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FRANCE : communiqué de presse du Ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement
Date : 15 avril 2000

Logo Ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Cliquez sur le logo pour rejoindre le site.Bilan de l’action du ministère de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement de juin 1997 à avril 2000

 

Ci-dessous le discours prononcé par madame la ministre le 15 avril 2000 devant l'assemblée générale de l'association France-Nature-Environnement, présentant le bilan de l’action du ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement de juin 1997 à avril 2000

Mesdames, Messieurs,Cher(e)s ami(e)s,

 Je suis particulièrement contente d’être avec vous aujourd’hui. Nous étions ensemble à votre congrès d’Orléans, en septembre 1997, alors que je venais de prendre mes fonctions. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts…

L’abandon du canal Rhin-Rhône, pour lequel le calcul économique le plus élémentaire est venu au secours du choix politique ; l’arrêt de Superphénix, dont la difficulté à le rendre effectif illustre, en revanche, le poids des habitudes prises ou, plus encore, le poids de croyances de nature divine dans un domaine où, paradoxalement, la stratégie française s’avère de plus en plus isolée ; le renoncement à la centrale nucléaire du Carnet comme à l’immersion des déchets radioactifs avaient alors marqué l’arrivée historique des écologistes au Gouvernement.

A Orléans, je vous avais fait part de mes projets. Il était donc normal que je vous réserve, à l’occasion de ce nouveau congrès, la présentation de mon bilan après trois ans d’activités ministérielles.

Certes, chaque année, je dois me plier à un exercice similaire et défendre devant les parlementaires l’action de mon ministère à l’occasion du vote du budget. Cette audition devant la représentation nationale est nécessaire, mais elle n’est pas suffisante. Seule la rencontre avec les associations permet d’affiner l’analyse et d’entendre d’autres sons de cloche.

Votre rôle, au plus près du terrain, n’est plus à démontrer. La vigilance que vous exercez, les exigences et l’entêtement avec lesquels vous menez certains dossiers sont autant d’atouts dans la conduite de mon action publique. Bien davantage que tout autre, le poids de mon ministère dépend, en effet, de la militance des acteurs de terrain.

De cet appui sans faille, je tenais à vous remercier tout en insistant pour que vous soyez très présents dans les grands échéances qui nous attendent. Je pense notamment, mais pas seulement, au débat parlementaire sur la chasse.

Car de mon expérience, j’ai tiré trois enseignements quant à la méthode :

• il est illusoire d’espérer gagner des avancées substantielles, que ce soit sur les OGM, la chasse, ou le nucléaire, lorsque l’on est pas soutenu par l’opinion publique ou, pour le moins, par les leaders d’opinion, et que l’on pas su instaurer un rapport de force suffisant ;

• cette confrontation est nécessaire mais pas suffisante : elle nous a permis de gagner d’entrée de jeu l’arrêt de Superphénix mais pas l’arrêt du Mox. A ce stade, seule l’argumentation permet d’expliquer, d’expertiser et de comparer publiquement les différentes hypothèses si l’on veut convaincre ;

• enfin, les arbitrages interministériels, la déconcentration des compétences de l’Etat qui donne de réels pouvoirs d’arbitrage aux préfets, notamment sur les sujets qui nous intéressent, la décentralisation et le pouvoir accru des élus font que les choix arrêtés avenue de Ségur n’ont pas toujours la traduction immédiate que l’on voudrait bien croire.

Ce constat me conforte dans l’idée que votre place n’est pas celle que vous devriez occuper, vous les associations qui êtes à l’interface entre les " décideurs " et le terrain.

 

1 - UN MINISTERE DE PLEIN EXERCICE

Vers le développement durable

Lors de la formation du Gouvernement, en juin 1997, la décision de marier, pour la première fois, aménagement du territoire et protection de l’environnement au sein d’un même ministère a répondu, sur le plan politique, à un choix stratégique majeur. Celui de débarrasser l’aménagement du territoire de ses oripeaux productivistes issus des années 60 et, simultanément, de faire sortir l’environnement de ses bastides assiégées.

Nous avons relevé le défi et nous sommes parvenus à réunir l’aménagement du territoire et l’environnement même si, a priori, tout semblait devoir opposer, pour toujours, aménageurs et protecteurs, promoteurs des territoires et gestionnaires des ressources. Depuis trois ans, les services de l’Environnement travaillent au quotidien avec la Datar et plus personne n’imagine qu’il puisse en être autrement.

Associer ainsi, dans les politiques publiques, aménagement du territoire et environnement, c’était faire un premier pas vers le développement durable. Notre mission est aujourd’hui de satisfaire les ambitions naturelles des hommes et des femmes à vivre sur des territoires alliant bien-être économique et social et protection de l’environnement, tant dans une perspective de l’instant que dans celle des générations futures, tant dans une exigence de confort local que dans celle d’un progrès global.

Ce choix stratégique a motivé chacun des travaux du ministère. Pour que cette union soit féconde, plusieurs années seront encore nécessaires, voire plusieurs décennies d’ardeur assidue : d’une part, parce que ce choix est un choix de long terme en raison de la forte et inévitable inertie dans la mise en œuvre des décisions prises ; d’autre part, parce ce que choix a heurté les habitudes de beaucoup.

Des habitudes individuelles d’abord : nous sommes, chacun d’entre nous, porteurs du syndrome NIMBY et d’une certaine dose de schizophrénie lorsque nous sommes confrontés à des choix personnels où notre intérêt local ou de court terme semble contredire notre vision globale ou de long terme.

Des habitudes collectives ensuite, qui font qu’au delà du clivage bipolaire droite-gauche, nos modèles de pensée et nos références sont encore trop souvent inspirés par le modèle post-keynésien issu de l’après-guerre et dont le contre-modèle libéral des décennies 80-90 a suscité, à juste titre, des réflexes de rejets.

Des habitudes collectives internes à la gauche aussi, qui font que certains ont une fâcheuse tendance à réduire l’environnement à la portion congrue des politiques publiques – que l’on sort les dimanches de Congrès - et, en sens inverse, à privilégier non pas la préservation ou la création d’emplois durables mais la rémanence du chantage à l’emploi au nom des recettes traditionnelles des politiques publiques et des atermoiements ou des coups de gueule de divers groupes de pression.

Le développement durable conduit à un véritable aggiornamento des politiques publiques. C’est avec cette préoccupation majeure que nous avons abordé, jour après jour, l’ensemble des sujets qu’il s’agisse des politiques territoriales, de mesures plus spécifiques dans le domaine de l’environnement ou des grandes négociations internationales. Autant de dossiers sur lesquels je reviendrai plus en détails.

C’est donc avec une intense satisfaction que j’ai écouté le Premier ministre que j’avais invité, le 3 avril dernier, à la Sorbonne, au colloque que nous organisions sur le thème de l’aménagement durable du territoire. Lionel JOSPIN a en effet confirmé les options que nous avions prises. " Le développement durable n’est pas seulement une innovation conceptuelle ou la source de normes juridiques nouvelles, il fonde une pratique ", a-t-il déclaré avant d’annoncer trois mesures majeures qui reprenaient nos propositions :

 

ƒ la désignation imminente d’un ambassadeur pour l’environnement afin de renforcer la présence de la France dans les grandes négociations internationales ;

 

ƒ le lancement d’une Fondation sur le développement durable qui verra la mise en réseaux des experts français et européens et permettra d’assurer le dialogue avec vous, les associations, mais aussi avec les entreprises et les scientifiques ;

 

ƒ et, last but not least, l’ouverture d’une réflexion sur une Organisation mondiale de l’environnement qui permettra, parallèlement au renforcement des institutions de l’Organisation des Nations Unies (ONU), de " mieux traiter les questions d’intérêt général que sont la santé, l’éducation, et l’environnement ".

 

Vers un grand ministère régalien

Si la course sera longue et difficile, l’étape qui vient d’être franchie est donc essentielle et semble irréversible : le ministère de la nature de Monsieur Poujade s’est métamorphosée en " maison " du développement durable ; l’administration de mission de l’avenue de Ségur, poil à gratter des politiques publiques, en grand ministère régalien doté de moyens conséquents.

