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Nelson Mandela rejoint la Commission pour le lancement d'une "Nouvelle direction pour la prise de décision concernant les politiques de l'avenir pour l'Eau et l'Énergie".
LONDRES, 16 Novembre, 2000 - La Commission Mondiale des Barrages a lancé aujourd'hui son Rapport Final, intitulé "Barrages et Développement : Un nouveau cadre pour la prise de décision", en cherchant à changer des controverses coûteuses en un consensus clair et productif.
Un objectif ambitieux ? Il peut bien fonctionner. La Commission a déjà réussi à réunir, pour la première fois, tous les acteurs d'un débat qui menait de plus en plus à la confrontation, concernant le rôle que 45.000 grands barrages ont joué dans le développement.
Pendant deux ans, un forum diversifié, composé d’ingénieurs, d’écologistes, de représentants de gouvernements, de peuples indigènes, de financiers, de personnes affectées par les barrages et de chercheurs académiques, engagés dans un processus sans précédent de formulation de politiques publiques globales. Après avoir vaincu leurs divergences, ils ont signé, à l’unanimité, un rapport qui aura un impact profond non seulement sur le rôle futur de l'industrie des barrages, évaluée à 42 milliards de $ US, mais aussi sur la façon de développer les ressources en eau et en énergie.
Au lancement du Rapport, devant 300 représentants de gouvernements, du secteur privé et de la société civile au niveau mondial, l'ancien Président d'Afrique du Sud, Nelson Mandela, a loué la nature constructive de cette Commission indépendante. Il a aussi comparé son travail à ses expériences personnelles : "C’est une chose de trouver des fautes dans un système. C'est une toute une autre chose, une tâche plus difficile, de leur substituer une meilleure approche."
Les points-clés du Rapport :
- Une évaluation, estimant que les barrages ont contribué considérablement au développement humain, mais dans un trop grand nombre de cas, avec des coûts sociaux et environnementaux inacceptables et souvent inutiles.
- Un nouveau cadre pour la prise de décisions qui dépasse le compromis simple coûts-bénéfice, pour aborder ample les “droits et risques”, en reconnaissant tous les acteurs légitimes lors des négociations des choix de développement.
- Un ensemble de valeurs fondamentales, priorités stratégiques, critères et directives pratiques qui devront guider la gestion des ressources en eau et en énergie pour le développement dans le futur.
- Un défi aux gouvernements nationaux, à la société civile, aux agences d'aide bilatérales et aux banques multilatérales de développement, aussi bien qu'au secteur privé, pour changer la façon d'envisager les ressources en eau et en énergie pour le développement.
Le rapport fournit la révision la plus complète, globale et indépendante sur les barrages jusqu'à aujourd'hui. La Révision Globale de la WCD examine la performance technique, financière et économique des barrages, ainsi que leur performance concernant l'environnement et les aspects sociaux. Avec son évaluation des alternatives potentielles aux barrages et l'étude du processus de la prise de décision, il offre des points de vue uniques sur l'un des débats les plus controversés sur le développement de notre temps.
Le Président de la WCD et Ministre de l'Éducation d'Afrique du Sud, Kader Asmal, et les membres de la Commission, ont présenté le Rapport à Londres, avec la participation de M. Mandela, du Président du Forum Mondial de l'Eau 2000, du Prince d'Orange, du directeur du Haut Commissariat de l'ONU pour les Droits Humains, Mary Robinson, du Président de la Banque Mondiale, James D Wolfensohn, et du Directeur Général de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), Maritta von Bieberstein Koch-Weser. Ces deux dernières institutions ont, conjointement, initié le processus qui a mené à la création de la WCD en 1998.
"Il ne sert à rien de construire des barrages d'un milliard de dollars, si vos monuments aliènent les plus faibles", a déclaré Asmal. "Il ne sert à rien de décréter l'arrêt de tous les barrages si vos protestations enchaînent seulement la pauvreté. Mais montrez-moi une façon claire et soutenable de fournir de la nourriture, de l'énergie, de la stabilité et de l'eau courante pour ceux qui en ont le plus besoin - CELA sert à quelque chose. Et c'est cela que nous avons fait."
