Extrait de la note de conjoncture internationale, l'intégralité du document est disponible sur le site du MINEFI
Le commerce mondial a subi, depuis l'hiver dernier, sa plus forte contraction des vingt dernières années. Elle résulte d'un fléchissement général des demandes intérieures, provoqué initialement par un repli de l'investissement. Cet engrenage a, dès la mi-2001, provoqué l'entrée en récession des principales économies de la planète : les États-Unis, le Japon et l'Allemagne. Au total, la croissance mondiale n'atteindrait que 2% en 2001 et 2002.
Aux États-Unis, la révision à la baisse des anticipations de profits a entraîné dès la fin 2000 un fort repli des cours boursiers dans le secteur des nouvelles technologies et contrarié le financement des entreprises concernées. Il s’en est suivi une contraction des investissements, qui s’est propagée à l’ensemble de l’économie. Confrontées à ce retournement, les entreprises ont ajusté brutalement leurs stocks, ce qui a encore renforcé le ralentissement.
Le début de la récession américaine, officiellement daté à mars 2001, marque ainsi la fin
de dix ans d’expansion. Selon ses comptables nationaux, le Japon aurait lui connu un début d’année 2001 relativement satisfaisant. Cependant, cette reprise n’a jamais paru solide : ni l’investissement ni la consommation ne semblent en mesure d’assurer spontanément le retour à une croissance durable. Le recul de la demande intérieure, lié au contexte déflationniste et aux problèmes structurels de l’économie japonaise, entraînerait à nouveau une réces-sion
dès cette année. En Allemagne, les difficultés chroniques du secteur de la construction et celles du marché du travail ont affecté l’activité en début d’année, malgré les effets transitoires des allégements fiscaux sur la consommation privée. Puis, les flambées inflationnistes provenant des secteurs alimentaire et énergétique sont venues rogner le pouvoir d’achat des ménages. Ainsi fragilisée, et peu soutenue par les exportations, l’économie allemande est entrée en récession au second semestre. Deux grandes économies émergentes se sont également affaissées, l’Argentine et la Turquie, mises à mal par de graves crises financières qui ont asphyxié l’économie réelle. Si après une violente con-traction,
l’activité en Turquie semble sur la voie d’une stabilisation, l’évolution de l’Argentine demeure en revanche très incertaine
(Cf. dossier “Argentine : dix ans de currency board”.).
Via les échanges mondiaux, ces évolutions défavorables se sont propagées à l’ensemble des pays
industrialisés. Le Canada et le Mexique, partenaires privilégiés des États-Unis au sein de l’Accord Nord-Américain de Libre Echange, ont été durement frappés. Les économies asiatiques spécialisées dans les nouvelles technologies – Taïwan, Singapour, Hong Kong et la Malaisie – ont vu leurs débouchés à l’exportation se tarir et leur activité se contracter fortement. In fine, à des degrés divers, toutes les zones ont souffert de ce ralentissement du commerce mondial.
Certains pays, tels la Chine, l’Inde et la Russie ont cependant mieux résisté. Ils ont bénéficié d’une moindre présence dans les NTIC et d’une demande intérieure plus autonome. L’économie russe aurait notamment profité du haut niveau des cours du pétrole, et de ses effets bénéfiques sur les réserves de changes et la profitabilité des industries. Parmi les
grands pays industrialisés, c’est le Royaume-Uni qui paraît avoir le mieux résisté grâce à une
consommation très soutenue, et ce en dépit d’une sérieuse récession industrielle dans le secteur des nouvelles technologies.
La zone euro a connu une évolution contrastée en 2001. Si la consommation est demeurée dynamique au premier semestre, sous l’effet notamment de la réforme fiscale allemande, les perspectives des chefs d’entreprises se sont en revanche fortement détériorées. Face à la dégradation de l’environnement international, les entreprises ont peu à peu réduit leurs dépenses d’investissement et diminué leurs stocks. L’activité européenne aurait ainsi sta-gné
au troisième trimestre, et se stabiliserait au mieux en fin d’année.
La décélération qui s’opérait dans l’économie mondiale a été amplifiée par les attentats du 11 septembre. Ces évènements ont entraîné une dégradation supplémentaire du climat de confiance dans la plupart des pays de l’OCDE. Aux États-Unis, les répercussions sectorielles de cette montée de l’insécurité se révèleraient temporaires pour la finance, mais potentiellement plus durables pour le tourisme ou l’aéronautique
(Cf. dossier “L’impact sectoriel des attentats du 11 septembre sur l’économie américaine”.). En outre, les licenciements qui avaient jusque là été suspendus se sont massivement matérialisés après les attaques. Au total, s’il est indéniable que ces évènements ont repoussé la reprise économique, la résolution rapide de la crise en Afghanistan devrait en revanche aider à stabiliser la situation.
Le ralentissement de l’activité mondiale a naturellement entraîné un affaiblissement de la demande de matières premières. En conséquence les prix ont sensiblement chuté, comme celui
du cuivre par exemple. Les composants électroniques produits en Asie ont suivi la même évolution.
Le prix du pétrole dépend pour sa part, dans une large mesure, de la régulation de l’offre par l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole. Si l’OPEP a tenté de contrer la baisse de la demande en diminuant à trois reprises ses quotas de production depuis le début de l’année, elle n’est pas parvenue cependant à empêcher le prix du baril de passer de 25 dollars au troisième trimestre à un peu moins de 20 dollars début décembre. Ce niveau de
cours demeure cependant nettement supérieur aux 10 dollars atteint au moment de la crise asiatique.