 

ƒ le budget. Qu’on en juge. En trois ans, le budget du ministère de l’environnement a augmenté, à périmètre constant, d’environ 30 % ; à périmètre modifié, cette progression est de 140 %  ! Certes, ce budget est encore modeste mais, de tout le Gouvernement, c’est le seul qui est ainsi en hausse constante.

La modernisation de nos outils économiques et financiers nous donne désormais les moyens d’agir avec plus de célérité et d’efficacité.

Trois directions du ministère disposent aujourd’hui de leviers majeurs : la Direction de l’eau avec le Fonds national de solidarité sur l’eau (FNSE), la Direction de la prévention, de la pollution et des risques (DPPR) à travers la budgétisation des moyens de l’ADEME, la Direction de la nature et des paysages (DNP) avec le Fonds de gestion des milieux naturels (FGMN) doté de plus de 240 millions de francs. Enfin, une nouvelle direction a été créée afin d’assurer, plus particulièrement, les études économiques et l’évaluation environnementale des projets (D4E).

Et puisque nous en sommes à parler gros sous, il me faut aussi mentionner l’augmentation, en trois ans, de plus de 80 % des moyens budgétaires consacrés au soutien aux associations.

Ce renforcement des moyens s’est accompagné de l’installation, dès 1998, de la Commission des comptes et de l’économie de l’environnement. Et, dans quelques jours, de nouveaux moyens de financement quasi-bancaires pourront être dédiés à l’environnement grâce à l’utilisation des fonds d’épargne de la Caisse des Dépôts avec laquelle un accord de principe est en cours.

 

ƒ les effectifs. Simultanément, un effort important, mais encore trop limité par rapport aux besoins, a été conduit en termes d’effectifs. Les ressources humaines du ministère ont augmenté de plus de 15% en trois ans. Plus d’un millier d’emplois ont été créés dans l’ensemble des administrations de l’environnement, au ministère, bien sûr, mais aussi à l’ADEME, dans les agences de l’eau et les parcs nationaux, à l’Institut français de l’environnement (IFEN), à l’Institut national de l’environnement et des risques industriels (INERIS), ou encore au Conservatoire du littoral et des rivages lacustres...

 

ƒ les emplois-jeunes. Evoquant la question de l’emploi, il me faut dire un mot de notre participation au programme " nouveaux services, nouveaux emplois " initié par Martine Aubry.

Grâce au dynamisme des collectivités locales et, surtout, des associations, notre ministère contribue largement au succès de ce programme : il arrive en deuxième place en nombre d’emplois créés, avec un cumul d’embauches évalué, au 29 février dernier, à 18 159, soit 13,7% des effectifs, hors Education nationale et Intérieur qui sont, en quelque sorte, hors course.

 Mais il ne faut pas s’endormir sur ce succès quantitatif. Je vous demande d’être, avec nous, particulièrement vigilants pour que ces jeunes bénéficient réellement d’une formation performante et, qu’à terme, ils puissent " solvabiliser " leur emploi. Les rencontres organisées l’année dernière, en Arles, avec plus de mille jeunes, ont été, à cet égard, un des moments forts de l’action menée dans ce domaine.

 

La fiscalité écologique

En me retournant sur le bilan des trois années écoulées, je crois que, sur le fond, une des réussites majeures de mon action est la mise en place d’une véritable fiscalité écologique, au service du principe pollueur-payeur.

Jusqu’en 1997, la fiscalité écologique, du moins la question d’une fiscalité incitative pour la protection de l’environnement et la lutte contre les pollutions, était cantonnée à un débat académique, sans conséquence pratique particulière. Certes, il y avait une fiscalité de l’environnement, mais c’était une fiscalité de financement, destinée simplement -mais ce n’est pas inutile, loin de là- à dégager des ressources en faveur de telle ou telle politique de l’environnement.

En revanche, cette fiscalité n’avait pas de fonction incitative par elle-même et ne permettait ni d’encourager les comportements vertueux, ni de décourager les comportements polluants.

C’est pourquoi nous avons décidé de nous mobiliser pour l’adoption d’une véritable écotaxe ou, plutôt, j’aime mieux ce terme, d’une pollutaxe. Il a fallu discuter, dialoguer, convaincre, faire preuve de pédagogie, de patience ou de coups de gueule et ce dans de nombreuses directions :

 

• en direction du ministère des finances, pour lequel la fiscalité écologique n’était qu’un objet fiscal non identifié, doté certes d’un exotisme délicieux mais sans conséquence ;

 

• en direction des milieux académiques, pour lesquels tout ce qui s’écarte du " purisme " est inutile ;

 

• en direction des milieux industriels ou agricoles, aux pouvoirs de lobby ô combien puissants mais comment convaincre un émetteur d’activité polluante qu’il doit accepter d’être taxé ?

 

• en direction des milieux de l’environnement aussi, sans doute satisfaits des traditionnelles taxes de financement. Je dois dire qu’à cet égard, j’ai pris mes précautions : jamais, avant 1997, les financements destinés à la protection de l’environnement, n’avaient autant augmenté.

 

ƒ L’an 1 de la fiscalité écologique. Nous avons réussi. Depuis 1999, - grâce au soutien du Conseil d’analyse économique placé auprès du Premier ministre !-, la TGAP existe. La première année, la TGAP a consisté à regrouper les taxes affectées à l’ADEME, mais pas seulement : en relevant de manière importante, avec la TGAP, la taxe sur la mise en décharge, tout en décidant la réduction de TVA sur la collecte sélective, nous avons clairement indiqué la direction.

 

ƒ L’an 2. En 2000, la TGAP a été élargie à de nouveaux domaines, en particulier les pollutions de l’eau et les pollutions d’origine agricole. Certes, je regrette qu’aux côtés de l’inclusion des phytosanitaires, les décisions relatives à la taxation des granulats et, surtout, des phosphates, n’aient pas été les meilleures, loin de là. Mais le pli a été pris. La pollutaxe vit, désormais, dans notre pays.

 

ƒ L’an 3. Et puis, nous sommes désormais au cœur de la vraie bataille, celle qui consiste à faire passer la TGAP du stade de petite pollutaxe à celui de grande pollutaxe. Nous travaillons en effet à l’élargissement de la TGAP aux consommations intermédiaires d’énergie, c’est-à-dire à la taxation du carbone et de l’usage immodéré de l’énergie.

Le combat est difficile, je ne vous en dirai pas plus sur les pressions grandissantes des groupes industriels concernés qui, eux, ont bien compris l’enjeu. Nous espérons boucler le sujet dans les semaines à venir, pour une inclusion dans le projet de loi de finances pour 2001.

Je dois dire que ma fierté, aujourd’hui, est d’autant plus forte que la France, la plus rétive des pays européens sur cette question jusqu’en 1997, avance aujourd’hui du même pas que la plupart des autres grands pays de l’Union.

C’est en effet à peu près de manière concomitante, après avoir constaté que les règles de l’unanimité bloquaient le consensus communautaire, que la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie ont annoncé leur projet de création unilatérale de leur propre pollutaxe, rejoignant ainsi les Pays-Bas ou le Danemark.

Ainsi, vous le constatez avec moi : les moyens financiers et humains en progression comme l’instauration de la fiscalité écologique ont permis, en trois ans, que le ministère atteigne un véritable seuil de crédibilité politique et administrative, auprès de ses interlocuteurs, notamment institutionnels.

Mais il serait faux de croire que ce saut n’est que quantitatif. C’est l’essence même de notre action qui a changé : petite administration de l’interdit et du règlement, l’avenue de Ségur est devenue en quelques années un ministère à part entière qui développe d’audacieux projets, commande et organise.

Le ministère de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement est aujourd’hui respecté. On dit même qu’il est craint. Ses idées se diffusent auprès d’acteurs réputés jusque là pour être les plus rétifs. N’est ce pas là, finalement, la tonalité la plus positive de ce bilan, dans un système où le succès se mesure au niveau du rapport de forces institué ?

 

2 - L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

La LOADDT

Je voudrais maintenant, si vous me le permettez, revenir sur chacune des grandes politiques de mon ministère. Dans le domaine de l’aménagement du territoire, un premier chantier, majeur, a été ouvert rapidement, pour être bouclé, quasiment jour pour jour, deux ans plus tard : celui de la Loi pour l’aménagement et le développement durable du territoire (LOADDT).

