Mesdames, Messieurs,Cher(e)s ami(e)s,
Je suis particulièrement contente dêtre avec vous
aujourdhui. Nous étions ensemble à votre congrès dOrléans, en septembre
1997, alors que je venais de prendre mes fonctions. Depuis, de leau a coulé sous
les ponts
Labandon du canal Rhin-Rhône, pour lequel le calcul
économique le plus élémentaire est venu au secours du choix politique ; larrêt
de Superphénix, dont la difficulté à le rendre effectif illustre, en revanche, le
poids des habitudes prises ou, plus encore, le poids de croyances de nature divine dans un
domaine où, paradoxalement, la stratégie française savère de plus en plus
isolée ; le renoncement à la centrale nucléaire du Carnet comme à limmersion
des déchets radioactifs avaient alors marqué larrivée historique des
écologistes au Gouvernement.
A Orléans, je vous avais fait part de mes projets. Il était donc
normal que je vous réserve, à loccasion de ce nouveau congrès, la présentation
de mon bilan après trois ans dactivités ministérielles.
Certes, chaque année, je dois me plier à un exercice similaire et
défendre devant les parlementaires laction de mon ministère à loccasion du
vote du budget. Cette audition devant la représentation nationale est nécessaire, mais
elle nest pas suffisante. Seule la rencontre avec les associations permet
daffiner lanalyse et dentendre dautres sons de cloche.
Votre rôle, au plus près du terrain, nest plus à démontrer.
La vigilance que vous exercez, les exigences et lentêtement avec lesquels vous
menez certains dossiers sont autant datouts dans la conduite de mon action publique.
Bien davantage que tout autre, le poids de mon ministère dépend, en effet, de la
militance des acteurs de terrain.
De cet appui sans faille, je tenais à vous remercier tout en insistant
pour que vous soyez très présents dans les grands échéances qui nous attendent. Je
pense notamment, mais pas seulement, au débat parlementaire sur la chasse.
Car de mon expérience, jai tiré trois enseignements quant à la
méthode :
il est illusoire despérer gagner des avancées
substantielles, que ce soit sur les OGM, la chasse, ou le nucléaire, lorsque lon
est pas soutenu par lopinion publique ou, pour le moins, par les leaders
dopinion, et que lon pas su instaurer un rapport de force suffisant ;
cette confrontation est nécessaire mais pas suffisante : elle
nous a permis de gagner dentrée de jeu larrêt de Superphénix mais pas
larrêt du Mox. A ce stade, seule largumentation permet
dexpliquer, dexpertiser et de comparer publiquement les différentes
hypothèses si lon veut convaincre ;
enfin, les arbitrages interministériels, la déconcentration
des compétences de lEtat qui donne de réels pouvoirs darbitrage aux
préfets, notamment sur les sujets qui nous intéressent, la décentralisation et
le pouvoir accru des élus font que les choix arrêtés avenue de Ségur nont pas
toujours la traduction immédiate que lon voudrait bien croire.
Ce constat me conforte dans lidée que votre place nest pas
celle que vous devriez occuper, vous les associations qui êtes à linterface entre
les " décideurs " et le terrain.
1 - UN MINISTERE DE PLEIN EXERCICE
Vers le développement durable
Lors de la formation du Gouvernement, en juin 1997, la décision de
marier, pour la première fois, aménagement du territoire et protection de
lenvironnement au sein dun même ministère a répondu, sur le plan politique,
à un choix stratégique majeur. Celui de débarrasser laménagement du territoire
de ses oripeaux productivistes issus des années 60 et, simultanément, de faire sortir
lenvironnement de ses bastides assiégées.
Nous avons relevé le défi et nous sommes parvenus à réunir
laménagement du territoire et lenvironnement même si, a priori, tout
semblait devoir opposer, pour toujours, aménageurs et protecteurs, promoteurs des
territoires et gestionnaires des ressources. Depuis trois ans, les services de
lEnvironnement travaillent au quotidien avec la Datar et plus personne
nimagine quil puisse en être autrement.
Associer ainsi, dans les politiques publiques, aménagement du
territoire et environnement, cétait faire un premier pas vers le développement
durable. Notre mission est aujourdhui de satisfaire les ambitions naturelles des
hommes et des femmes à vivre sur des territoires alliant bien-être économique et social
et protection de lenvironnement, tant dans une perspective de linstant que
dans celle des générations futures, tant dans une exigence de confort local que dans
celle dun progrès global.
Ce choix stratégique a motivé chacun des travaux du ministère. Pour
que cette union soit féconde, plusieurs années seront encore nécessaires, voire
plusieurs décennies dardeur assidue : dune part, parce que ce choix est
un choix de long terme en raison de la forte et inévitable inertie dans la mise en
uvre des décisions prises ; dautre part, parce ce que choix a heurté
les habitudes de beaucoup.
Des habitudes individuelles dabord : nous sommes,
chacun dentre nous, porteurs du syndrome NIMBY et dune certaine dose de
schizophrénie lorsque nous sommes confrontés à des choix personnels où notre intérêt
local ou de court terme semble contredire notre vision globale ou de long terme.
Des habitudes collectives ensuite, qui font quau delà du
clivage bipolaire droite-gauche, nos modèles de pensée et nos références sont encore
trop souvent inspirés par le modèle post-keynésien issu de laprès-guerre et dont
le contre-modèle libéral des décennies 80-90 a suscité, à juste titre, des réflexes
de rejets.
Des habitudes collectives internes à la gauche aussi, qui font que
certains ont une fâcheuse tendance à réduire lenvironnement à la portion congrue
des politiques publiques que lon sort les dimanches de Congrès - et, en sens
inverse, à privilégier non pas la préservation ou la création demplois durables
mais la rémanence du chantage à lemploi au nom des recettes traditionnelles des
politiques publiques et des atermoiements ou des coups de gueule de divers groupes de
pression.
Le développement durable conduit à un véritable aggiornamento des
politiques publiques. Cest avec cette préoccupation majeure que nous avons
abordé, jour après jour, lensemble des sujets quil sagisse des
politiques territoriales, de mesures plus spécifiques dans le domaine de
lenvironnement ou des grandes négociations internationales. Autant de dossiers sur
lesquels je reviendrai plus en détails.
Cest donc avec une intense satisfaction que jai écouté le
Premier ministre que javais invité, le 3 avril dernier, à la Sorbonne,
au colloque que nous organisions sur le thème de laménagement durable du
territoire. Lionel JOSPIN a en effet confirmé les options que nous avions prises.
" Le développement durable nest pas seulement une innovation conceptuelle
ou la source de normes juridiques nouvelles, il fonde une pratique ", a-t-il
déclaré avant dannoncer trois mesures majeures qui reprenaient nos propositions :
la désignation imminente dun ambassadeur pour
lenvironnement afin de renforcer la présence de la France dans les grandes
négociations internationales ;
le lancement dune Fondation sur le développement
durable qui verra la mise en réseaux des experts français et européens et permettra
dassurer le dialogue avec vous, les associations, mais aussi avec les entreprises et
les scientifiques ;
et, last but not least, louverture dune
réflexion sur une Organisation mondiale de lenvironnement qui permettra,
parallèlement au renforcement des institutions de lOrganisation des Nations Unies
(ONU), de " mieux traiter les questions dintérêt général que sont la
santé, léducation, et lenvironnement ".
Vers un grand ministère régalien
Si la course sera longue et difficile, létape qui vient
dêtre franchie est donc essentielle et semble irréversible : le ministère de la
nature de Monsieur Poujade sest métamorphosée en " maison " du
développement durable ; ladministration de mission de lavenue de Ségur, poil
à gratter des politiques publiques, en grand ministère régalien doté de moyens
conséquents.
le budget. Quon en juge. En trois ans, le budget du
ministère de lenvironnement a augmenté, à périmètre constant, denviron 30
% ; à périmètre modifié, cette progression est de 140 % ! Certes, ce budget
est encore modeste mais, de tout le Gouvernement, cest le seul qui est ainsi en
hausse constante.
La modernisation de nos outils économiques et financiers nous donne
désormais les moyens dagir avec plus de célérité et defficacité.