Conclusions clés de la Révision sur les Grands Barrages :
La Commission Mondiale des Barrages a mené des rapports détaillés sur huit grands barrages en Turquie, Norvège, États-Unis, Zambie et Zimbabwe, Thaïlande, Pakistan, Brésil et Afrique du Sud. Il a également préparé des rapports par pays : l'Inde, la Chine, aussi bien qu'un rapport sur la Russie et les États récemment indépendants. Une étude sur 125 grands barrages a aussi été entreprise, avec 17 rapports thématiques sur les questions sociales, environnementales et économiques, sur les alternatives aux barrages et sur les processus de gestion et institutionnels. La WCD a reçu 947 soumissions et a organisé quatre consultations régionales dans les villes de Colombo, Sao Paulo, Le Caire et Hanoi, où les Commissaires ont écouté les expériences individuelles des responsables. Toutes ces informations ont formé le coeur de la Connaissance de Base de la WCD, qui a servi de base à la Commission sur les questions principales concernant les barrages et leurs alternatives.
La Commission a découvert que :
- Les barrages offrent des services considérables au développement dans plus de 140 pays. Sur une échelle globale, les barrages hydro-électriques fournissent 19% de l'électricité produite et sont engagés dans la production de 12% à 16% de la nourriture globale. 12% des grands barrages fournissent de l'eau domestique et industrielle, et les grands barrages fournissent des services de contrôle de l'inondation dans plus de 70 pays.
- Les grands barrages présentent un haut degré de variabilité dans l'offre des services d'eau et d'électricité prévus - aussi bien que dans les bénéfices sociaux en rapport avec eux - avec une portion considérable d'échecs par rapport aux objectifs physiques et économiques, pendant que d'autres continuent à produire des bénéfices après 30 à 40 années.
- Les grands barrages ont démontré une tendance nette à dépasser les délais du programme et à des surcharges de coût.
- Les grands barrages ont mené à la dégradation de forêts et d'habitats de la faune, de la biodiversité aquatique pour la pêche, en amont et en aval. La Commission a trouvé que les efforts pour contrecarrer l'impact des grands barrages sur l'écosystème avaient eu un succès limité.
- Les impacts sociaux négatifs reflètent un échec systématique dans l'évaluation et la comptabilisation des impacts négatifs potentiels pour les populations déplacées et réinstallées, aussi bien que des communautés habitant en aval. Les évaluations suggèrent que entre 40 et 80 millions de personnes ont été déplacés par les barrages, dans le monde entier, pendant que le mode de vie de beaucoup d'habitants en aval avait été affecté, mais cela n'a pas été reconnu. L'adoucissement, la compensation ou les programmes de réinstallation des populations ont souvent été inadéquats.
Alternatives aux Barrages pour le développement des ressources en eau et en énergie
La Commission a examiné les alternatives pour répondre aux besoins en énergie, eau et nourriture, et a trouvé que malgré l'existence de grands objectifs pour utiliser ces ressources, il n'existe aucune formule universelle, dans la mesure où les conditions locales et nationales sont centrales pour la détermination des options viables :
- il y a plusieurs options écologiquement et économiquement viables qui émergent, y compris les énergies éolienne et solaire, le recyclage, et la gestion locale de l'eau. Cependant, des obstacles tels que le marché, les barrières institutionnelles, intellectuelles et financières limitent le taux d'adoption des alternatives ;
- un système de gestion amélioré, en particulier dans le secteur de l'irrigation, mais aussi à travers la réduction du gaspillage de l'eau, un système de gestion plus efficace et un perfectionnement de la technologie de la distribution, peuvent alléger la demande pour des nouvelles sources d'approvisionnement ;
- la gestion de la demande a un potentiel considérable et fournit une occasion importante pour réduire les demandes en eau et en énergie.