Lorsque nous nous sommes attelés à ce chantier, d’aucuns pensaient qu’il était vain d’imaginer refondre la loi Pasqua de 1995 alors même que je n’avais pas les mêmes prérogatives que mon illustre prédécesseur, n’étant toujours pas ministre de l’Intérieur. Faut-il le déplorer ? Nous avons pourtant réussi à écrire et faire adopter un nouveau texte dont il ne manque que la parution, aujourd’hui imminente, des décrets d’application.

 

L’adjonction du qualificatif de durable dans l’intitulé de cette loi n’est pas une clause de style. Avec ce texte, le Gouvernement a rompu avec une planification centralisée aussi coûteuse qu’inefficace. Les pouvoirs publics s’appuieront dorénavant sur une échelle territoriale nouvelle et pertinente du point de vue du développement durable : les agglomérations et les pays.

Il s’agit d’une loi fondatrice sur le plan politique : celle du signal de la recomposition des territoires, non sur une logique autoritaire où la sanction est le bâton et le guichet la carotte, mais sur une logique de destin commun librement consenti où le projet remplace l’oukase.

 

La LOADDT instaure neuf schémas de services collectifs qui permettent de sortir du champ traditionnel de la planification nationale. Une approche nouvelle, fondée sur la demande de nos concitoyens, prévaut avec la prise en compte de nouveaux domaines comme l’énergie et les espaces naturels et ruraux mais une approche aussi régionale avec les schémas régionaux d’aménagement et de développement du territoire (SRADT).

Ces schémas partent d’un diagnostic des enjeux et des vulnérabilités de chaque territoire, élaboré collectivement, et s’astreignent à répondre aux besoins dans le cadre réaliste des contraintes économiques, sociales et environnementales.

Je sais que certains, dans les ministères, traînent des pieds mais je me battrai pour que ces schémas soient présentés dans le cadre d’un Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT), dès le moi de mai, une fois prises en compte les dernières contributions régionales.

Trois des neuf schémas méritent une attention particulière s’agissant du développement durable.

 

ƒ Les schémas des services collectifs des transports devront marquer une rupture avec les logiques du passé. Contrairement aux anciens schémas directeurs d’infrastructures qui étaient conçus dans une logique de l’offre, ces schémas seront établis, quoi qu’il en déplaise à certains, en fonction des attentes des usagers avec un souci de meilleure utilisation des réseaux existants, de maîtrise des nuisances et de limitation des émissions de gaz à effet de serre.

En cohérence avec les projets discutés dans le cadre des contrats de plan, le Gouvernement a assigné à ces schémas deux priorités : le développement du fret ferroviaire et les transports collectifs en agglomérations. Sans attendre l’aboutissement de ces schémas, le débat parlementaire sur la loi " Solidarité et rénovation urbaine " a d’ailleurs donné l’occasion à Jean-Claude GAYSSOT d’annoncer une augmentation de 1 md de francs par an en faveur des transports publics urbains.

 

ƒ Les schémas des services collectifs des espaces naturels et ruraux sont très novateurs. Ils permettent en effet la prise en compte simultanée des enjeux environnementaux (biodiversité, qualité de l’eau et des sols, risques naturels,...) agricoles et urbains.

Objectif de ces schémas ? Passer d’une culture de protection, voire de handicap, par rapport à l’environnement à une culture de valorisation avec la prise en compte des ressources naturelles comme autant de services attendus et recherchés par la population, qu’elle soit urbaine ou rurale.

L’espace de qualité, les terroirs de renom sont en effet non seulement des signes de qualité de la vie pour nos concitoyens mais ils font aussi l’image internationale de notre pays. C’est même sans doute un de ses principaux atouts dans la compétition mondiale.

 

ƒ Les schémas des services collectifs de l’énergie permettront de concrétiser sur le territoire deux priorités de la politique énergétique française : la maîtrise de la consommation et le développement des énergies renouvelables. Dans ces deux domaines particuliers, le rôle des collectivités locales est primordial car c’est à l’échelle des territoires que peuvent être le mieux mis en œuvre des programmes d’actions adaptés aux potentiels locaux. Outre leur intérêt en termes d’économie de la ressource, ces programmes sont appréciables pour les activités nouvelles, et donc les emplois, qu’ils suscitent.

 

Les contrats de plan Etat/région

Lors du CIADT de décembre 1997, le Premier ministre a fixé le cadre de la préparation des nouveaux contrats de plan Etats/Région. Pour la première fois, là encore, le développement durable était retenu comme objectif principal des politiques territoriales au même titre que l’emploi ou la solidarité.

Pour traduire cette orientation du Gouvernement, j’ai précisé aux Préfets, dans une circulaire de mai 1998, la méthode de cet exercice inédit. Une démarche en trois temps avec, en premier lieu, l’estimation complète de l’intérêt et de l’impact de chaque projet, de chaque programme ; puis le renforcement des performances environnementales ; enfin, la mise en place d’indicateurs de suivi et d’évaluation.

Jointe à cette circulaire, une grille d’analyse précise était élaborée avec, pour chaque domaine, des données actualisées sur plusieurs années. Les représentants de l’Etat en région peuvent désormais confronter, par exemple, le niveau des droits de mutation dans une région avec les distances parcourues quotidiennement, ou comparer, dans le temps et entre les régions, la qualité des eaux ou les émissions de carbone.

Ces grilles sont de premiers outils qu’il faudra sans doute améliorer. Mais il vous faut d’ores et déjà vous en saisir et demander à vos interlocuteurs comment ils comptent s’en servir non pas seulement pour cette génération de CPER qui sont en voie d’être signés, quand ce n’est pas déjà fait, mais, à l’avenir, pour toutes les politiques territoriales.

Les contrats de plan qui ont été adoptés montrent que les avancées sont loin d’être négligeables. Le développement durable se traduit dans ces documents par l’intégration d’objectifs environnementaux sur le long terme dans les politiques sectorielles et par la constitution de dispositifs permettant de combiner performance économique, justice sociale et qualité environnementale. S’il serait vain de vouloir faire l’inventaire de l’ensemble des CPER, quelques exemples illustreront mon propos.

 

ƒ Premier exemple : l’agriculture. Dans ce domaine, des aides ont été décidées afin de favoriser l’installation d’agriculteurs tout en favorisant la recherche et le développement de produits de qualité non seulement sanitaire mais aussi environnementale. L’agriculture biologique, la contribution de l’agriculture à l’entretien des paysages et des milieux et la maîtrise des pollutions agricoles font désormais l’objet d’une attention spécifique.

 

ƒ Second exemple : les transports. On l’a vu : s’il est un domaine qui est la caricature même du développement non durable, c’est bien celui des transports. Aujourd’hui, une réorientation des moyens permet de favoriser le transport ferroviaire qui bénéficie de quelque 8 mds de francs contre 800 millions dans la précédente génération de contrats de plan alors que les crédits routiers voient leur part diminuer entre les deux contrats de plan de 33 à 23%.

 

ƒ Troisième exemple : la protection de l’environnement. Dans ce domaine, les crédits passent de 1,3 à 3,1 mds de francs auxquels il convient d’ajouter l’effort financier de l’ADEME (3,3 mds F) : la gestion de l’eau et des milieux aquatiques, la maîtrise de l’énergie et le développement des énergies renouvelables, les déchets et le management environnemental sont autant de dossiers prioritaires pour cette nouvelle génération de contrats de plan.

L’effort est certes modeste puisqu’il ne représente que 3 % du total des budgets contractualisés. Il est néanmoins réel puisque la part consacrée à l’environnement a ainsi doublé par rapport à la précédente génération de contrats de plan.

Mais quels que soient ces engagements, ils ne sauraient être durables sans dispositifs de suivi. C’est pourquoi des procédures d’information et d’évaluation ont été adoptées avec la mise en place d’un système d’information sur l’environnement (eau, énergie, air, déchets et patrimoine naturel), des études et des inventaires sur la biodiversité et les paysages, et des programmes de sensibilisation et d’éducation.

Ces progrès doivent être consolidés et poursuivis. La négociation a en effet montré une sensibilité nouvelle de l’administration, des élus et des socioprofessionnels au développement durable.

