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FRANCE : communiqué de presse du Ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement
7 février 2000 à Metz

Logo Ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Cliquez sur le logo pour rejoindre le site.Discours de Mme la Ministre : Conférence des Présidents de Comités de Bassin

 

Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,

Cette conférence des présidents de comités de bassin, la troisième à laquelle j’ai le plaisir d’assister, est stratégique : nous allons entrer en effet dans le vif du sujet qui nous occupe tous depuis maintenant 2 ans : la réforme de la politique de l’eau.

Cette année 2000 doit voir la mise au point du projet de loi révisant les lois sur l’eau de 1964 et 1992 et de celui qui encadrera le 8ème programme des agences. J’avais présenté mes priorités de réforme lors de ma communication en conseil des ministres du 20 mai 1998. Après 18 mois d’une intense concertation, marquée notamment par la conférence des présidents du 11 décembre 1998 à Orléans où, je crois, nous avions pu dégager un accord de principe sur le contenu de la réforme, j’ai dégagé les grands axes du projet de loi que j’ai présentés en conseil des ministres le 27 octobre 1999 ; j’ai d’ailleurs tenu à évoquer avec les présidents des comités de bassin le lendemain même de cette communication ce projet de réforme et j’ai cru noter, avec plaisir, une réelle convergence entre nous.

L’architecture du projet est maintenant en place. Elle s’appuie sur deux piliers : la réforme des redevances des agences de l’eau pour les rendre plus lisibles, plus équitables et plus conformes au principe pollueur-payeur et la redéfinition des missions du service public de l’eau et de l’assainissement, le cadre dans lequel elles s’exercent et ce qui en découle pour la facture d’eau.

Défini par la loi sur l’eau de 1964, le système des redevances des agences de l’eau s’est pour l’essentiel inscrit dans une logique mutualiste : usagers domestiques, industriels et marginalement agriculteurs cotisent pour financer des programmes de dépollution. La nécessité d’un tel financement est incontestable, pour satisfaire nos obligations communautaires et, plus largement, reconquérir la qualité de l’eau et des milieux aquatiques, et c’est pourquoi j’ai voulu que les redevances des agences restent acquises dans leur totalité à la politique de l’eau, et pour l’essentiel gérées par les agences de l’eau. Le système actuel est cependant opaque, parfois inéquitable, et souvent très éloigné du principe pollueur-payeur censé lui servir de base. Je souhaite donc qu’il soit réformé en profondeur.

Ainsi, la redevance pour pollution domestique est à l’heure actuelle payée par des abonnés domestiques bien en peine d’agir sur la pollution rejetée ; le pourraient-ils d’ailleurs que leur redevance ne baisserait pas pour autant puisque son taux n’a rien à voir avec la pollution effectivement rejetée au milieu naturel.

Je propose donc que cette redevance soit à l’avenir acquittée par les syndicats intercommunaux d’assainissement, à même de prendre les décisions nécessaires à la préservation de la ressource en eau, et que le montant perçu, déduction faite de la prime pour épuration versée actuellement par l’Agence, corresponde le mieux possible à la pollution rejetée au milieu. Sans vouloir entrer à ce stade dans des discussions trop techniques, ceci passe notamment pour moi par une intégration dans l’assiette de cette redevance des rejets des industriels raccordés aux réseaux publics d’assainissement et par la disparition à terme des " coefficients de collecte " qui n’ont rien à voir avec la pollution mais bien davantage avec la collecte de... ressources financières ! Comme le gouvernement s’y est engagé, cette réforme ne devra pas se traduire par une aggravation de la pression fiscale sur l’usager domestique.

La redevance sur les pollutions industrielles est la redevance actuelle qui correspond le mieux au principe pollueur-payeur ; je n’envisage donc pas là de réforme spectaculaire. Seront toutefois étudiées la faisabilité et l’opportunité d’inclure dans cette redevance les substances radioactives et les rejets augmentant la température des cours d’eau.