Directives pour la prise de décision dans le Futur
Le Rapport estime qu’il n'est pas nécessaire d'échanger le gain d'une personne contre la perte d'une autre personne. En négociant des résultats suivant une analyse selon des critères multiples - techniques, environnementaux, économiques, sociaux et financiers - l'efficacité du développement des projets d'eau et d’énergie sera améliorée. Les projets défavorables seront éliminés à une étape préliminaire, et les options choisies seront celles choisies par les principaux acteurs sociaux comme mieux satisfaisant les besoins en question.
Les recommandations comprennent :
- Un ensemble de cinq valeurs centrales pour la prise de décision dans l'avenir - Équité, soutenabilité, efficacité, prise de décision participative et responsabilité.
- Une approche comprenant des droits et des risques pour identifier tous les acteurs légitimes dans la négociation des choix de développement et des accords.
- Sept Priorités stratégiques pour le développement des ressources en eau et en énergie : obtenir l'acceptation publique, évaluer amplement les options, améliorer les barrages existants, protéger les rivières et les formes de vie, reconnaître les droits et partager les bénéfices, assurer l'acquiescement, partager les rivières pour la Paix, le Développement et la Sécurité.
- Un ensemble de critères clairs pour évaluer l'acquiescement et 26 directives pour la révision et l'approbation de projets au cours des cinq étapes clés de la prise de décision.
Recommandations & Responsabilités
Pour accomplir ce nouveau cadre pour la prise de décision, la Commission fournit des recommandations spécifiques et des responsabilités pour les acteurs clés dans le débat.
Celles-ci reflètent les leçons apprises et offrent des orientations sur la façon d’atteindre un consensus sur l’usage optimal des ressources en eau et en énergie.
Les exemples incluent :
- des exigences environnementales pour soutenir les écosystèmes aquatiques ;
- des pactes d'intégrité pour les entrepreneurs et les promoteurs des projets ;
- des procédures pour évaluer les plaintes des parties endommagées et fournir des compensations ;
- des incitations financières et des sanctions pour assurer l'acquiescement ;
- des critères pour le financement international de barrages qui impliquent l'utilisation des eaux des rivières aux frontières entre pays ;
- des directives et accords obligatoires pour les programmes de déplacement de populations.
Le rapport WCD conclut avec une série de propositions sur la façon dont les différents groupes et institutions peuvent utiliser le rapport pour suivre les actions :
- Gouvernements : révision des procédures et règlements existants à propos des projets de grands barrages et licences avec limitation de temps pour tous les barrages.
- Société civile : assistance active pour identifier les acteurs importants pour les projets de barrage, en utilisant l'approche des droits et des risques, aussi bien que la capacité pour obtenir l'acquiescement moyennant des accords et aider les parties endommagés pour trouver le secours.
- Secteur privé : implantation de codes de conduite volontaires, systèmes de gestion et procédures de certification, et adoption de pactes d'intégrité et de plans d'acquiescement pour tous les contrats et acquisitions.
- Organisations de personnes affectés par les barrages : aide à la capacité technique et légale pour les besoins et les options dans les processus d'évaluation, à travers des réseaux de support ; identification des impacts sociaux et environnementaux non résolus et mobilisation des autorités pertinentes pour qu'elles prennent des mesures efficaces afin de les redresser.
- Agences d'aide bilatérales, Agences de crédit à l'exportation et Banques multilatérales de développement : établissement de procédures pour assurer que le financement approuvé pour les projets de barrages émerge d'un processus de classement d'alternatives, tout en respectant les directives de la Commission Mondiale des Barrages.
Le mandat de la Commission expire avec ce lancement, le 16 novembre. Le Forum de la WCD se rencontrera en Février 2001 pour déterminer des mécanismes supplémentaires pour la mise en oeuvre.
"La WCD s’adresse aux gouvernements, aux ONGs, aux entreprises, aux associations professionnelles, aux agences d'aide, aux industriels et aux peuples affectés pour mettre en pratique ce que nous prêchons, parce que nous prêchons seulement ce que nous mêmes avons pratiqué", conclut Asmal. "Nous avons écouté toutes les parties. Nous avons examiné des alternatives. Nous avons équilibré l'idéal et le possible, et avons pris la décision de signer ce rapport avec confiance. Nous n'excluons qu'une option de développement : l'inaction. Le coût du conflit est trop élevé."
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