Il faut rester vigilant. Car, malheureusement, ce n’est encore que trop souvent une approche complémentaire qui se superpose aux approches productivistes ou équipementières classiques : importance des programmes routiers au nom du " désenclavement  " comme le montre la polémique jamais éteinte de l’A 51, attachement aux projets connus d’hydraulique agricole, comme le barrage de la Trézence ou aux programmes classiques d’aide aux filières agricoles sans cohérence avec la réorientation voulue par la loi d’orientation agricole (LOA).

 

3 - LA PROTECTION DE L’ ENVIRONNEMENT

Présenter ainsi, appartement par appartement, mon ministère revient à contredire l’esprit même de notre action qui vise à l’intégration dans toutes les politiques publiques de ce zeste nouveau et radical qu’est le développement durable.

Mais je vous ai promis un examen précis de notre action au Gouvernement. Je dois donc me plier à ce délicat exercice et vous faire un inventaire détaillé de notre action.

 

La réorientation de la politique des déchets

Dans le domaine traditionnel de la protection de l’environnement, les grands textes législatifs ont été élaborés par mes prédécesseurs. Restait à leur donner vie, voire à les réorienter comme ce fut le cas de la politique des déchets.

Il nous fallait en effet relever le défi suivant : comment respecter, en 2002, les objectifs fixés par la loi de 1992, et donc cesser la mise en décharge des déchets bruts, tout en évitant de passer au tout incinération avec les conséquences non seulement environnementales mais aussi financières que cela signifiait ?

Après un examen précis de la situation, j’ai pris, le 28 avril 1998, une circulaire, pragmatique dans son contenu, mais radicale dans ses objectifs, fixant à 50 % le taux de valorisation des déchets ménagers. Un programme de travail a été précisé lors d’une communication que j’ai faite en Conseil des ministres, le 26 août 1998.

Ce programme s’articulait autour de deux axes : la réduction des impacts sur l’environnement de la gestion des déchets et la maîtrise des coûts. Pour ce faire, des priorités de l’Etat ont été définies : la prévention et la réduction à la source ; le développement de la valorisation matière et biologique ; et la restauration de la confiance des élus, des citoyens et du mouvement associatif.

Deux ans plus tard, cette réorientation a porté ses fruits. Si je ne vous évoquerai pas, ici, la question des déchets de chantier ou celle des déchets agricoles ou industriels, je veux vous donner quelques exemples concrets de cette politique en matière de gestion des déchets ménagers :

 

ƒ l’action de l’ADEME, paralysée jusqu’en 1997, a été relancée avec des moyens nouveaux ;

 

ƒ les barèmes amont et aval d’Eco-Emballages ont été modifiés ;

 

ƒ la fiscalité sur la mise en décharge a été renforcée et celle sur la collecte sélective fortement réduite grâce à l’abaissement du taux de TVA ;

 

ƒ les plans départementaux d’élimination des déchets ont été mis en révision ;

 

ƒ la réduction des émissions polluantes des incinérateurs, en particulier des dioxines, a fait l’objet d’une attention particulière en préconisant, dès à présent, le respect des futures normes communautaires.

 

La lutte contre le bruit

Le dossier du bruit a suscité toute mon attention même si les moyens pour résorber cette nuisance majeure sont inscrits sur d’autres budgets que le mien.

J’ai effectué sur ce sujet deux communications en Conseil des ministres, l’une en mars 1998, l’autre en novembre 1999. Mon objectif est de résorber les points noirs aux abords des routes ou des voies ferrées. Mais soyons réalistes : il faut des moyens nouveaux afin que 200 000 logements soient traités au cours des dix prochaines années.

Corriger en aval les impacts désastreux des pollutions est un devoir pour les pouvoirs publics. Agir simultanément en amont est une nécessité. Les normes de réduction du bruit à la source doivent donc être strictes et appliquées. C’est dans cet esprit que j’ai pris un arrêté le 9 novembre dernier pour définir des plafonds pour le bruit ferroviaire et, l’année précédente, un décret réglementant le bruit des établissements diffusant de la musique amplifiée.

Parallèlement, je me suis battue pour qu’un effort particulier soit effectué en faveur des riverains des aérodromes : la taxe sur les nuisances sonores a été doublée ; les moyens alloués à l’ADEME ont été augmentés, pour ce faire, dans des proportions importantes ; les plans de gênes sonores ont été révisés, pour permettre à la fois un élargissement de la population éligible et un élargissement des conditions d'éligibilité.

 

La question énergétique

Il est un dossier qui vous importe particulièrement, comme tous les écologistes, celui du nucléaire ou, plus largement, celui de l’énergie. Dans ce domaine, plus que dans tout autre, il a fallu mobiliser beaucoup de patience et… d’énergie. J’ai privilégié quatre approches.

 

ƒ L’aval du cycle. En premier lieu, j’ai voulu faire respecter, par les opérateurs, les nouvelles orientations conclues, contractuellement, par la majorité plurielle concernant l’aval du cycle. Il a fallu plus de deux ans de négociation sur trois sujets d’importance : les enquêtes publiques de La Hague, la capacité de production de l’usine Melox, et la place à accorder aux sites profonds de stockage.

Sur ces sujets toujours difficiles, ma petite musique se fait peu à peu entendre : la capacité maximum de la Hague sera de 1700 tonnes et non de 2000 ; celle de Melox de 115 tonnes et non de 200 ; les stockages devront être réversibles et les transports sont d’ores et déjà mieux contrôlés ; enfin, les voies de recherche sur l’entreposage et le sub-surface seront explorées.

L’administrateur général du CEA, Pascal COLOMBANI, en convient publiquement : une page est bel et bien tournée.

 

ƒ La diversification. Simultanément, j’ai enclenché les conditions d’une diversification des modes de production d’énergie. La décision prise, en février 1998, d’accorder à l’ADEME une dotation pérenne de 500 millions de francs en faveur de la maîtrise de l’énergie et du développement des énergies renouvelables a été premier pas dont nous pourrons mesurer les effets dans années à venir.

 

ƒ La loi sur la transparence. En troisième lieu, j’ai chercher à assurer transparence et séparation des rôles, en matière de contrôle de l’ensemble du cycle. J’ai obtenu du Premier ministre le principe d’un projet de loi sur le sujet. Je souhaite que les arbitrages finaux soient désormais rendus rapidement pour que cet engagement majeur puisse être tenu. Je sais pouvoir compter sur votre appui pour que l’encombrement du calendrier parlementaire ne soit pas un alibi pour renvoyer aux calendes grecques cette loi essentielle, promise dès juin 1997.

 

ƒ L’étude sur les coûts. Enfin, j’ai demandé à ce que nous puissions assurer la transparence des coûts pour l’ensemble de la filière. Sur ma proposition, une mission confiée à MM. Pelat, Dessus et Charpin a été diligentée et rendra ses conclusions au Gouvernement dans les tous prochains jours. Elles seront rendues publiques.

 

Le dossier de l’eau

Le dossier de l’eau a été emblématique de notre volonté de relancer la mise en œuvre du principe pollueur-payeur. D’abord à travers, une analyse sans concession des errements des procédures en œuvre en matière de pollutions d’origine agricole –PMPOA notamment- comme en matière institutionnelle à travers le fonctionnement des agences de l’eau et des comités de bassin.

Des mesures, radicalement nouvelles, ont été prises comme la TGAP ou la création du FNSE dont je vous ai parlés. Le projet de loi, en cours d’élaboration et de concertation, devra être le point d’orgue de cette relance de la politique de l’eau.

D’ores et déjà, la révision du programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole (PMPOA) est en cours. Elle permettra une plus grande équité et une plus grande efficacité environnementale. Ce programme sera réorienté au profit d’une concentration sur les bassins versants les plus sensibles ou les plus dégradés. Cette révision illustre le changement d’attitude de l’Etat à l’égard des élevages illégaux ou hors-normes, comme en a témoigné la circulaire que j’ai signée avec Louis Le Pensec afin de résorber les excédents d’effluents dans les zones d’excédents structurels.

 

La deuxième phase du Plan Loire Grandeur Nature a été arrêtée, dans son principe, lors du CIADT d’Arles, en juillet 1999. Il s’agit de passer d’un plan antérieurement centré sur la réalisation de grands aménagements vers un programme qui corresponde davantage aux principes du développement durable, comme le sanctionne l‘abandon du barrage de Chambonchard ou l’effacement du barrage de Maisons-Rouges.