Les pollutions agricoles ne sont quant à elles actuellement concernées que par la redevance sur les élevages créée dans le cadre du PMPOA. Les élevages sont pourtant loin d’être la seule cause de pollution agricole : même dans une région comme la Bretagne, les effluents d’élevage n’apportent qu’à peine la moitié des quantités totales d’azote épandues. Je propose donc de remplacer cette redevance sur les élevages par une redevance horizontale beaucoup plus équitable sur les excédents d’azote, quelle que soit leur provenance, minérale ou organique. Calculée sur la base d’un bilan global par exploitation, elle appliquera vraiment le principe pollueur-payeur puisque seules les exploitations dont la fertilisation est déséquilibrée y seront assujetties.

La redevance prélevée sur les consommations d’eau est aussi particulièrement inéquitable puisque s’y applique, entre autres dispositifs d’une totale opacité, un coefficient d’usage qui revient à faire varier la taxation d’un même mètre cube d’eau, prélevé dans la même ressource, d’un facteur qui varie de 1 à 40 selon que l’eau est utilisée pour l’irrigation, pour l’industrie ou pour l’eau potable, et ce systématiquement au détriment de l’usager domestique. Je souhaite donc une disparition progressive de ces coefficients d’usage en vue d’une neutralité de la redevance selon les types d’usage de l’eau. Contrairement à ce que l’on paraît penser dans certains bassins, cet alignement ne devra évidemment pas se faire systématiquement par le bas ! Cette redevance pourra par contre être modulée selon l’intérêt patrimonial de la ressource en eau où s’effectue le prélèvement.

Enfin, la loi de 1964 offrait également la possibilité de créer des redevances sur les ouvrages ou aménagements qui modifient le régime des eaux. Faute de décret d’application, aucune suite concrète n’a pu être donnée à ces dispositions. Pourtant, les récentes inondations ont rappelé de manière dramatique que l’eau ne posait pas seulement des problèmes de qualité ou de rareté : son excès peut avoir des conséquences tragiques. C’est pourquoi j’ai souhaité que soit étudiée la faisabilité d’une redevance sur les imperméabilisations, la consommation de champs d’expansion de crues et les ouvrages en rivière.

La question des imperméabilisations concerne d’ailleurs aussi la qualité de l’eau car les pollutions de temps de pluie, dues au ruissellement sur les surfaces imperméabilisées, sont une cause non négligeable de pollution de l’eau.

A coté de cette importante réforme des redevances, le deuxième volet du projet de loi révisant celles de 1964 et 1992 concernera le service public de l’eau et de l’assainissement. Il s’agit d’une forte attente de nos concitoyens qui sont très attachés à cette notion de service public et veulent bien payer l’eau, mais à son juste prix et à condition de savoir à quoi sert leur argent.

Il importe ainsi tout d’abord de définir précisément les missions du service public de l’eau et de l’assainissement et ce que les consommateurs d’eau sont en droit d’en attendre. En particulier, cette notion de service public devrait comprendre la garantie de la fourniture d’eau aux personnes en situation de précarité.

Le fonctionnement de ces services publics d’eau et d’assainissement pourrait également s’accompagner de plus de démocratie locale. La création de commissions locales consultatives d’usagers est obligatoire depuis une loi de février 1992. Je souhaite que leurs compétences soient élargies pour qu’elles jouent enfin pleinement leur rôle de lieu de débat et de concertation sur la question de l’eau et de l’assainissement.

Je souhaite également que la loi réaffirme le principe d’une facturation de l’eau proportionnelle au volume consommé et encadre strictement le recours à la part fixe, qui n’incite pas à une bonne gestion et peut pénaliser, par des montants d’abonnement, de frais de compteur ou de caution excessifs, les familles au revenu modeste. Les dérogations à la facturation proportionnelle pourraient ainsi être réservées aux communes touristiques, à forte population saisonnière, après avis de la commission consultative du service public concerné.

Une telle facturation proportionnelle, nécessaire à une gestion raisonnable de l’eau, suppose toutefois la généralisation des compteurs individuels y compris dans l’habitat collectif. De tels compteurs pourraient être rendus obligatoires dans les immeubles neufs et les règles de majorité dans les conseils syndicaux pourraient être modifiées pour faciliter leur généralisation dans l’habitat ancien.