Cette évolution du prix des produits de base est bien sûr favorable aux pays importateurs, mais elle constitue une dégradation substantielle des termes de l’échange des pays exportateurs, qui grève fortement leurs balances courantes. Cet effet prix est marqué pour le Canada ou les pays de l’ASEAN : en volume, leurs soldes commerciaux ne se seraient que légèrement dégradés.
Parallèlement à cette désinflation cyclique, les politiques monétaires ont été fortement orientées vers un soutien de l’activité. La diminution des taux directeurs des banques centrales a été massive dans de nombreux pays depuis le début de l’année : 475pdb aux États-Unis et à Hong Kong, 350pdb au Canada, 150pdb en zone euro... Le mouvement de détente monétaire s’est encore accru après le 11 septembre afin d’assurer un approvisionnement de
liquidités suffisant. Les premières baisses de taux ayant eu lieu dès janvier 2001, les délais courants de transmission de la politique monétaire à l’économie réelle sont désormais atteints. Cependant, aux États-Unis, des deux effets immédiats à attendre d’un relâchement monétaire – baisse du dollar, remontée des cours boursiers – seul le redressement de la bourse semble se matérialiser. Avec des taux d’intérêt réels de court terme très faibles, l’investis-sement ne devrait plus être financièrement contraint lorsque les perspectives de demande se redresseront.
Les politiques budgétaires soutiennent également l’activité dans la plupart des pays. Les allègements fiscaux en Europe ont dynamisé la consommation, notamment au premier semestre. En
2002, dans la zone euro, les stabilisateurs automatiques devraient fortement jouer. Le gouvernement fédéral américain dispose d’importants surplus et les a massivement utilisés pour alimenter la demande intérieure et contrer les effets sectoriels des attentats. Le Canada ne devrait assouplir sa politique budgétaire que l’année prochaine. Le gouvernement japonais, devant le caractère critique de la situation, s’est finalement résolu à un nouveau plan
de relance de l’ordre de 0,6% de PIB. Tous ces soutiens publics simultanés constitueraient une des principales sources de la reprise mondiale courant 2002.
L’Europe profiterait en premier lieu de la désinflation. Même en restant proche de 20 dollars, le prix du baril diminuerait de 20% en moyenne annuelle. Cette baisse permettrait,
conjointement avec un retour à la normale des prix alimentaires, un net ralentissement de l’inflation qui soutiendrait les revenus réels, également confortés par le dynamisme persistant des marchés du travail en Italie et en Espagne. Après un léger décrochage en fin d’année, dû à l’attentisme des ménages face à l’évolution de l’environnement international, la consommation évoluerait ainsi de manière positive dès le début 2002. L’Allemagne ne
profiterait de cette désinflation qu’au deuxième trimestre, des augmentations de taxes indirectes venant contrecarrer la baisse du prix des matières premières en janvier. Au total, les échanges intra européens commenceraient à redémarrer dès le printemps, améliorant d’autant les perspectives des chefs d’entreprises. Au second semestre, la crise du secteur de l’équipement, et plus particulièrement des NTIC, se résoudrait. Aux États-Unis, la suraccumulation observée se résorberait à l’été
(Cf. dossier “A quelle vitesse se résorberait le surinvestissement américain ?”.) sous l’effet conjugué de la contraction de l’investissement, de la dépréciation rapide de ce type d’équipement et de la baisse toujours marquée de son coût d’usage. Les achats, la production, le stockage et les importations
nécessaires à l’investissement repartiraient alors. On assisterait ainsi à l’inversion des phénomènes observés à la fin de l’année 2000. Le commerce mondial repartirait initialement en Asie et au Mexique et permettrait aux pays de l’ASEAN de renouer avec une forte croissance sur la fin 2002.
La reprise européenne s’affirmerait. Le Japon bénéficierait ainsi de l’amélioration de l’environnement international, qui ne suffirait cependant pas à compenser ses difficultés internes. L’activité y reculerait donc pour la deuxième année consécutive.
Au total, le commerce mondial retrouverait en fin d’année un rythme légèrement supérieur à son
rythme tendanciel et le cycle de l’électronique connaîtrait parallèlement une reprise marquée.
Les principaux aléas pesant sur ce scénario sont de deux ordres. Ils concernent tout
d’abord le calendrier et l’ampleur de la reprise : tout délai supplémentaire dans la reprise de l’investissement aux États-Unis se répercuterait sur le commerce mondial. D’un autre côté, l’assouplissement des politiques macro-économiques est tel qu’il pourrait entraîner un redémarrage de l’activité plus marqué.
Cependant, des problèmes structurels demeurent. Même si le taux d’épargne des ménages américains s’est quelque peu rétabli, les excédents publics ont fondu. L’épargne nationale reste toujours insuffisante pour financer l’économie américaine, et le déficit courant s’améliorerait à peine. La dette publique japonaise, sous le coup des mauvaises performances économiques et du nouveau plan de relance, se dégraderait une nouvelle fois. Enfin, les crises argentines et turques sont susceptibles, en cas d’aggravation, d’avoir des répercussions négatives sur le monde émergent.
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