L’amélioration de la prévention des risques d’inondation est une nécessité absolue, comme l’ont montré, dramatiquement, les inondations catastrophiques de novembre dernier. J’entends poursuivre, avec détermination, cette politique à travers une plus grande maîtrise de l’urbanisation dans les zones exposées avec le développement des Plans de prévention des risques (PPR), l’amélioration des conditions de prévention et d’alerte des populations et la poursuite du programme de restauration des cours d’eau et de protection des lieux habités contre les crues.

La réforme de la politique de l’eau, que je vous ai mentionnée, est le grand chantier qui nous attend. Elle vise quatre objectifs :

ƒ démocratiser le secteur en associant davantage le Parlement ;

ƒ assurer la transparence du service public de l’eau et de l’assainissement ;

ƒ appliquer le principe pollueur-payeur, grâce à une réforme en profondeur des redevances perçues par les agences de l’eau, en particulier de la redevance de pollution domestique que j’entends transférer de l’usager aux syndicats d’assainissement ;

 

ƒ accroître l’efficacité de l’action publique, grâce à une meilleure complémentarité des interventions des agences et celles de l’Etat, à travers le Fonds national de solidarité pour l’eau (FNSE).

 

Prévention des risques et management environnemental

J’évoquais à l’instant les inondations en insistant sur la prévention. Il faut de façon générale renforcer l’action publique dans ce domaine. Des progrès substantiels ont été faits depuis notre arrivée.

 

ƒ Les risques naturels. C’est ainsi, par exemple, que j’ai fait progresser de plus de 80 %, en deux ans, les crédits consacrés à l’élaboration des plans de prévention des risques et que je viens d’obtenir une extension des conditions d’utilisation de ce fonds assurantiel qu’est le Fonds de prévention des risques naturels, qui viendra désormais doubler les moyens de l’Etat en la matière.

Mais dans ce domaine plus que dans tout autre, les événements de cet hivers -tempêtes et marée noire- ont montré que l’action publique est d’autant plus efficace lorsque le ministère de l’environnement assure l’ensemble des compétences. A contrario, la gestion des conséquences du naufrage de l’Erika a montré, de façon parfois cruelle pour les victimes, que le partage des compétences limitait, quand elle ne neutralisait pas, l’action de l’Etat. J’espère que nous saurons en tirer tous les enseignements pour l’avenir.

Le renforcement, politique et juridique, du principe de précaution, ainsi que le projet de création d’une agence santé-environnement participent à cette action en faveur d’une meilleure prévention des pollutions et des risques. J’attache beaucoup d’importance à un bon débat au Parlement et à une adoption rapide de la proposition de loi qui vient d’être déposée par les députés Verts.

 

ƒ Les risques industriels. La gestion des risques au ministère concerne aussi les risques industriels. Nous avons préparé puis transposé la directive SEVESO 2 du 9 décembre 1996. L'année 2000 sera donc l'occasion d'un net renforcement de la prévention des accidents industriels majeurs. Un nouvel arrêté, qui concernera 600 établissements prioritaires, consacrera dans les jours qui viennent cette étape. Je compte beaucoup sur la participation des associations dans les Commissions Locales d'Information et les S3PI pour renforcer la prévention.

 

ƒ Le management environnemental (ISO 14001 et réglement européen EMAS) doit être un moteur du développement des entreprises et d'une meilleure protection de l'environnement. Dans cet esprit, et après plus d'un an de négociation, j'ai récemment chargé l'Assemblée des Chambres Françaises de Commerce et d'Industrie d'une mission d'animation et de promotion du management environnemental : j'ai instamment demandé à l'ACFCI de vous associer étroitement à l'ensemble de ce programme. Il est nécessaire que les associations que vous représentez continuent à accompagner le développement du management environnemental en France.

 

La lutte contre la pollution de l’air

La lutte contre la pollution de l’air est par définition un combat de longue haleine. Quelques victoires non négligeables ont néanmoins été gagnées. L’adoption de nouvelles décisions communautaires comme auto-oil, bien que passées inaperçues, marque un tournant : dans les cinq ans qui viennent, la pollution due à l’automobile devrait sensiblement diminuer.

Cela  n’exclut pas, bien au contraire, que nous poursuivions notre effort pour développer les réseaux de mesure de la qualité de l’air. De même, il faut qu’avec le Conseil national de l’air nous poursuivions la réflexion sur l’amélioration des seuils d’alerte.

Mais ma conviction est que cette lutte ne sera efficace que lorsque nous serons parvenus à ouvrir un véritable débat sur la question de la mobilité urbaine. Le succès de la journée " En ville, sans ma voiture ! ", qui, pour la troisième année, sera européenne, montre que l’attente de nos concitoyens est grande et qu’ils sont prêts à faire le pas.

Cette expérience essaime dans le monde entier comme le montre l’expérience récente et très réussie de Bogota en Colombie. C’est un cadre, un laboratoire grandeur nature qu’il vous faut investir pour sensibiliser sur des formes de mobilités plus douces, plus respectueuses de l’homme et de l’environnement.

En France, la troisième édition de cette journée sera placée sous l’auspice des Plans de déplacements urbains. Les PDU constituent en effet un enjeu essentiel dont vous devez vous saisir. Leur élaboration traînait en longueur. Aussi, ai-je signé, en décembre dernier, avec le ministre de l’Equipement, une circulaire afin de relancer la démarche et de fixer au 30 juin la date butoir pour leur approbation. Le travail est loin d’être achevé puisqu’aujourd’hui seulement 26 des 58 PDU obligatoires ont été finalisés, et 2 approuvés…

 

La protection de la nature

S’agissant de la nature et des paysages, je ne vous infligerai pas d’inventaire à la Prévert des nombreuses réserves naturelles qui ont été créées ou des différentes mesures particulières de protection. Trois grands dossiers méritent cependant que je m’attarde : Natura 2000, la chasse, et, bien sûr, la gestion du loup et de l’ours qui a tant fait couler d’encre.

 

ƒ Natura 2000

Le réseau Natura 2000 que prévoit la directive Habitats est, sans aucun doute, l’équipement écologique majeur qui structurera pour longtemps le territoire français. C’est une formidable opportunité puisque ce texte européen permettra de passer dans le domaine de la protection de la nature, du pointillisme nécessaire mais insuffisant des réserves, parcs, et autres biotopes, au système écologique abordé dans sa globalité.

La mise en œuvre de ce texte avait été gelé par Alain Juppé qui avait cédé sans faire preuve de beaucoup de résistance à différents lobbies. Je l’ai relancé et les résultats sont là : le réseau proposé comporte aujourd’hui 1 029 sites, représentant près de 27 000 km2 de territoires terrestres - près de 5 % de l’hexagone - et 4700 km2 de secteurs marins. Quelque 300 documents de gestion sont en cours de réalisation.

Sur le long terme, le dossier Natura 2000 est sur de bons rails, malgré des épiphénomènes qui viennent en entraver, ici ou là, le développement.

Cette année sera une année de consolidation. Il faut compléter le réseau par aire biogéographique, comme nous le demande, à juste titre, la commission européenne, afin d’aboutir à une configuration garantissant, sur le long terme, la stabilité de cette ossature écologique et son fonctionnement. En outre, il faudra veiller à la cohérence spatiale de ce réseau avec les autres zonages de protection de la nature.

 

Le projet de loi transcrivant la directive " Habitat " verra le jour d’ici la fin de l’année. Le gouvernement est désormais convaincu qu’il faut en passer par là. Naturellement, cela ne nous exonère pas, bien au contraire, d’un effort de concertation et d’explication afin que nous continuions à marier, à des degrés divers, préservation de la nature et activités humaines.

En d’autres termes, il faut passer d’une gestion en " bon père de famille ", individualiste et sûr de lui, à une approche en " bonne intelligence collective ". Les premiers documents d’objectifs de site montrent que c’est faisable.

L’importance des enjeux justifie l’effort humain et budgétaire consenti. La solidité technique des projets et leur acceptation sociale garantissent la pérennité de la mobilisation des acteurs et l’augmentation des financements qui, à l’avenir, y seront consacrés.

 

ƒ Le développement des espaces naturels

Le développement du réseau des espaces naturels protégés a aussi été une priorité importante. Il existe désormais 146 réserves naturelles couvrant 525 279 hectares et 30 nouveaux projets de réserve sont en cours de procédure. Les parcs naturels régionaux sont au nombre de 38 et couvrent 11% du territoire national, alors que 7 nouveaux PNR pourraient voir le jour entre cette année et l’année prochaine.