La place respective de la gestion directe et la gestion déléguée de l’eau et de l’assainissement mérite également réflexion. Dans le système actuel, les collectivités, ne pouvant pas faire de provision pour financer des gros investissements, ont tendance à passer en gestion déléguée dès que des travaux importants se profilent. Je souhaite que la faisabilité d’un dispositif qui permette la constitution de provisions dans le cadre de la comptabilité publique puisse être étudiée.

Par ailleurs, de nombreux usagers s’étonnent et s’indignent de voir que les montants prélevés sur leurs factures d’eau en vue d’éventuels frais d’entretien et de remise en état des réseaux restent acquis aux compagnies délégataires si de tels travaux n’apparaissent finalement pas nécessaires. Il serait beaucoup plus équitable que ces montants bénéficient aux services publics ; c’est en outre à mon sens un levier puissant de maîtrise voire de diminution du prix de l’eau.

Enfin, pour conclure sur cette question du service public de l’eau et de l’assainissement, je souhaite un vrai débat sur l’opportunité d’une instance de régulation au sens plein. Comme vous le savez, un haut conseil du service public de l’eau et de l’assainissement est en cours de création par décret. Le conseil d’état a été saisi du projet en novembre dernier. Il s’agit toutefois davantage d’un projet qui vise à une plus grande transparence, par la publicité qui sera ainsi rendue sur " les bonnes pratiques " en matière de facturation, de concurrence et de fonctionnement des services publics, que d’un outil de régulation stricto sensu. De nombreuses voies s’élèvent pour aller plus loin ; le haut conseil du secteur public, présidé par le député du Nord Dominique BAERT, vient d’ailleurs de me remettre un rapport en ce sens. Je souhaite recueillir l’avis de toutes les personnes concernées par les questions de l’eau, dont notamment bien sûr les vôtres, sur ce sujet délicat et d’actualité.

Réforme des redevances, service public de l’eau et de l’assainissement, ces deux piliers me paraissent de nature à fournir les bases d’un projet de loi dense, qui réponde aux attentes de nos concitoyens. Il sera complété par plusieurs points qui, si ils sont moins visibles, n’en sont pas négligeables pour autant. Il faudra ainsi que cette loi transpose la future directive cadre sur l’eau en cours de codécision entre le conseil des ministres et le Parlement Européen ; ceci concerne notamment les modalités de concertation sur les SDAGE.

De même, je suis préoccupée par la lenteur du rythme d’élaboration des SAGE. Innovation principale de la loi sur l’eau de 1992, ces documents fournissent pourtant un cadre précieux à une gestion globale de l’eau sur les bassins versants concernés, qui définisse les droits et obligations de chacun. Je souhaite que la future loi prenne des mesures permettant d’accroître le nombre de SAGE et d’en accélérer l’élaboration et serai heureuse de connaître vos propositions en ce sens. Un soutien accru des agences de l’eau aux réflexions préparatoires aux SAGE ainsi que l’octroi de subventions plus incitatives aux projets s’inscrivant dans des SAGE pourraient ainsi être envisagés.

Enfin, comme vous le savez, le renforcement de la police de l’eau pour une meilleure application de la réglementation mise en place par la loi sur l’eau de 1992 figure également parmi les priorités. Le fonds de concours de 140 MF créé en 1999, auquel le FNSE se substituera, m’a permis d’augmenter les moyens en personnel et en fonctionnement des services des polices de l’eau. Reste à établir une vraie synergie entre cette police et l’action économique des agences de l’eau. Une mesure simple qui pourrait être adoptée en ce sens serait de subordonner l’octroi des aides des agences au dépôt d’un dossier recevable de demandes d’autorisation auprès des services de police de l’eau.

Vous le voyez, ces projets de réforme sont d’envergure. Pour la mener à bien, je compte sur la collaboration la plus étroite possible avec vous et les institutions que vous représentez. A cet égard, j’ai eu connaissance de craintes d’une recentralisation déguisée, qui dépouillerait de leurs compétences les institutions de bassin. Il n’en est rien, bien au contraire. Vos institutions sont étroitement associées à la préparation de la réforme, ce sont elles qui préparent le 8è programme d’intervention des agences de l’eau, ce sont elles encore qui définiront les taux précis des redevances ainsi que leur modulation géographique, ce sont elles enfin qui continueront à mettre en œuvre les programmes d’intervention et ainsi à décider des aides à accorder.