Trois directions du ministère disposent aujourdhui de leviers
majeurs : la Direction de leau avec le Fonds national de solidarité sur
leau (FNSE), la Direction de la prévention, de la pollution et des risques (DPPR)
à travers la budgétisation des moyens de lADEME, la Direction de la nature et des
paysages (DNP) avec le Fonds de gestion des milieux naturels (FGMN) doté de plus de 240
millions de francs. Enfin, une nouvelle direction a été créée afin dassurer,
plus particulièrement, les études économiques et lévaluation environnementale
des projets (D4E).
Et puisque nous en sommes à parler gros sous, il me faut aussi
mentionner laugmentation, en trois ans, de plus de 80 % des moyens budgétaires
consacrés au soutien aux associations.
Ce renforcement des moyens sest accompagné de
linstallation, dès 1998, de la Commission des comptes et de léconomie de
lenvironnement. Et, dans quelques jours, de nouveaux moyens de financement
quasi-bancaires pourront être dédiés à lenvironnement grâce à
lutilisation des fonds dépargne de la Caisse des Dépôts avec laquelle un
accord de principe est en cours.
les effectifs. Simultanément, un effort important, mais
encore trop limité par rapport aux besoins, a été conduit en termes deffectifs.
Les ressources humaines du ministère ont augmenté de plus de 15% en trois ans. Plus
dun millier demplois ont été créés dans lensemble des
administrations de lenvironnement, au ministère, bien sûr, mais aussi à
lADEME, dans les agences de leau et les parcs nationaux, à lInstitut
français de lenvironnement (IFEN), à lInstitut national de
lenvironnement et des risques industriels (INERIS), ou encore au Conservatoire du
littoral et des rivages lacustres...
les emplois-jeunes. Evoquant la question de lemploi,
il me faut dire un mot de notre participation au programme " nouveaux services,
nouveaux emplois " initié par Martine Aubry.
Grâce au dynamisme des collectivités locales et, surtout, des
associations, notre ministère contribue largement au succès de ce programme : il
arrive en deuxième place en nombre demplois créés, avec un cumul dembauches
évalué, au 29 février dernier, à 18 159, soit 13,7% des effectifs, hors Education
nationale et Intérieur qui sont, en quelque sorte, hors course.
Mais il ne faut pas sendormir sur ce succès quantitatif.
Je vous demande dêtre, avec nous, particulièrement vigilants pour que ces jeunes
bénéficient réellement dune formation performante et, quà terme, ils
puissent " solvabiliser " leur emploi. Les rencontres organisées
lannée dernière, en Arles, avec plus de mille jeunes, ont été, à cet égard, un
des moments forts de laction menée dans ce domaine.
La fiscalité écologique
En me retournant sur le bilan des trois années écoulées, je crois
que, sur le fond, une des réussites majeures de mon action est la mise en place
dune véritable fiscalité écologique, au service du principe pollueur-payeur.
Jusquen 1997, la fiscalité écologique, du moins la question
dune fiscalité incitative pour la protection de lenvironnement et la lutte
contre les pollutions, était cantonnée à un débat académique, sans conséquence
pratique particulière. Certes, il y avait une fiscalité de lenvironnement, mais
cétait une fiscalité de financement, destinée simplement -mais ce nest pas
inutile, loin de là- à dégager des ressources en faveur de telle ou telle politique de
lenvironnement.
En revanche, cette fiscalité navait pas de fonction incitative
par elle-même et ne permettait ni dencourager les comportements vertueux, ni de
décourager les comportements polluants.
Cest pourquoi nous avons décidé de nous mobiliser pour
ladoption dune véritable écotaxe ou, plutôt, jaime mieux ce terme,
dune pollutaxe. Il a fallu discuter, dialoguer, convaincre, faire preuve de
pédagogie, de patience ou de coups de gueule et ce dans de nombreuses directions :
en direction du ministère des finances, pour lequel la
fiscalité écologique nétait quun objet fiscal non identifié, doté certes
dun exotisme délicieux mais sans conséquence ;
en direction des milieux académiques, pour lesquels tout ce
qui sécarte du " purisme " est inutile ;
en direction des milieux industriels ou agricoles, aux
pouvoirs de lobby ô combien puissants mais comment convaincre un émetteur
dactivité polluante quil doit accepter dêtre taxé ?
en direction des milieux de lenvironnement aussi, sans
doute satisfaits des traditionnelles taxes de financement. Je dois dire quà cet
égard, jai pris mes précautions : jamais, avant 1997, les financements
destinés à la protection de lenvironnement, navaient autant augmenté.
Lan 1 de la fiscalité écologique. Nous avons
réussi. Depuis 1999, - grâce au soutien du Conseil danalyse économique placé
auprès du Premier ministre !-, la TGAP existe. La première année, la TGAP a consisté
à regrouper les taxes affectées à lADEME, mais pas seulement : en relevant
de manière importante, avec la TGAP, la taxe sur la mise en décharge, tout en décidant
la réduction de TVA sur la collecte sélective, nous avons clairement indiqué la
direction.
Lan 2. En 2000, la TGAP a été élargie à de
nouveaux domaines, en particulier les pollutions de leau et les pollutions
dorigine agricole. Certes, je regrette quaux côtés de linclusion des
phytosanitaires, les décisions relatives à la taxation des granulats et, surtout, des
phosphates, naient pas été les meilleures, loin de là. Mais le pli a été pris.
La pollutaxe vit, désormais, dans notre pays.
Lan 3. Et puis, nous sommes désormais au cur de
la vraie bataille, celle qui consiste à faire passer la TGAP du stade de petite pollutaxe
à celui de grande pollutaxe. Nous travaillons en effet à lélargissement de la
TGAP aux consommations intermédiaires dénergie, cest-à-dire à la taxation
du carbone et de lusage immodéré de lénergie.
Le combat est difficile, je ne vous en dirai pas plus sur les pressions
grandissantes des groupes industriels concernés qui, eux, ont bien compris lenjeu.
Nous espérons boucler le sujet dans les semaines à venir, pour une inclusion dans le
projet de loi de finances pour 2001.
Je dois dire que ma fierté, aujourdhui, est dautant plus
forte que la France, la plus rétive des pays européens sur cette question jusquen
1997, avance aujourdhui du même pas que la plupart des autres grands pays de
lUnion.
Cest en effet à peu près de manière concomitante, après avoir
constaté que les règles de lunanimité bloquaient le consensus communautaire, que
la France, le Royaume-Uni, lAllemagne et lItalie ont annoncé leur projet de
création unilatérale de leur propre pollutaxe, rejoignant ainsi les Pays-Bas ou le
Danemark.
Ainsi, vous le constatez avec moi : les moyens financiers et humains en
progression comme linstauration de la fiscalité écologique ont permis, en trois
ans, que le ministère atteigne un véritable seuil de crédibilité politique et
administrative, auprès de ses interlocuteurs, notamment institutionnels.
Mais il serait faux de croire que ce saut nest que quantitatif.
Cest lessence même de notre action qui a changé : petite administration de
linterdit et du règlement, lavenue de Ségur est devenue en quelques années
un ministère à part entière qui développe daudacieux projets, commande et
organise.
Le ministère de lAménagement du territoire et de
lEnvironnement est aujourdhui respecté. On dit même quil est craint.
Ses idées se diffusent auprès dacteurs réputés jusque là pour être les plus
rétifs. Nest ce pas là, finalement, la tonalité la plus positive de ce bilan,
dans un système où le succès se mesure au niveau du rapport de forces institué ?
2 - LAMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
La LOADDT
Je voudrais maintenant, si vous me le permettez, revenir sur chacune
des grandes politiques de mon ministère. Dans le domaine de laménagement du
territoire, un premier chantier, majeur, a été ouvert rapidement, pour être bouclé,
quasiment jour pour jour, deux ans plus tard : celui de la Loi pour
laménagement et le développement durable du territoire (LOADDT).
Lorsque nous nous sommes attelés à ce chantier, daucuns
pensaient quil était vain dimaginer refondre la loi Pasqua de 1995 alors
même que je navais pas les mêmes prérogatives que mon illustre prédécesseur,
nétant toujours pas ministre de lIntérieur. Faut-il le déplorer ? Nous
avons pourtant réussi à écrire et faire adopter un nouveau texte dont il ne manque que
la parution, aujourdhui imminente, des décrets dapplication.