Des moyens nouveaux ont été, chaque année, accordés aux Parcs nationaux et, malgré les difficultés subsistantes, j’ai bon espoir que les projets de parc national de la forêt tropical de Guyane et de parcs nationaux marins de Corse et de mer d’Iroise voient le jour rapidement, ainsi que le parc international marin des Bouches de Bonifacio.

Enfin, je ne serais pas complète sur ce sujet sans une mention particulière des efforts réalisés en faveur des 21 conservatoires régionaux d’espaces naturels et en faveur du Conservatoire du littoral, pour lequel, cependant, de nouveaux moyens seront nécessaires pour permettre le financement d’opérations de grande envergure.

 

ƒ Le vote de la loi sur la chasse

Venons-en, si vous le voulez bien, au dossier de la chasse qui nous a tant accaparé même si, paradoxalement, cette pratique ne concerne que bien peu de gens comparé aux milliers de botanistes, de randonneurs, et autres ramasseurs de champignons que vous êtes tour à tour. Mais il fallait en finir avec la situation de non droit que connaissait depuis trop d’années notre pays dans ce domaine et mettre fin aux guerres de tranchée qui opposent environnementalistes et chasseurs.

En proposant ce texte de loi au Parlement, j’ai voulu, tout à la fois, donner les garanties d’une chasse raisonnable et raisonnée aux non-chasseurs, offrir les moyens d’une chasse responsable aux chasseurs et à leurs associations, et organiser l’évolution de l’organisme technique qu’est l’Office national de la chasse (ONC) afin qu’il devienne un établissement indépendant et pluraliste.

C’est une sorte de pari dont on ne saura s’il est gagné que bien après la seconde lecture à l’Assemblée Nationale, une fois que ce texte sera traduit dans les faits.

Mais je dois vous dire ma satisfaction d’être parvenue à cette armistice après tant de heurts. Je n’ai pas à vous rappeler les insultes que j’ai essuyées, comme sans doute jamais aucun ministre de la République, notamment lors de la manifestation de juillet 1998, ni les menaces qui m’ont été personnellement adressées à moi comme à mes proches. Aujourd’hui, le calme est revenu dans les campagnes. Je ne peux que m’en réjouir.

Le vote en première lecture de ce texte de loi par l’assemblée nationale ne consacre pourtant pas la victoire d’un camp sur l’autre pas plus qu’il ne signifie que la réforme soit achevée. Si je comprends les insatisfactions de certains, je leur rappellerai que ce texte comporte des avancées sensibles, en matière de droit de non chasse, de périodes de chasse, de gestion de la faune, de partage du territoire, de sécurité, ou d’indépendance de la garderie... 

Reste, bien sûr, l’épineuse question de la chasse de nuit. Le gouvernement aurait préféré une dépénalisation temporaire et expérimentale. Nous n’avons pas, pour l’instant, obtenu gain de cause. Valait-il mieux jouer les Ponce-Pilate en la laissant sans encadrement ou en arriver à cette côte certes mal taillée mais réaliste ? Je vous le demande. Mais ignorer une situation ne l’a fait en aucun cas disparaître.

Par ailleurs, les missions nouvelles ou confirmées de fédérations de chasseurs sont autant de responsabilités qu’elles auront à assumer dans un cadre rénové par la démocratie interne. Le principe un homme/une voix est une nouveauté dont se saisiront, j’espère, celles et ceux qui ont de la chasse une conception ouverte et moderne. Vous qui, plus souvent qu’on ne le dit, coopérez avec ces chasseurs, vous savez bien qu’ils constituent une majorité certaine mais parfois silencieuse.

Deux remarques pour clore, temporairement, le débat.

J’ai certes dit aux députés, et je vous le dis, que mon ambition est de rétablir le dialogue et non d’attiser les conflits. Mais, en disant cela, je ne vous incite pas à l’inaction. Vous devez, bien au contraire, assurer une vigilance ferme mais tranquille, " musclée " même. La ministre que je suis ne souhaite pas que les associations ne soient que des courroies de transmission ou des alliés inconditionnels.

Au risque de me répéter, je tiens à vous dire que je vous demande d’être, plus que jamais, des acteurs de plein exercice, pesant sur les choix et les options, pesant sur l’opinion. C’est de cela dont ont besoin le gouvernement et la représentation nationale pour que la loi sur la chasse de l’an 2000 corresponde, en fin de course, aux voeux que nous partageons et pour qu’elle soit un nouveau contrat social entre les chasseurs et la société française dans son ensemble.

 

ƒ La question délicate de l’ours et du loup

Lors de ce débat sur la chasse, un amendement a soulevé votre indignation, l’amendement Bonrepaux sur l’ours. Comme moi, vous êtes attachés à la protection de l’ours et du loup. Qu’il soit spontané ou favorisé, je sais que ce retour des grands prédateurs est un signe encourageant de la qualité recouvrée des éco-systèmes.

Mais cette réapparition ne se fait pas sans heurts ni incompréhension. Il faut que ces animaux trouvent leur place dans des espaces que l’homme a pris l’habitude de dominer sans partage.

Je ne veux pas masquer les incidents récents au Parlement et qui ont pu vous faire douter de la solidité de mes engagements de toujours. Mais, profitant de votre congrès, je veux solennellement vous confirmer que, dans le cas de l’ours comme dans celui du loup, je tiendrai le cap. Ces animaux ont leur place dans nos milieux et nos engagements internationaux seront tenus.

Mais tenir le cap suppose d’éviter les récifs ! La mise à la concertation du projet de plan pour la préservation du pastoralisme et du loup dans l’Arc alpin va dans ce sens. Un nouvel équilibre ne s’instaurera ni d’un coup de baguette magique, ni à la hussarde ou à coups d’anathèmes.

Et je suis sûre que du travail social et du dialogue qui ont actuellement lieu dans les Alpes, sortiront des propositions qui permettront - pour peu que chacun accepte le débat - d’enrichir le projet et de se l’approprier.

Ce n’est pas le moindre mérite de la réflexion qui a précédé les discussions sur le terrain, que d’avoir, par exemple, fait accepter l’idée que, tant pour sa propre pérennité que pour s’adapter à une présence raisonnable de prédateurs, le pastoralisme de montagne devait lui aussi évoluer.

Cette rencontre des prédateurs et des activités pastorales est l’occasion de tester, in situ, le développement durable en faisant conjuguer les enjeux économiques de la montagne et la nécessaire protection de la nature.

 

Pour ce qui est de l’ours, après une phase d’expérience dont je présenterai le bilan, il nous faudra trouver les moyens de renforcer la population pyrénéenne avec pour objectif, même si ce n’est pas pour demain, qu’on atteigne le nombre critique au delà duquel la survie de cette espèce sera assurée.

Le succès de l’intégration de ces animaux, maillons déterminants mais manquants de nos éco-systèmes, dépend de la méthode suivie. L’adaptation comme la réadaptation demandent du temps, de la force de conviction, de l’attention pour les hommes comme pour les animaux. L’année 2000 sera l’occasion de repenser profondément la manière de faire pour que ce projet soit celui de tous.

 

J’ai hérité de deux ours espiègles, baladeurs et un peu goinfres. Ils ont jeté l’émoi jusque sur les bancs de l’Assemblée. Je ne peux l’ignorer, pas plus que les opinions divergentes qui s’expriment dans certaines vallées. Mais je ne voudrais pas qu’une dramatisation excessive n’aggrave la situation jusqu'à n’offrir que des issues extrêmes. Nous avons deux mois pour réussir, pour trouver une solution.

Concrètement, dès la semaine prochaine, une réunion se tiendra à Foix avec, hormis les ours, tous les protagonistes de ce dossier. Mon cabinet a la consigne de n’ignorer aucune voie qui permettra de trouver une solution acceptée par tous, élaborée ensemble, mise en œuvre localement.

De façon plus générale, le ministère se doit de soutenir les efforts de tous celles et ceux qui s’efforcent de prouver que loups et ours peuvent retrouver une place dans les milieux montagnards, compatible avec le maintien d’activités. L’immobilisme, là comme ailleurs, n’est pas la bonne stratégie.