Il faut pour moi que le rôle de chacun soit clair, dans le respect du fonctionnement démocratique de la République. C’est au gouvernement qu’il appartient de proposer la politique nationale, dans le domaine de l’eau comme dans les autres ; c’est au Parlement qu’il revient de l’approuver en dernier ressort : élu au suffrage universel, c’est bien lui qui détient la légitimité démocratique de définir les politiques mises en œuvre dans notre pays. Les comités de bassin constituent par ailleurs un lieu de débat et de concertation et une force de proposition irremplaçables ; les agences de l’eau sont de même un outil technique et financier extrêmement précieux pour l’adaptation de cette politique nationale aux réalités de chaque bassin et sa mise en œuvre concrète. Il appartient enfin à l’Etat, c’est à dire en l’occurrence au Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, de veiller à l’harmonisation nationale de ce qui est fait dans chaque bassin et de mettre en œuvre des politiques qui dépassent les limites des bassins versants.

C’est cette dernière préoccupation qui a motivé la création du fonds national de solidarité sur l’eau (FNSE). L’intérêt des réseaux de connaissance de la ressource en eau ne s’arrête pas aux frontières des bassins et il est étrange à cet égard de constater la grande hétérogénéité qui règne actuellement en matière de réseaux de connaissance, notamment en ce qui concerne les eaux souterraines. De même, la solidarité au bénéfice des départements d’outre-mer, où les enjeux liés à l’eau sont énormes, concerne indifféremment tous les bassins. Le FNSE permettra de mieux financer ces politiques horizontales. Il est doté de 500 MF pour cette année et je ne souhaite pas l’augmenter l’an prochain ; lors du 8è programme, son montant pourra être porté à un maximum de 1 milliard de francs par an en fonction de la répartition des compétences entre les agences de l’eau et l’Etat qui découlera de la préparation de la réforme : on est donc aux antipodes du racket arbitraire dénoncé par certains ; il s’agit bien au contraire de déterminer ensemble le curseur entre les responsabilités de chacun. J’ai évoqué la nécessaire solidarité en direction des DOM. Une réflexion est actuellement en cours pour clarifier le rôle de chacun dans ces départements ; elle devrait aboutir dans le cadre du projet de loi sur les DOM. En ce qui me concerne, je suis favorable à la création d’offices de l’eau susceptibles d’aider les collectivités à relancer les enjeux qu’ils rencontrent.

Le chantier de cette réforme est ouvert depuis bientôt deux ans. Il a d’ores et déjà donné lieu à une concertation approfondie qui s’est traduite par de nombreuses réunions de travail, avec vous ou vos représentants comme avec ceux de l’ensemble des organisations concernées. Je souhaite que cette concertation continue jusqu'à la finalisation du projet de loi à l’automne. La direction de l’eau a constitué des groupes de travail en ce sens ; je ne vois que des avantages à ce que vous fassiez de même dans vos bassins.

Je suis cependant préoccupée par des informations qui me remontent selon lesquelles des projets très précis de 8è programme d’intervention auraient déjà été préparés dans certaines agences et seraient sur le point d’être présentés aux comités de bassin. Ça me paraît prématuré et peu compatible avec l’exigence de large concertation qu’il me semble que nous partageons : un débat d’orientation ouvert sur les différentes options envisageables me paraîtrait à ce stade très préférable, un document beaucoup plus précis et finalisé pouvant ensuite être discuté lors des séances des comités de bassin de l’automne prochain. Une démarche trop rapide donnera à mon sens l’impression de vouloir préempter le débat et esquiver ainsi la concertation nécessaire.

J’en ai terminé avec mon propos liminaire ; j’ai beaucoup parlé : c’était je crois indispensable ; compte tenu de l’importance stratégique de la conférence d’aujourd’hui, je me devais de vous présenter aussi précisément que possible les thèmes sur lesquels j’entends fonder les futurs projets de loi. Je souhaite maintenant vous écouter pour que ces projets correspondent le mieux possible aux besoins des acteurs des bassins et puissent ainsi être soutenus par la communauté de l’eau dans son ensemble.

Je vous remercie de votre attention.

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