Ladjonction du qualificatif de durable dans lintitulé
de cette loi nest pas une clause de style. Avec ce texte, le Gouvernement a rompu
avec une planification centralisée aussi coûteuse quinefficace. Les pouvoirs
publics sappuieront dorénavant sur une échelle territoriale nouvelle et pertinente
du point de vue du développement durable : les agglomérations et les pays.
Il sagit dune loi fondatrice sur le plan politique :
celle du signal de la recomposition des territoires, non sur une logique autoritaire où
la sanction est le bâton et le guichet la carotte, mais sur une logique de destin commun
librement consenti où le projet remplace loukase.
La LOADDT instaure neuf schémas de services collectifs qui
permettent de sortir du champ traditionnel de la planification nationale. Une approche
nouvelle, fondée sur la demande de nos concitoyens, prévaut avec la prise en compte de
nouveaux domaines comme lénergie et les espaces naturels et ruraux mais une
approche aussi régionale avec les schémas régionaux daménagement et de
développement du territoire (SRADT).
Ces schémas partent dun diagnostic des enjeux et des
vulnérabilités de chaque territoire, élaboré collectivement, et sastreignent à
répondre aux besoins dans le cadre réaliste des contraintes économiques, sociales et
environnementales.
Je sais que certains, dans les ministères, traînent des pieds mais je
me battrai pour que ces schémas soient présentés dans le cadre dun Comité
interministériel daménagement et de développement du territoire (CIADT), dès le
moi de mai, une fois prises en compte les dernières contributions régionales.
Trois des neuf schémas méritent une attention particulière
sagissant du développement durable.
Les schémas des services collectifs des transports devront
marquer une rupture avec les logiques du passé. Contrairement aux anciens schémas
directeurs dinfrastructures qui étaient conçus dans une logique de loffre,
ces schémas seront établis, quoi quil en déplaise à certains, en fonction des
attentes des usagers avec un souci de meilleure utilisation des réseaux existants, de
maîtrise des nuisances et de limitation des émissions de gaz à effet de serre.
En cohérence avec les projets discutés dans le cadre des contrats de
plan, le Gouvernement a assigné à ces schémas deux priorités : le développement du
fret ferroviaire et les transports collectifs en agglomérations. Sans attendre
laboutissement de ces schémas, le débat parlementaire sur la loi
" Solidarité et rénovation urbaine " a dailleurs donné
loccasion à Jean-Claude GAYSSOT dannoncer une augmentation de 1 md de francs
par an en faveur des transports publics urbains.
Les schémas des services collectifs des espaces naturels et
ruraux sont très novateurs. Ils permettent en effet la prise en compte simultanée
des enjeux environnementaux (biodiversité, qualité de leau et des sols, risques
naturels,...) agricoles et urbains.
Objectif de ces schémas ? Passer dune culture de protection,
voire de handicap, par rapport à lenvironnement à une culture de valorisation avec
la prise en compte des ressources naturelles comme autant de services attendus et
recherchés par la population, quelle soit urbaine ou rurale.
Lespace de qualité, les terroirs de renom sont en effet non
seulement des signes de qualité de la vie pour nos concitoyens mais ils font aussi
limage internationale de notre pays. Cest même sans doute un de ses
principaux atouts dans la compétition mondiale.
Les schémas des services collectifs de lénergie
permettront de concrétiser sur le territoire deux priorités de la politique
énergétique française : la maîtrise de la consommation et le développement des
énergies renouvelables. Dans ces deux domaines particuliers, le rôle des collectivités
locales est primordial car cest à léchelle des territoires que peuvent être
le mieux mis en uvre des programmes dactions adaptés aux potentiels locaux.
Outre leur intérêt en termes déconomie de la ressource, ces programmes sont
appréciables pour les activités nouvelles, et donc les emplois, quils suscitent.
Les contrats de plan Etat/région
Lors du CIADT de décembre 1997, le Premier ministre a fixé le cadre
de la préparation des nouveaux contrats de plan Etats/Région. Pour la première fois,
là encore, le développement durable était retenu comme objectif principal des
politiques territoriales au même titre que lemploi ou la solidarité.
Pour traduire cette orientation du Gouvernement, jai précisé
aux Préfets, dans une circulaire de mai 1998, la méthode de cet exercice inédit. Une
démarche en trois temps avec, en premier lieu, lestimation complète de
lintérêt et de limpact de chaque projet, de chaque programme ; puis le
renforcement des performances environnementales ; enfin, la mise en place
dindicateurs de suivi et dévaluation.
Jointe à cette circulaire, une grille danalyse précise était
élaborée avec, pour chaque domaine, des données actualisées sur plusieurs années. Les
représentants de lEtat en région peuvent désormais confronter, par exemple, le
niveau des droits de mutation dans une région avec les distances parcourues
quotidiennement, ou comparer, dans le temps et entre les régions, la qualité des eaux ou
les émissions de carbone.
Ces grilles sont de premiers outils quil faudra sans doute
améliorer. Mais il vous faut dores et déjà vous en saisir et demander à vos
interlocuteurs comment ils comptent sen servir non pas seulement pour cette
génération de CPER qui sont en voie dêtre signés, quand ce nest pas déjà
fait, mais, à lavenir, pour toutes les politiques territoriales.
Les contrats de plan qui ont été adoptés montrent que les avancées
sont loin dêtre négligeables. Le développement durable se traduit dans ces
documents par lintégration dobjectifs environnementaux sur le long terme dans
les politiques sectorielles et par la constitution de dispositifs permettant de combiner
performance économique, justice sociale et qualité environnementale. Sil serait
vain de vouloir faire linventaire de lensemble des CPER, quelques exemples
illustreront mon propos.
Premier exemple : lagriculture. Dans ce domaine, des
aides ont été décidées afin de favoriser linstallation dagriculteurs tout
en favorisant la recherche et le développement de produits de qualité non seulement
sanitaire mais aussi environnementale. Lagriculture biologique, la contribution de
lagriculture à lentretien des paysages et des milieux et la maîtrise des
pollutions agricoles font désormais lobjet dune attention spécifique.
Second exemple : les transports. On la vu : sil
est un domaine qui est la caricature même du développement non durable, cest bien
celui des transports. Aujourdhui, une réorientation des moyens permet de favoriser
le transport ferroviaire qui bénéficie de quelque 8 mds de francs contre 800 millions
dans la précédente génération de contrats de plan alors que les crédits routiers
voient leur part diminuer entre les deux contrats de plan de 33 à 23%.
Troisième exemple : la protection de lenvironnement. Dans
ce domaine, les crédits passent de 1,3 à 3,1 mds de francs auxquels il convient
dajouter leffort financier de lADEME (3,3 mds F) : la gestion de
leau et des milieux aquatiques, la maîtrise de lénergie et le développement
des énergies renouvelables, les déchets et le management environnemental sont autant de
dossiers prioritaires pour cette nouvelle génération de contrats de plan.
Leffort est certes modeste puisquil ne représente que 3 %
du total des budgets contractualisés. Il est néanmoins réel puisque la part consacrée
à lenvironnement a ainsi doublé par rapport à la précédente génération de
contrats de plan.
Mais quels que soient ces engagements, ils ne sauraient être durables
sans dispositifs de suivi. Cest pourquoi des procédures dinformation et
dévaluation ont été adoptées avec la mise en place dun système
dinformation sur lenvironnement (eau, énergie, air, déchets et patrimoine
naturel), des études et des inventaires sur la biodiversité et les paysages, et des
programmes de sensibilisation et déducation.
Ces progrès doivent être consolidés et poursuivis. La négociation a
en effet montré une sensibilité nouvelle de ladministration, des élus et des
socioprofessionnels au développement durable.
Il faut rester vigilant. Car, malheureusement, ce nest encore que
trop souvent une approche complémentaire qui se superpose aux approches productivistes ou
équipementières classiques : importance des programmes routiers au nom du
" désenclavement " comme le montre la polémique jamais
éteinte de lA 51, attachement aux projets connus dhydraulique agricole, comme
le barrage de la Trézence ou aux programmes classiques daide aux filières
agricoles sans cohérence avec la réorientation voulue par la loi dorientation
agricole (LOA).