Une attention particulière doit être apportée à la dimension internationale de ce dossier. Comme pour la mise en œuvre la directive Habitats qui vise à l’échelle de l’Europe, grâce à l’adoption du réseau Natura 2000, une protection cohérente et complémentaire des espaces et des espèces, la protection du loup et de l’ours doit se faire en partenariat avec nos voisins européens.

 

4 - LES NEGOCIATIONS INTERNATIONALES

Existe-t-il, du reste, un seul domaine pour lequel on puisse faire aujourd’hui l’économie d’une telle approche ? J’en doute mais il est vrai que, parfois, nous avons quelque peine à sensibiliser nos concitoyens sur les grandes négociations internationales qui les passionnent moins que nos petites polémiques franco-françaises.

Les pollutions, en atteintes à la biodiversité, la protection des espèces, ces questions ne connaissent pas les frontières. Et lorsque l’on fait le bilan de notre action à l’international, force est de constater que la prise en compte des enjeux environnementaux a fait des progrès majeurs.

 

Le climat

Ainsi, à Kyoto, en novembre 1997, l’adoption du protocole sur le changement climatique a été un moment fondamental, dont il faut entretenir la flamme pour que les engagements pris soient tenus. L’adoption, le 19 janvier dernier, d’un nouveau programme national de lutte contre l’effet de serre par le Gouvernement, puis, par l’assemblée nationale, le 5 avril, du projet de loi portant ratification du protocole de Kyoto montrent que l’enjeu climatique est bel et bien devenu un enjeu national.

Reste à transformer l’essai et à tout faire pour que la Conférence de la Haye de novembre prochain soit couronnée de succès. Nous devons, lors de cette " Cop 6 ", préciser le fonctionnement du protocole de Tokyo pour accélérer sa modification par tous les groupes de pays et donc son entrée en vigueur, que nous voulons la plus rapide possible, et en tous cas avant 2002, avant Rio + 10.

Le programme français d’action contre le risque de changement climatique présenté en janvier est audacieux puisque, secteur par secteur, il définit les moyens que les pouvoirs publics vont mettre en œuvre pour stabiliser, en dix ans, nos émissions de gaz à effets de serre au niveau où elles étaient en 1990.

La taxation des différentes sources d’énergie en fonction de leur contenu en carbone, la création d’un fonds afin d’aider les investissements des PME pour les économies d’énergie, l’appui aux techniques agricoles permettant de limiter les émissions de méthane et de protoxyde d’azote sont autant d’exemples des mesures qui seront adoptées dans le cadre de ce programme national et dont l’exécution fera l’objet d’un rapport annuel et d’une révision globale en 2005.

 

La biosécurité

De même, l’adoption, à Montréal, en décembre, d’un protocole sur la biosécurité fortifie grandement le combat engagé, dès 1997, en faveur de la stricte application du principe de précaution en matière de culture et de commercialisation de produits issus d’organismes génétiquement modifiés.

Un moratoire national avait été décidé, dès novembre 1997, sur l’ensemble des espèces, à l’exception du maïs, non susceptible de croisement avec d’autres espèces. En juin 1998, une conférence de citoyens, première du genre en France, a été organisée sur ce sujet et a montré la capacité de nos concitoyens à examiner, en toute connaissance de cause, un sujet aussi technique soit-il.

Votre mobilisation avait alors été précieuse pour que je puisse proposer à nos partenaires européens, en juin 1999, au nom de la France, qu’aucune nouvelle autorisation ne soit accordée tant que les modalités d’étiquetage -donc de traçabilité- ne seront ni complètes, ni fiables. La récente prise de position du Parlement européen n’affaiblira pas ma motivation, loin de là !

A Montréal, nous sommes parvenus à imposer au " groupe de Miami ", Etats-Unis et Canada en tête, l’adoption du " protocole de Carthagène " sur la biosécurité.

Ce que nous avons obtenu alors, en ce qui concerne l’extension du champ d’application de ce protocole aux matières premières agricoles, et surtout une prise en compte particulièrement nette du principe de précaution, ainsi que la non subordination de ce protocole aux règles de l’OMC, constituent autant de véritables motifs de satisfaction, même si nous devrons, à l’avenir, renforcer ce protocole en termes d’étiquetage et traçabilité.

 

La présidence française

Le 1er juillet prochain, nous prendrons, pour six mois, la présidence du Conseil des ministres de l’Union européenne. C’est une opportunité à ne pas laisser passer. Le chantier que j’évoquais au début de mon propos d’une Organisation Mondiale de l’Environnement, sans préjuger de la forme institutionnelle que pourrait prendre une telle structure, sera l’un des principaux de cette présidence.

Il faut en effet qu’en 2002, et Rio + 10, nous soyons en mesure d’aboutir. Et cela pour deux raisons.

 

ƒ La première est pratique : il est devenu matériellement impossible de suivre aux quatre coins du globe les réunions des Accords multilatéraux d’environnement (AME) qui se chevauchent quand elles ne se superposent pas.

ƒ La seconde tient à la nature de ces accords : les nouveaux AME, dont le protocole Biosécurité et le protocole de Kyoto, sont complexes et leur mise en œuvre difficile du fait qu’ils interfèrent avec le champ économique. Il est donc nécessaire d’adopter un corps de règles unifiées au sein d’une même organisation, y compris en matière de règlement des différends.

Cette réflexion sera au cœur du Conseil informel du 14 juillet prochain.

Ce projet ne doit pas cependant masquer les autres enjeux de cette période, notamment la préparation de la Conférence de la Haye, que j’évoquais tout à l’heure. Notre présidence devrait nous permettre de faire adopter définitivement plusieurs textes importants. Il est cependant trop tôt pour en faire l’inventaire puisque plusieurs d’entre eux devraient être adoptés sous présidence portugaise (directive 90.220 sur les OGM ; sur l’incinération, les installations de combustion, l’ozone, les déchets d’équipement, le bruit ou Auto oil 2…)

De Aarhus à Seattle

Je ne vais pas énumérer tous les sujets internationaux qui ont retenu notre attention depuis trois ans. Mais deux, d’inégale nature et de portée différente, vont durablement modifier notre façon de voir.

Le premier est pratiquement passé inaperçu : il s’agit de la Convention d’Aarhus signée le 25 juin 1998. Cet accord est pourtant essentiel puisqu’il consacre et encadre l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l‘accès à la justice en matière d’environnement. Nous aurons l’occasion d’évoquer la traduction pratique de cette convention lors de la rencontre que je compte organiser début juillet, avec vous, notamment sur ce sujet.

Le second a, au contraire, tenu tous les médias en haleine. A Seattle, en décembre 1999, lors de la Conférence ministérielle de l’OMC, nous avons mis en échec tous ceux qui pensent que le monde n’est qu’une marchandise, que le respect des Accords Multilatéraux sur l’Environnement par l’OMC n’est pas un vrai sujet, que les principes fondamentaux qui sont les nôtres comme le principe pollueur-payeur, le principe de précaution ou celui d’action préventive n’ont pas d’importance.

Ce qui est encore peut-être plus important, c’est que ce sommet sur l’OMC a vu l’irruption inopinée de la société civile sur la scène des négociations où on avait omis de l’inviter. Ces deux événements internationaux, a priori si différents, participent ainsi de la même préoccupation : l’impérieuse nécessité d’adopter une nouvelle gouvernance. C’est l’objet de la dernière partie de mon intervention.

 

5 - LA NOUVELLE GOUVERNANCE

L’opinion publique est plus réactive que jamais et je ne peux que m’en féliciter. " Une double démocratisation se dessine ", a déclaré le Premier ministre dans son allocution au symposium du Nikkei, à Tokyo, en décembre dernier. Evoquant l’échec de la conférence ministérielle de l’OMC à Seattle, Lionel JOSPIN se félicitait de l’émergence d’une conscience nouvelle des pays en voie de développement ainsi que d’organisations non gouvernementales émanant de la société civile.

Il faut saisir cette opportunité pour jeter les bases d’une nouvelle gouvernance qui fera que notre mode de développement sera non seulement durable mais aussi désirable.

 

Du côté de l’Etat

On voit assez bien les étapes nécessaires à la mise en place d’une telle gouvernance.

