences.
Les acquis méthodologiques des expériences
D'un point de vue méthodologique, l'expérience acquise à travers les « bonnes
pratiques » permet de distinguer, les points suivants :
la nécessité du diagnostic :
Il s'agit d'observer des modes de vie dans leur diversité, de faire émerger les
besoins nouveaux en matière de services collectifs répondant aux demandes de la
population et des entreprises ;
Le diagnostic est élaboré avec les acteurs du développement (acteurs publics et
privés) ainsi qu'avec la population (directement ou par l'entremise des
associations) ;
Le temps de diagnostic correspond à un temps nécessaire d'appropriation du projet et
du concept de développement durable par les acteurs ;
Le diagnostic est prospectif pour mettre en évidence les tendances et les évolutions
possibles, par le croisement des projets des acteurs et par celui des savoirs et
savoirs-faire des experts en charge habituellement, chacun pour leur compte, des seuls
diagnostics économique, urbain, sociétale ou environnemental. Il reste, en matière
méthodologique, à identifier plus concrètement le noyau dur des domaines indispensables
à explorer pour élaborer un diagnostic en terme de durabilité (indicateurs de
durabilité sur lesquels travaille l'Union européenne actuellement, fermement soutenue
par la France).
la participation :
La participation est l'outil indispensable à une approche transversale et prospective
nécessaire à l'appréhension de la complexité des fonctions urbaines interrogées par
les projets d'agglomération ou de pays dans la perspective du développement durable.
Elle permet aussi de prendre en compte les inter-relations à établir (entre les
secteurs, entre les échelles de territoires et de temps). Elle accompagne toutes les
phases du projet, de l'élaboration à l'évaluation. Les associations ont un rôle de
relais : indépendamment de leur représentativité, leur fonction de médiation est
déterminante. Une règle se dégage en conséquence : intégrer le coût et les
moyens nécessaires à la participation dans le coût du projet.
L'organisation :
Pour s'adapter à la transversalité constitutive du développement durable, les
collectivités doivent entreprendre une réorganisation des services, voire des
délégations des élus, une clarification des compétences entre niveaux de
collectivités. Compte tenu du nombre de collectivités locales - communes et groupements
de communes - cette organisation doit être à même de gérer l'emboîtement des
compétences et des territoires, de mettre en place de nouveaux modes de relations en
réseau et de faire appel, en conséquence, à de nouvelles méthodes de management de
projets et des hommes incluant des programmes de formation adaptés.
Différents critères et référentiels d'évaluation existent désormais pour
apprécier la « durabilité » d'un projet global ou d'une action. Quel que
soit le degré d'élaboration du projet ou d'avancement du programme, l'évaluation
« en continu » à l'aide de ces critères permet d'apprécier le caractère
durable du projet, du programme ou des actions. L'utilisation dès l'origine d'une telle
caractérisation permet de suivre l'évolution de la prise en compte du développement
durable dans les démarches territoriales et facilitera l'évaluation, prévue en 2003,
des volets territoriaux des contrats de plan.
En conclusion
L'ensemble des lois parues depuis 1999 renforce l'exigence d'un projet global et
intégré à l'échelle d'un territoire et celle d'une participation active des acteurs et
du public à son élaboration, à sa mise en uvre et à son suivi. Elles ouvrent
désormais la voie à des agendas 21 locaux de troisième génération qui, en
répondant au principe d'intégration de la déclaration de Rio, doivent aboutir à de
véritables projets de territoire intégrant développement économique, social et
environnemental dès la conception même du projet. Les principes de participation,
solidarité, équité, précaution, subsidiarité, réversibilité, la recherche
d'innovation, de modes de coopération internationale, de partenariats, le souci
d'économie des ressources, tous principes associés au développement durable, devront
être présents tout au long de l'élaboration, de la mise en uvre (des programmes
sectoriels et des actions mises en uvre) et de l'évaluation des projets.