3 - LA PROTECTION DE L ENVIRONNEMENT
Présenter ainsi, appartement par appartement, mon ministère revient
à contredire lesprit même de notre action qui vise à lintégration dans
toutes les politiques publiques de ce zeste nouveau et radical quest le
développement durable.
Mais je vous ai promis un examen précis de notre action au
Gouvernement. Je dois donc me plier à ce délicat exercice et vous faire un inventaire
détaillé de notre action.
La réorientation de la politique des déchets
Dans le domaine traditionnel de la protection de lenvironnement,
les grands textes législatifs ont été élaborés par mes prédécesseurs. Restait à
leur donner vie, voire à les réorienter comme ce fut le cas de la politique des
déchets.
Il nous fallait en effet relever le défi suivant : comment
respecter, en 2002, les objectifs fixés par la loi de 1992, et donc cesser la mise en
décharge des déchets bruts, tout en évitant de passer au tout incinération avec
les conséquences non seulement environnementales mais aussi financières que cela
signifiait ?
Après un examen précis de la situation, jai pris, le 28 avril
1998, une circulaire, pragmatique dans son contenu, mais radicale dans ses objectifs,
fixant à 50 % le taux de valorisation des déchets ménagers. Un programme de travail a
été précisé lors dune communication que jai faite en Conseil des
ministres, le 26 août 1998.
Ce programme sarticulait autour de deux axes : la réduction des
impacts sur lenvironnement de la gestion des déchets et la maîtrise des coûts.
Pour ce faire, des priorités de lEtat ont été définies : la prévention et la
réduction à la source ; le développement de la valorisation matière et
biologique ; et la restauration de la confiance des élus, des citoyens et du
mouvement associatif.
Deux ans plus tard, cette réorientation a porté ses fruits. Si je ne
vous évoquerai pas, ici, la question des déchets de chantier ou celle des déchets
agricoles ou industriels, je veux vous donner quelques exemples concrets de cette
politique en matière de gestion des déchets ménagers :
laction de lADEME, paralysée jusquen
1997, a été relancée avec des moyens nouveaux ;
les barèmes amont et aval dEco-Emballages ont été
modifiés ;
la fiscalité sur la mise en décharge a été renforcée et
celle sur la collecte sélective fortement réduite grâce à labaissement du taux
de TVA ;
les plans départementaux délimination des déchets
ont été mis en révision ;
la réduction des émissions polluantes des incinérateurs,
en particulier des dioxines, a fait lobjet dune attention particulière en
préconisant, dès à présent, le respect des futures normes communautaires.
La lutte contre le bruit
Le dossier du bruit a suscité toute mon attention même si les moyens
pour résorber cette nuisance majeure sont inscrits sur dautres budgets que le mien.
Jai effectué sur ce sujet deux communications en Conseil des
ministres, lune en mars 1998, lautre en novembre 1999. Mon objectif est de
résorber les points noirs aux abords des routes ou des voies ferrées. Mais soyons
réalistes : il faut des moyens nouveaux afin que 200 000 logements soient traités au
cours des dix prochaines années.
Corriger en aval les impacts désastreux des pollutions est un devoir
pour les pouvoirs publics. Agir simultanément en amont est une nécessité. Les normes de
réduction du bruit à la source doivent donc être strictes et appliquées. Cest
dans cet esprit que jai pris un arrêté le 9 novembre dernier pour définir des
plafonds pour le bruit ferroviaire et, lannée précédente, un décret
réglementant le bruit des établissements diffusant de la musique amplifiée.
Parallèlement, je me suis battue pour quun effort particulier
soit effectué en faveur des riverains des aérodromes : la taxe sur les
nuisances sonores a été doublée ; les moyens alloués à lADEME ont été
augmentés, pour ce faire, dans des proportions importantes ; les plans de gênes
sonores ont été révisés, pour permettre à la fois un élargissement de la population
éligible et un élargissement des conditions d'éligibilité.
La question énergétique
Il est un dossier qui vous importe particulièrement, comme tous les
écologistes, celui du nucléaire ou, plus largement, celui de lénergie. Dans ce
domaine, plus que dans tout autre, il a fallu mobiliser beaucoup de patience et
dénergie. Jai privilégié quatre approches.
Laval du cycle. En premier lieu, jai voulu faire
respecter, par les opérateurs, les nouvelles orientations conclues, contractuellement,
par la majorité plurielle concernant laval du cycle. Il a fallu plus de deux ans de
négociation sur trois sujets dimportance : les enquêtes publiques de La
Hague, la capacité de production de lusine Melox, et la place à accorder aux sites
profonds de stockage.
Sur ces sujets toujours difficiles, ma petite musique se fait peu à
peu entendre : la capacité maximum de la Hague sera de 1700 tonnes et non de 2000
; celle de Melox de 115 tonnes et non de 200 ; les stockages devront être
réversibles et les transports sont dores et déjà mieux contrôlés ;
enfin, les voies de recherche sur lentreposage et le sub-surface
seront explorées.
Ladministrateur général du CEA, Pascal COLOMBANI, en
convient publiquement : une page est bel et bien tournée.
La diversification. Simultanément, jai enclenché les
conditions dune diversification des modes de production dénergie. La
décision prise, en février 1998, daccorder à lADEME une dotation pérenne
de 500 millions de francs en faveur de la maîtrise de lénergie et du
développement des énergies renouvelables a été premier pas dont nous pourrons mesurer
les effets dans années à venir.
La loi sur la transparence. En troisième lieu, jai
chercher à assurer transparence et séparation des rôles, en matière de contrôle de
lensemble du cycle. Jai obtenu du Premier ministre le principe dun
projet de loi sur le sujet. Je souhaite que les arbitrages finaux soient désormais rendus
rapidement pour que cet engagement majeur puisse être tenu. Je sais pouvoir compter sur
votre appui pour que lencombrement du calendrier parlementaire ne soit pas un alibi
pour renvoyer aux calendes grecques cette loi essentielle, promise dès juin 1997.
Létude sur les coûts. Enfin, jai demandé à
ce que nous puissions assurer la transparence des coûts pour lensemble de la
filière. Sur ma proposition, une mission confiée à MM. Pelat, Dessus et Charpin a été
diligentée et rendra ses conclusions au Gouvernement dans les tous prochains jours. Elles
seront rendues publiques.
Le dossier de leau
Le dossier de leau a été emblématique de notre volonté
de relancer la mise en uvre du principe pollueur-payeur. Dabord à travers,
une analyse sans concession des errements des procédures en uvre en matière de
pollutions dorigine agricole PMPOA notamment- comme en matière
institutionnelle à travers le fonctionnement des agences de leau et des comités de
bassin.
Des mesures, radicalement nouvelles, ont été prises comme la TGAP ou
la création du FNSE dont je vous ai parlés. Le projet de loi, en cours
délaboration et de concertation, devra être le point dorgue de cette relance
de la politique de leau.
Dores et déjà, la révision du programme de maîtrise des
pollutions dorigine agricole (PMPOA) est en cours. Elle permettra une plus
grande équité et une plus grande efficacité environnementale. Ce programme sera
réorienté au profit dune concentration sur les bassins versants les plus sensibles
ou les plus dégradés. Cette révision illustre le changement dattitude de
lEtat à légard des élevages illégaux ou hors-normes, comme en a témoigné
la circulaire que jai signée avec Louis Le Pensec afin de résorber les excédents
deffluents dans les zones dexcédents structurels.
La deuxième phase du Plan Loire Grandeur Nature a été arrêtée,
dans son principe, lors du CIADT dArles, en juillet 1999. Il sagit de passer
dun plan antérieurement centré sur la réalisation de grands aménagements vers un
programme qui corresponde davantage aux principes du développement durable, comme le
sanctionne labandon du barrage de Chambonchard ou leffacement du barrage de
Maisons-Rouges.
Lamélioration de la prévention des risques dinondation
est une nécessité absolue, comme lont montré, dramatiquement, les inondations
catastrophiques de novembre dernier. Jentends poursuivre, avec détermination, cette
politique à travers une plus grande maîtrise de lurbanisation dans les zones
exposées avec le développement des Plans de prévention des risques (PPR),
lamélioration des conditions de prévention et dalerte des populations et la
poursuite du programme de restauration des cours deau et de protection des lieux
habités contre les crues.