 

ƒ Mettre en œuvre les dispositifs contractuels et réglementaires. Cela peut sembler évident mais il serait vain de vouloir créer de nouveaux outils si nous n’utilisons pas ceux qui existent. Dans le domaine de l’aménagement du territoire comme dans celui de l’environnement, nous avons tout ce qu’il nous faut pour réorienter les politiques publiques vers plus de durabilité.

 

ƒ Anticiper sur les dynamiques de marché par la fiscalité, l’innovation et la création de nouveaux services : la mise en œuvre de la TGAP qui sera étendue cette année à l’énergie est un atout de tout premier ordre. Cet instrument vient utilement renforcer le principe pollueur-payeur jusqu’alors limité au financement des réparations sans effet dissuasif ou incitatif. Mais les taxations des comportements polluants n’a de sens que si, dans le même temps, des solutions alternatives sont proposées.

 

ƒ S’appuyer enfin sur la vigilance de l’opinion pour développer l’information, étendre la labellisation, créer des observatoires et des systèmes d’évaluations. Des Observatoires régionaux du développement durable pourraient ainsi être créés. Ils couvriraient les trois problématiques (environnement, social, économie et emploi), et travailleraient en réseau aussi bien au plan national qu’à l’échelon international.

 

De nouveaux contrats

Cette stratégie de l’Etat doit s’accompagner d’outils propres à associer les citoyens, qui sont autant d’usagers ou de consommateurs, à la prise de décision. Pour ce faire, il faut développer de nouveaux contrats et des lieux de débats pour répondre à cette exigence de participation qui s’est manifestée à Seattle. Là encore, je ne dresserai pas l’inventaire de tout ce qui existe ou mériterait d’être créé. Quelques exemples suffiront à illustrer mon propos.

Pour formaliser et mettre en œuvre ces " pacs " du développement durable, ou ce nouveau contrat social, que doivent signer entre eux les acteurs locaux, un outil existe même s’il est encore peu développé : les agendas 21 locaux.

Ils ont aujourd’hui force de loi. Selon l’article 25 de la LOADDT, les chartes de pays seront " le projet commun de développement durable du territoire selon les recommandations inscrites dans les agendas 21 locaux (…) qui sont la traduction locale des engagement internationaux finalisés lors du sommet de Rio ". Même chose pour les agglomérations. Le référent existe. Reste à le mettre en œuvre.

Aujourd’hui, plus de cinquante agglomérations et deux cents pays préparent des projets d’agglomérations et des chartes de pays qui se traduiront, d’ici 2003, par des contrats particuliers signés avec l’Etat.

Afin de préparer cette démarche, mon ministère avait lancé, dès juillet 1997, avec la Délégation interministérielle à la ville (DIV), un appel à projets sur les outils et les démarches nécessaires pour la réalisation de ces agendas 21 locaux. Dix-sept projets avaient alors été sélectionnés et 51 communes s’étaient associées afin de constituer un réseau d’expérimentations et de réflexions communes.

 

Un deuxième appel à projets a été lancé. Les dossiers viennent de nous être remis. Les lauréats seront sélectionnés avant la fin du mois d’avril. Le ministère apportera une subvention d’investissement ou de fonctionnement aux projets retenus.

 

Des lieux de débat

L’élaboration de ces nouveaux contrats passe par une large consultation. Les lieux de débats existent - faut-il encore les investir ! - ou sont à mettre en place. Dans des domaines assez différents, en voici trois qui sont particulièrement pertinents au regard du sujet qui nous préoccupe.

 

ƒ Les organes consultatifs. Dans le domaine de l’aménagement du territoire, la LOADDT a défini, à chaque niveau, des instances de concertation en matière d’aménagement et de développement des territoires :

Le Comité national d’aménagement et de développement du territoire (CNADT) fait l’évaluation critique des politiques territoriales ; les conférences régionales (CRADT) sont, au niveau local, les lieux de rencontre entre les élus et les acteurs socio-économiques sur les politiques d’aménagement du territoire. Dans ces deux instances, des places ont été réservées aux associations et leurs réunions donnent droit à des congés pour représentation.

 

Quant aux conseils de développement des pays, ils permettent aux différents acteurs, notamment aux associations, de participer localement à l’élaboration des projets de chartes et à l’examen de leur mise en œuvre.

Pour chacune de ces trois instances, le même principe prévaut : assurer la transparence dans l’élaboration de la décision publique et une plus grande efficacité par la prise en compte des besoins exprimés.

 

ƒ La Commission française du développement durable (CFDD). Après quelques mois de sommeil, la CFDD a été relancée avec la nomination à sa tête de Jacques Testart. Sous sa présidence, la commission connaît un second souffle. Elle se réunit régulièrement dans l’idée non pas de se substituer aux scientifiques ou aux services de l’Etat mais plutôt d’être une sorte de comité des sages, à l’interface entre les experts et la société civile.

Le mois dernier, la CFDD a ainsi remis un premier avis sur le principe de précaution qui a montré qu’elle était bien en mesure de s’emparer des rapports d’experts pour produire une analyse critique citoyenne.

Dans quelques jours, l’arrêté nommant ses nouveaux membres sera publié. A la demande de son président, la CFDD aura désormais vingt membres représentatifs de la société française -élus, économistes, enseignants, syndicalistes…- et autant d’hommes que de femmes, il fallait le souligner. Ainsi reconstituée, la CFDD sera l’interlocuteur de référence en matière de développement durable.

 

ƒ La Commission nationale du débat public. Dans le domaine de l’aménagement du territoire, une autre instance, que vous connaissez bien, est essentielle pour le développement durable : la Commission nationale du débat public (CNDP). Créée par la loi de février 1995, j’ai installé cette commission en septembre 1997 et j’en ai confié la présidence à Hubert BLANC.

Les premiers débats menés sous l’égide de la CNDP se sont traduits par une participation très active des citoyens concernés que ce soit dans les villages qui bordent les gorges du Verdon sur le projet de ligne électrique à très haute tension, les riverains concernées pas le projet d’autoroute A 32 entre Metz et Nancy ou, au Havre, par l’aménagement de Port 2000. Si, à chaque fois, il a fallu du temps et de l’argent, les mentalités et les cultures en ont été durablement transformées.

Cette concertation élargie permet de confronter réellement les différentes exigences du développement durable : la protection des sites naturels et l’emploi, l’équité sociale et le développement économique.

Cet outil doit être réformé afin que son champ d’intervention et ses conditions de saisine permettent de l’utiliser pour tous les grands projets et non pas, comme aujourd’hui, de façon restrictive qui font, par exemple, que Jean-Claude GAYSSOT a pu s’opposer au débat que vous aviez demandé sur l’A 51, ou que, pour l’A 32, il n’ait porté que sur le projet autoroutier en tant que tel et non sur la problématique des déplacements dans la région prise dans son ensemble.

Cette nécessaire réforme est une des conclusions du rapport du Conseil d’Etat que Nicole QUESTIAUX vient de me remettre sur la refonte plus générale de l’enquête d’utilisé publique et sur lequel nous allons nous baser pour préparer un projet de loi.

 

Conclusion

Chers amis, comme vous le voyez, les outils comme les lieux de consultation et de concertation existent et de nombreux chantiers ont été ouverts. Tous n’ont pas encore été menés au bout. La fragilité des décisions prises est réelle. La consolidation des orientations en faveur de davantage de développement durable requiert, plus que jamais, votre vigilance.

Notre action doit non seulement s’exercer dans les champs traditionnels de la protection de l’environnement mais pas seulement. Il nous faut veiller à la pertinence et à l’équité des décisions prises où que ce soit : la vente des centrales nucléaires, à la Turquie par exemple, comme les conditions de stockage du bois après les tempêtes ; les projets autoroutiers comme la réouverture du tunnel du Mt Blanc ; la mise en route des Contrats territoriaux d’exploitation comme le problème du Gaucho…

Plus loin encore, en apparence au moins, de nos thèmes de prédilection, les questions de l’emploi, des minimas sociaux, celle des services publics ou de l’équilibre des différents objectifs des financements communautaires, ne doivent pas nous laisser indifférents.

Si le développement durable est une politique qui embrasse et réconcilie l’économie, le social et l’environnement, c’est aussi, et surtout, une opportunité que nous ne devons pas laisser passer. C’est une nouvelle conception de la démocratie qui est en jeu.

Je vous remercie

Dominique VOYNET

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