La réforme de la politique de leau, que je vous ai mentionnée,
est le grand chantier qui nous attend. Elle vise quatre objectifs :
démocratiser le secteur en associant davantage le
Parlement ;
assurer la transparence du service public de
leau et de lassainissement ;
appliquer le principe pollueur-payeur, grâce à une
réforme en profondeur des redevances perçues par les agences de leau, en
particulier de la redevance de pollution domestique que jentends transférer de
lusager aux syndicats dassainissement ;
accroître lefficacité de laction publique,
grâce à une meilleure complémentarité des interventions des agences et celles de
lEtat, à travers le Fonds national de solidarité pour leau (FNSE).
Prévention des risques et management environnemental
Jévoquais à linstant les inondations en insistant sur la
prévention. Il faut de façon générale renforcer laction publique dans ce
domaine. Des progrès substantiels ont été faits depuis notre arrivée.
Les risques naturels. Cest ainsi, par exemple, que
jai fait progresser de plus de 80 %, en deux ans, les crédits consacrés à
lélaboration des plans de prévention des risques et que je viens dobtenir
une extension des conditions dutilisation de ce fonds assurantiel quest le
Fonds de prévention des risques naturels, qui viendra désormais doubler les moyens de
lEtat en la matière.
Mais dans ce domaine plus que dans tout autre, les événements de cet
hivers -tempêtes et marée noire- ont montré que laction publique est
dautant plus efficace lorsque le ministère de lenvironnement assure
lensemble des compétences. A contrario, la gestion des conséquences du naufrage
de lErika a montré, de façon parfois cruelle pour les victimes, que le partage
des compétences limitait, quand elle ne neutralisait pas, laction de lEtat.
Jespère que nous saurons en tirer tous les enseignements pour lavenir.
Le renforcement, politique et juridique, du principe de précaution,
ainsi que le projet de création dune agence santé-environnement participent
à cette action en faveur dune meilleure prévention des pollutions et des risques.
Jattache beaucoup dimportance à un bon débat au Parlement et à une adoption
rapide de la proposition de loi qui vient dêtre déposée par les députés Verts.
Les risques industriels. La gestion des risques au
ministère concerne aussi les risques industriels. Nous avons préparé puis
transposé la directive SEVESO 2 du 9 décembre 1996. L'année 2000 sera donc
l'occasion d'un net renforcement de la prévention des accidents industriels majeurs. Un nouvel
arrêté, qui concernera 600 établissements prioritaires, consacrera dans les
jours qui viennent cette étape. Je compte beaucoup sur la participation des associations
dans les Commissions Locales d'Information et les S3PI pour renforcer la prévention.
Le management environnemental (ISO 14001 et réglement
européen EMAS) doit être un moteur du développement des entreprises et d'une meilleure
protection de l'environnement. Dans cet esprit, et après plus d'un an de négociation,
j'ai récemment chargé l'Assemblée des Chambres Françaises de Commerce et d'Industrie
d'une mission d'animation et de promotion du management environnemental : j'ai instamment
demandé à l'ACFCI de vous associer étroitement à l'ensemble de ce programme. Il est
nécessaire que les associations que vous représentez continuent à accompagner le
développement du management environnemental en France.
La lutte contre la pollution de lair
La lutte contre la pollution de lair est par définition un
combat de longue haleine. Quelques victoires non négligeables ont néanmoins été
gagnées. Ladoption de nouvelles décisions communautaires comme auto-oil,
bien que passées inaperçues, marque un tournant : dans les cinq ans qui viennent, la
pollution due à lautomobile devrait sensiblement diminuer.
Cela nexclut pas, bien au contraire, que nous poursuivions
notre effort pour développer les réseaux de mesure de la qualité de lair.
De même, il faut quavec le Conseil national de lair nous poursuivions la
réflexion sur lamélioration des seuils dalerte.
Mais ma conviction est que cette lutte ne sera efficace que lorsque
nous serons parvenus à ouvrir un véritable débat sur la question de la mobilité
urbaine. Le succès de la journée " En ville, sans ma voiture ! ",
qui, pour la troisième année, sera européenne, montre que lattente de nos
concitoyens est grande et quils sont prêts à faire le pas.
Cette expérience essaime dans le monde entier comme le montre
lexpérience récente et très réussie de Bogota en Colombie. Cest un cadre,
un laboratoire grandeur nature quil vous faut investir pour sensibiliser sur des
formes de mobilités plus douces, plus respectueuses de lhomme et de
lenvironnement.
En France, la troisième édition de cette journée sera placée sous
lauspice des Plans de déplacements urbains. Les PDU constituent en effet un
enjeu essentiel dont vous devez vous saisir. Leur élaboration traînait en longueur.
Aussi, ai-je signé, en décembre dernier, avec le ministre de lEquipement, une
circulaire afin de relancer la démarche et de fixer au 30 juin la date butoir pour leur
approbation. Le travail est loin dêtre achevé puisquaujourdhui seulement
26 des 58 PDU obligatoires ont été finalisés, et 2 approuvés
La protection de la nature
Sagissant de la nature et des paysages, je ne vous infligerai pas
dinventaire à la Prévert des nombreuses réserves naturelles qui ont été
créées ou des différentes mesures particulières de protection. Trois grands dossiers
méritent cependant que je mattarde : Natura 2000, la chasse, et, bien sûr, la
gestion du loup et de lours qui a tant fait couler dencre.
Natura 2000
Le réseau Natura 2000 que prévoit la directive Habitats est, sans
aucun doute, léquipement écologique majeur qui structurera pour longtemps le
territoire français. Cest une formidable opportunité puisque ce texte européen
permettra de passer dans le domaine de la protection de la nature, du pointillisme
nécessaire mais insuffisant des réserves, parcs, et autres biotopes, au système
écologique abordé dans sa globalité.
La mise en uvre de ce texte avait été gelé par Alain Juppé
qui avait cédé sans faire preuve de beaucoup de résistance à différents lobbies. Je
lai relancé et les résultats sont là : le réseau proposé comporte
aujourdhui 1 029 sites, représentant près de 27 000 km2 de
territoires terrestres - près de 5 % de lhexagone - et 4700 km2 de
secteurs marins. Quelque 300 documents de gestion sont en cours de réalisation.
Sur le long terme, le dossier Natura 2000 est sur de bons rails,
malgré des épiphénomènes qui viennent en entraver, ici ou là, le développement.
Cette année sera une année de consolidation. Il faut compléter le
réseau par aire biogéographique, comme nous le demande, à juste titre, la commission
européenne, afin daboutir à une configuration garantissant, sur le long terme, la
stabilité de cette ossature écologique et son fonctionnement. En outre, il faudra
veiller à la cohérence spatiale de ce réseau avec les autres zonages de protection
de la nature.
Le projet de loi transcrivant la directive
" Habitat " verra le jour dici la fin de lannée. Le
gouvernement est désormais convaincu quil faut en passer par là. Naturellement,
cela ne nous exonère pas, bien au contraire, dun effort de concertation et
dexplication afin que nous continuions à marier, à des degrés divers,
préservation de la nature et activités humaines.
En dautres termes, il faut passer dune gestion en
" bon père de famille ", individualiste et sûr de lui, à une
approche en " bonne intelligence collective ". Les premiers documents
dobjectifs de site montrent que cest faisable.
Limportance des enjeux justifie leffort humain et
budgétaire consenti. La solidité technique des projets et leur acceptation sociale
garantissent la pérennité de la mobilisation des acteurs et laugmentation des
financements qui, à lavenir, y seront consacrés.
Le développement des espaces naturels
Le développement du réseau des espaces naturels protégés a aussi
été une priorité importante. Il existe désormais 146 réserves naturelles couvrant 525
279 hectares et 30 nouveaux projets de réserve sont en cours de procédure. Les parcs
naturels régionaux sont au nombre de 38 et couvrent 11% du territoire national, alors que
7 nouveaux PNR pourraient voir le jour entre cette année et lannée prochaine.
Des moyens nouveaux ont été, chaque année, accordés aux Parcs
nationaux et, malgré les difficultés subsistantes, jai bon espoir que les projets
de parc national de la forêt tropical de Guyane et de parcs nationaux marins de Corse et
de mer dIroise voient le jour rapidement, ainsi que le parc international marin des
Bouches de Bonifacio.
Enfin, je ne serais pas complète sur ce sujet sans une mention
particulière des efforts réalisés en faveur des 21 conservatoires régionaux
despaces naturels et en faveur du Conservatoire du littoral, pour lequel, cependant,
de nouveaux moyens seront nécessaires pour permettre le financement dopérations de
grande envergure.
Le vote de la loi sur la chasse
Venons-en, si vous le voulez bien, au dossier de la chasse qui nous a
tant accaparé même si, paradoxalement, cette pratique ne concerne que bien peu de gens
comparé aux milliers de botanistes, de randonneurs, et autres ramasseurs de champignons
que vous êtes tour à tour. Mais il fallait en finir avec la situation de non droit que
connaissait depuis trop dannées notre pays dans ce domaine et mettre fin aux
guerres de tranchée qui opposent environnementalistes et chasseurs.
En proposant ce texte de loi au Parlement, jai voulu, tout à la
fois, donner les garanties dune chasse raisonnable et raisonnée aux
non-chasseurs, offrir les moyens dune chasse responsable aux chasseurs et à leurs
associations, et organiser lévolution de lorganisme technique quest
lOffice national de la chasse (ONC) afin quil devienne un établissement
indépendant et pluraliste.
Cest une sorte de pari dont on ne saura sil est gagné que
bien après la seconde lecture à lAssemblée Nationale, une fois que ce texte sera
traduit dans les faits.
Mais je dois vous dire ma satisfaction dêtre parvenue à cette
armistice après tant de heurts. Je nai pas à vous rappeler les insultes que
jai essuyées, comme sans doute jamais aucun ministre de la République, notamment
lors de la manifestation de juillet 1998, ni les menaces qui mont été
personnellement adressées à moi comme à mes proches. Aujourdhui, le calme est
revenu dans les campagnes. Je ne peux que men réjouir.
Le vote en première lecture de ce texte de loi par lassemblée
nationale ne consacre pourtant pas la victoire dun camp sur lautre pas
plus quil ne signifie que la réforme soit achevée. Si je comprends les
insatisfactions de certains, je leur rappellerai que ce texte comporte des avancées
sensibles, en matière de droit de non chasse, de périodes de chasse, de gestion de la
faune, de partage du territoire, de sécurité, ou dindépendance de la
garderie...
Reste, bien sûr, lépineuse question de la chasse de nuit.
Le gouvernement aurait préféré une dépénalisation temporaire et expérimentale. Nous
navons pas, pour linstant, obtenu gain de cause. Valait-il mieux jouer les
Ponce-Pilate en la laissant sans encadrement ou en arriver à cette côte certes mal
taillée mais réaliste ? Je vous le demande. Mais ignorer une situation ne la
fait en aucun cas disparaître.
Par ailleurs, les missions nouvelles ou confirmées de fédérations
de chasseurs sont autant de responsabilités quelles auront à assumer dans un
cadre rénové par la démocratie interne. Le principe un homme/une voix est une
nouveauté dont se saisiront, jespère, celles et ceux qui ont de la chasse une
conception ouverte et moderne. Vous qui, plus souvent quon ne le dit, coopérez avec
ces chasseurs, vous savez bien quils constituent une majorité certaine mais parfois
silencieuse.
Deux remarques pour clore, temporairement, le débat.
Jai certes dit aux députés, et je vous le dis, que mon ambition
est de rétablir le dialogue et non dattiser les conflits. Mais, en disant cela, je
ne vous incite pas à linaction. Vous devez, bien au contraire, assurer une
vigilance ferme mais tranquille, " musclée " même. La ministre que
je suis ne souhaite pas que les associations ne soient que des courroies de
transmission ou des alliés inconditionnels.
Au risque de me répéter, je tiens à vous dire que je vous demande
dêtre, plus que jamais, des acteurs de plein exercice, pesant sur les choix et les
options, pesant sur lopinion. Cest de cela dont ont besoin le gouvernement et
la représentation nationale pour que la loi sur la chasse de lan 2000 corresponde,
en fin de course, aux voeux que nous partageons et pour quelle soit un nouveau
contrat social entre les chasseurs et la société française dans son ensemble.
La question délicate de lours et du loup
Lors de ce débat sur la chasse, un amendement a soulevé votre
indignation, lamendement Bonrepaux sur lours. Comme moi, vous êtes attachés
à la protection de lours et du loup. Quil soit spontané ou favorisé, je
sais que ce retour des grands prédateurs est un signe encourageant de la qualité
recouvrée des éco-systèmes.
Mais cette réapparition ne se fait pas sans heurts ni
incompréhension. Il faut que ces animaux trouvent leur place dans des espaces que
lhomme a pris lhabitude de dominer sans partage.
Je ne veux pas masquer les incidents récents au Parlement et qui ont
pu vous faire douter de la solidité de mes engagements de toujours. Mais, profitant de
votre congrès, je veux solennellement vous confirmer que, dans le cas de
lours comme dans celui du loup, je tiendrai le cap. Ces animaux ont leur
place dans nos milieux et nos engagements internationaux seront tenus.
Mais tenir le cap suppose déviter les récifs ! La mise
à la concertation du projet de plan pour la préservation du pastoralisme et du loup
dans lArc alpin va dans ce sens. Un nouvel équilibre ne sinstaurera ni
dun coup de baguette magique, ni à la hussarde ou à coups danathèmes.
Et je suis sûre que du travail social et du dialogue qui ont
actuellement lieu dans les Alpes, sortiront des propositions qui permettront - pour peu
que chacun accepte le débat - denrichir le projet et de se lapproprier.
Ce nest pas le moindre mérite de la réflexion qui a précédé
les discussions sur le terrain, que davoir, par exemple, fait accepter lidée
que, tant pour sa propre pérennité que pour sadapter à une présence raisonnable
de prédateurs, le pastoralisme de montagne devait lui aussi évoluer.
Cette rencontre des prédateurs et des activités pastorales est
loccasion de tester, in situ, le développement durable en faisant conjuguer les
enjeux économiques de la montagne et la nécessaire protection de la nature.
Pour ce qui est de lours, après une phase dexpérience
dont je présenterai le bilan, il nous faudra trouver les moyens de renforcer la
population pyrénéenne avec pour objectif, même si ce nest pas pour demain,
quon atteigne le nombre critique au delà duquel la survie de cette espèce sera
assurée.
Le succès de lintégration de ces animaux, maillons
déterminants mais manquants de nos éco-systèmes, dépend de la méthode suivie.
Ladaptation comme la réadaptation demandent du temps, de la force de conviction,
de lattention pour les hommes comme pour les animaux. Lannée 2000 sera
loccasion de repenser profondément la manière de faire pour que ce projet soit
celui de tous.
Jai hérité de deux ours espiègles, baladeurs et un peu
goinfres. Ils ont jeté lémoi jusque sur les bancs de lAssemblée. Je ne peux
lignorer, pas plus que les opinions divergentes qui sexpriment dans certaines
vallées. Mais je ne voudrais pas quune dramatisation excessive naggrave la
situation jusqu'à noffrir que des issues extrêmes. Nous avons deux mois pour
réussir, pour trouver une solution.
Concrètement, dès la semaine prochaine, une réunion se tiendra à
Foix avec, hormis les ours, tous les protagonistes de ce dossier. Mon cabinet a la
consigne de nignorer aucune voie qui permettra de trouver une solution acceptée par
tous, élaborée ensemble, mise en uvre localement.
De façon plus générale, le ministère se doit de soutenir les
efforts de tous celles et ceux qui sefforcent de prouver que loups et ours
peuvent retrouver une place dans les milieux montagnards, compatible avec le maintien
dactivités. Limmobilisme, là comme ailleurs, nest pas la bonne
stratégie.
Une attention particulière doit être apportée à la dimension
internationale de ce dossier. Comme pour la mise en uvre la directive Habitats
qui vise à léchelle de lEurope, grâce à ladoption du réseau Natura
2000, une protection cohérente et complémentaire des espaces et des espèces, la
protection du loup et de lours doit se faire en partenariat avec nos voisins
européens.
4 - LES NEGOCIATIONS INTERNATIONALES
Existe-t-il, du reste, un seul domaine pour lequel on puisse faire
aujourdhui léconomie dune telle approche ? Jen doute mais il est
vrai que, parfois, nous avons quelque peine à sensibiliser nos concitoyens sur les
grandes négociations internationales qui les passionnent moins que nos petites
polémiques franco-françaises.
Les pollutions, en atteintes à la biodiversité, la protection des
espèces, ces questions ne connaissent pas les frontières. Et lorsque lon fait le
bilan de notre action à linternational, force est de constater que la prise en
compte des enjeux environnementaux a fait des progrès majeurs.
Le climat
Ainsi, à Kyoto, en novembre 1997, ladoption du protocole sur le
changement climatique a été un moment fondamental, dont il faut entretenir la flamme
pour que les engagements pris soient tenus. Ladoption, le 19 janvier dernier,
dun nouveau programme national de lutte contre leffet de serre par le
Gouvernement, puis, par lassemblée nationale, le 5 avril, du projet de loi portant ratification
du protocole de Kyoto montrent que lenjeu climatique est bel et bien devenu un
enjeu national.
Reste à transformer lessai et à tout faire pour que la Conférence
de la Haye de novembre prochain soit couronnée de succès. Nous devons, lors de cette
" Cop 6 ", préciser le fonctionnement du protocole de Tokyo pour
accélérer sa modification par tous les groupes de pays et donc son entrée en vigueur,
que nous voulons la plus rapide possible, et en tous cas avant 2002, avant Rio + 10.
Le programme français daction contre le risque de
changement climatique présenté en janvier est audacieux puisque, secteur par secteur, il
définit les moyens que les pouvoirs publics vont mettre en uvre pour stabiliser, en
dix ans, nos émissions de gaz à effets de serre au niveau où elles étaient en 1990.
La taxation des différentes sources dénergie en fonction de
leur contenu en carbone, la création dun fonds afin daider les
investissements des PME pour les économies dénergie, lappui aux techniques
agricoles permettant de limiter les émissions de méthane et de protoxyde dazote
sont autant dexemples des mesures qui seront adoptées dans le cadre de ce programme
national et dont lexécution fera lobjet dun rapport annuel et
dune révision globale en 2005.
La biosécurité
De même, ladoption, à Montréal, en décembre, dun
protocole sur la biosécurité fortifie grandement le combat engagé, dès 1997, en faveur
de la stricte application du principe de précaution en matière de culture et de
commercialisation de produits issus dorganismes génétiquement modifiés.
Un moratoire national avait été décidé, dès novembre 1997,
sur lensemble des espèces, à lexception du maïs, non susceptible de
croisement avec dautres espèces. En juin 1998, une conférence de citoyens,
première du genre en France, a été organisée sur ce sujet et a montré la capacité de
nos concitoyens à examiner, en toute connaissance de cause, un sujet aussi technique
soit-il.
Votre mobilisation avait alors été précieuse pour que je puisse
proposer à nos partenaires européens, en juin 1999, au nom de la France, quaucune
nouvelle autorisation ne soit accordée tant que les modalités détiquetage -donc
de traçabilité- ne seront ni complètes, ni fiables. La récente prise de position du
Parlement européen naffaiblira pas ma motivation, loin de là !
A Montréal, nous sommes parvenus à imposer au " groupe de
Miami ", Etats-Unis et Canada en tête, ladoption du " protocole
de Carthagène " sur la biosécurité.
Ce que nous avons obtenu alors, en ce qui concerne lextension du
champ dapplication de ce protocole aux matières premières agricoles, et surtout
une prise en compte particulièrement nette du principe de précaution, ainsi que la non
subordination de ce protocole aux règles de lOMC, constituent autant de véritables
motifs de satisfaction, même si nous devrons, à lavenir, renforcer ce protocole en
termes détiquetage et traçabilité.
La présidence française
Le 1er juillet prochain, nous prendrons, pour six mois, la
présidence du Conseil des ministres de lUnion européenne. Cest une
opportunité à ne pas laisser passer. Le chantier que jévoquais au début de mon
propos dune Organisation Mondiale de lEnvironnement, sans préjuger de
la forme institutionnelle que pourrait prendre une telle structure, sera lun des
principaux de cette présidence.
Il faut en effet quen 2002, et Rio + 10, nous soyons en mesure
daboutir. Et cela pour deux raisons.
La première est pratique : il est devenu matériellement
impossible de suivre aux quatre coins du globe les réunions des Accords
multilatéraux denvironnement (AME) qui se chevauchent quand elles ne se superposent
pas.
La seconde tient à la nature de ces accords : les
nouveaux AME, dont le protocole Biosécurité et le protocole de Kyoto, sont complexes
et leur mise en uvre difficile du fait quils interfèrent avec le champ
économique. Il est donc nécessaire dadopter un corps de règles unifiées au
sein dune même organisation, y compris en matière de règlement des différends.
Cette réflexion sera au cur du Conseil informel du 14
juillet prochain.
Ce projet ne doit pas cependant masquer les autres enjeux de
cette période, notamment la préparation de la Conférence de la Haye, que
jévoquais tout à lheure. Notre présidence devrait nous permettre de faire
adopter définitivement plusieurs textes importants. Il est cependant trop tôt pour en
faire linventaire puisque plusieurs dentre eux devraient être adoptés sous
présidence portugaise (directive 90.220 sur les OGM ; sur lincinération,
les installations de combustion, lozone, les déchets déquipement, le
bruit ou Auto oil 2
)
De Aarhus à Seattle
Je ne vais pas énumérer tous les sujets internationaux qui ont retenu
notre attention depuis trois ans. Mais deux, dinégale nature et de portée
différente, vont durablement modifier notre façon de voir.
Le premier est pratiquement passé inaperçu : il sagit de la Convention
dAarhus signée le 25 juin 1998. Cet accord est pourtant essentiel
puisquil consacre et encadre laccès à linformation, la participation
du public au processus décisionnel et laccès à la justice en matière
denvironnement. Nous aurons loccasion dévoquer la traduction pratique
de cette convention lors de la rencontre que je compte organiser début juillet, avec
vous, notamment sur ce sujet.
Le second a, au contraire, tenu tous les médias en haleine. A Seattle,
en décembre 1999, lors de la Conférence ministérielle de lOMC, nous avons
mis en échec tous ceux qui pensent que le monde nest quune marchandise, que
le respect des Accords Multilatéraux sur lEnvironnement par lOMC nest
pas un vrai sujet, que les principes fondamentaux qui sont les nôtres comme le principe
pollueur-payeur, le principe de précaution ou celui daction préventive nont
pas dimportance.
Ce qui est encore peut-être plus important, cest que ce sommet
sur lOMC a vu lirruption inopinée de la société civile sur la scène
des négociations où on avait omis de linviter. Ces deux événements
internationaux, a priori si différents, participent ainsi de la même préoccupation :
limpérieuse nécessité dadopter une nouvelle gouvernance. Cest
lobjet de la dernière partie de mon intervention.
5 - LA NOUVELLE GOUVERNANCE
Lopinion publique est plus réactive que jamais et je ne peux que
men féliciter. " Une double démocratisation se dessine ", a
déclaré le Premier ministre dans son allocution au symposium du Nikkei, à Tokyo, en
décembre dernier. Evoquant léchec de la conférence ministérielle de lOMC
à Seattle, Lionel JOSPIN se félicitait de lémergence dune conscience
nouvelle des pays en voie de développement ainsi que dorganisations non
gouvernementales émanant de la société civile.
Il faut saisir cette opportunité pour jeter les bases dune
nouvelle gouvernance qui fera que notre mode de développement sera non seulement durable
mais aussi désirable.
Du côté de lEtat
On voit assez bien les étapes nécessaires à la mise en place
dune telle gouvernance.
Mettre en uvre les dispositifs contractuels et
réglementaires. Cela peut sembler évident mais il serait vain de vouloir créer de
nouveaux outils si nous nutilisons pas ceux qui existent. Dans le domaine de
laménagement du territoire comme dans celui de lenvironnement, nous avons
tout ce quil nous faut pour réorienter les politiques publiques vers plus de
durabilité.
Anticiper sur les dynamiques de marché par la fiscalité,
linnovation et la création de nouveaux services : la mise en uvre de la TGAP
qui sera étendue cette année à lénergie est un atout de tout premier ordre. Cet
instrument vient utilement renforcer le principe pollueur-payeur jusqualors limité
au financement des réparations sans effet dissuasif ou incitatif. Mais les taxations des
comportements polluants na de sens que si, dans le même temps, des solutions
alternatives sont proposées.
Sappuyer enfin sur la vigilance de lopinion pour
développer linformation, étendre la labellisation, créer des observatoires et des
systèmes dévaluations. Des Observatoires régionaux du développement durable
pourraient ainsi être créés. Ils couvriraient les trois problématiques (environnement,
social, économie et emploi), et travailleraient en réseau aussi bien au plan national
quà léchelon international.
De nouveaux contrats
Cette stratégie de lEtat doit saccompagner doutils
propres à associer les citoyens, qui sont autant dusagers ou de consommateurs, à
la prise de décision. Pour ce faire, il faut développer de nouveaux contrats et des
lieux de débats pour répondre à cette exigence de participation qui sest
manifestée à Seattle. Là encore, je ne dresserai pas linventaire de tout ce qui
existe ou mériterait dêtre créé. Quelques exemples suffiront à illustrer mon
propos.
Pour formaliser et mettre en uvre ces
" pacs " du développement durable, ou ce nouveau contrat social, que
doivent signer entre eux les acteurs locaux, un outil existe même sil est encore
peu développé : les agendas 21 locaux.
Ils ont aujourdhui force de loi. Selon larticle 25 de la
LOADDT, les chartes de pays seront " le projet commun de développement durable
du territoire selon les recommandations inscrites dans les agendas 21 locaux (
) qui
sont la traduction locale des engagement internationaux finalisés lors du sommet de
Rio ". Même chose pour les agglomérations. Le référent existe. Reste à le
mettre en uvre.
Aujourdhui, plus de cinquante agglomérations et deux cents
pays préparent des projets dagglomérations et des chartes de pays qui se
traduiront, dici 2003, par des contrats particuliers signés avec lEtat.
Afin de préparer cette démarche, mon ministère avait lancé, dès
juillet 1997, avec la Délégation interministérielle à la ville (DIV), un appel à
projets sur les outils et les démarches nécessaires pour la réalisation de ces
agendas 21 locaux. Dix-sept projets avaient alors été sélectionnés et 51 communes
sétaient associées afin de constituer un réseau dexpérimentations et de
réflexions communes.
Un deuxième appel à projets a été lancé. Les dossiers viennent
de nous être remis. Les lauréats seront sélectionnés avant la fin du mois
davril. Le ministère apportera une subvention dinvestissement ou de
fonctionnement aux projets retenus.
Des lieux de débat
Lélaboration de ces nouveaux contrats passe par une large
consultation. Les lieux de débats existent - faut-il encore les investir ! - ou sont à
mettre en place. Dans des domaines assez différents, en voici trois qui sont
particulièrement pertinents au regard du sujet qui nous préoccupe.
Les organes consultatifs. Dans le domaine de
laménagement du territoire, la LOADDT a défini, à chaque niveau, des instances de
concertation en matière daménagement et de développement des territoires :
Le Comité national daménagement et de développement du
territoire (CNADT) fait lévaluation critique des politiques territoriales ; les
conférences régionales (CRADT) sont, au niveau local, les lieux de rencontre entre
les élus et les acteurs socio-économiques sur les politiques daménagement du
territoire. Dans ces deux instances, des places ont été réservées aux associations et
leurs réunions donnent droit à des congés pour représentation.
Quant aux conseils de développement des pays, ils permettent aux
différents acteurs, notamment aux associations, de participer localement à
lélaboration des projets de chartes et à lexamen de leur mise en uvre.
Pour chacune de ces trois instances, le même principe prévaut :
assurer la transparence dans lélaboration de la décision publique et une plus
grande efficacité par la prise en compte des besoins exprimés.
La Commission française du développement durable (CFDD). Après
quelques mois de sommeil, la CFDD a été relancée avec la nomination à sa tête de Jacques
Testart. Sous sa présidence, la commission connaît un second souffle. Elle se
réunit régulièrement dans lidée non pas de se substituer aux scientifiques ou
aux services de lEtat mais plutôt dêtre une sorte de comité des sages, à
linterface entre les experts et la société civile.
Le mois dernier, la CFDD a ainsi remis un premier avis sur le principe
de précaution qui a montré quelle était bien en mesure de semparer des
rapports dexperts pour produire une analyse critique citoyenne.
Dans quelques jours, larrêté nommant ses nouveaux membres sera
publié. A la demande de son président, la CFDD aura désormais vingt membres
représentatifs de la société française -élus, économistes, enseignants,
syndicalistes
- et autant dhommes que de femmes, il fallait le souligner. Ainsi
reconstituée, la CFDD sera linterlocuteur de référence en matière de
développement durable.
La Commission nationale du débat public. Dans le domaine de
laménagement du territoire, une autre instance, que vous connaissez bien, est
essentielle pour le développement durable : la Commission nationale du débat public
(CNDP). Créée par la loi de février 1995, jai installé cette commission en
septembre 1997 et jen ai confié la présidence à Hubert BLANC.
Les premiers débats menés sous légide de la CNDP se sont
traduits par une participation très active des citoyens concernés que ce soit dans les
villages qui bordent les gorges du Verdon sur le projet de ligne électrique à
très haute tension, les riverains concernées pas le projet dautoroute A 32
entre Metz et Nancy ou, au Havre, par laménagement de Port 2000. Si, à
chaque fois, il a fallu du temps et de largent, les mentalités et les cultures en
ont été durablement transformées.
Cette concertation élargie permet de confronter réellement les
différentes exigences du développement durable : la protection des sites naturels et
lemploi, léquité sociale et le développement économique.
Cet outil doit être réformé afin que son champ dintervention
et ses conditions de saisine permettent de lutiliser pour tous les grands projets et
non pas, comme aujourdhui, de façon restrictive qui font, par exemple, que Jean-Claude
GAYSSOT a pu sopposer au débat que vous aviez demandé sur lA 51, ou que,
pour lA 32, il nait porté que sur le projet autoroutier en tant que tel et
non sur la problématique des déplacements dans la région prise dans son ensemble.
Cette nécessaire réforme est une des conclusions du rapport du
Conseil dEtat que Nicole QUESTIAUX vient de me remettre sur la refonte plus
générale de lenquête dutilisé publique et sur lequel nous allons nous
baser pour préparer un projet de loi.
Conclusion
Chers amis, comme vous le voyez, les outils comme les lieux de
consultation et de concertation existent et de nombreux chantiers ont été ouverts. Tous
nont pas encore été menés au bout. La fragilité des décisions prises est
réelle. La consolidation des orientations en faveur de davantage de développement
durable requiert, plus que jamais, votre vigilance.
Notre action doit non seulement sexercer dans les champs
traditionnels de la protection de lenvironnement mais pas seulement. Il nous faut
veiller à la pertinence et à léquité des décisions prises où que ce soit : la
vente des centrales nucléaires, à la Turquie par exemple, comme les conditions de
stockage du bois après les tempêtes ; les projets autoroutiers comme la réouverture du
tunnel du Mt Blanc ; la mise en route des Contrats territoriaux dexploitation comme
le problème du Gaucho
Plus loin encore, en apparence au moins, de nos thèmes de
prédilection, les questions de lemploi, des minimas sociaux, celle des services
publics ou de léquilibre des différents objectifs des financements communautaires,
ne doivent pas nous laisser indifférents.
Si le développement durable est une politique qui embrasse et
réconcilie léconomie, le social et lenvironnement, cest aussi, et
surtout, une opportunité que nous ne devons pas laisser passer. Cest une nouvelle
conception de la démocratie qui est en jeu.
Je vous remercie
Dominique VOYNET