" Le développement de l’internet et de la société de l’information représente un enjeu économique, social et culturel dont le Gouvernement a pris la mesure depuis 1997 au travers du Programme d’Action Gouvernemental pour la Société de l’information. Grâce à la prise de conscience de la population, des acteurs économiques et du Gouvernement, la France a rattrapé depuis deux ans à un rythme accéléré le retard qu’elle avait accumulé.
La diffusion du commerce électronique, les nouvelles formes d’accès aux réseaux et, plus généralement, le développement des communications en ligne posent des questions juridiques nouvelles. C’est pourquoi le Premier ministre a annoncé le 26 août 1999 l’adaptation de notre droit à l’essor de la société de l’information.
Le Ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie avec le Secrétaire d’Etat à l’Industrie, en étroite liaison avec la Ministre de la Justice et la Ministre de la Culture et de la Communication, ont rendu public, le 5 octobre 1999, un document d’orientation sur l’ensemble des questions juridiques posées par la société de l’information. Ce document d’orientation a été soumis jusqu'à la fin 1999 à une consultation publique.
A l’occasion de la fête de l’internet, Elisabeth Guigou, Christian Sautter, Catherine Trautmann et Christian Pierret rendent publique la synthèse de cette consultation.
La consultation publique est un succès. Saluée par tous comme un moyen nouveau de faire vivre le débat démocratique en utilisant les ressources procurées par la société de l’information, la consultation publique a rencontré un large écho tant auprès des utilisateurs de l’internet qu’auprès des acteurs économiques et des fournisseurs de contenu. Près de 400 contributions ont été reçues, notamment de la part d’autorités administratives indépendantes, d’associations d’élus, d’organismes professionnels, d’associations d’utilisateurs. Elles sont pour la grande majorité d’entre elles disponibles sur le forum en ligne. Les douze tables rondes ont permis de réunir environ 250 participants venant d’horizons divers, qu’il s’agisse d’associations, d’entreprises ou encore de particuliers. Le compte-rendu détaillé est également disponible en ligne.
Au-delà de ces aspects quantitatifs, la qualité des échanges a permis de débattre en profondeur des orientations proposées par le Gouvernement, d’en valider les grandes lignes, d’enrichir sur de nombreux aspects pratiques la réflexion du Gouvernement et d’appeler son attention sur des sujets qui n’avaient pas été mentionnés explicitement dans le document d’orientation : le régime des ventes aux enchères en ligne, la fiscalité applicable aux transactions en ligne, qui fait l’objet de négociations communautaires concernant la taxe sur la valeur ajoutée ; le dépôt légal applicable aux communications en ligne ; l’exercice des droits syndicaux pour qu’il bénéficie de la société de l’information ; la diffusion des données publiques sur l’internet.
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Les orientations proposées par le Gouvernement sont confirmées par la consultation des publics intéressés. Ces orientations reposent sur trois piliers :
- internet n’est pas un espace de non droit. Les principes de notre droit doivent s’appliquer en ligne s’agissant par exemple de la protection des mineurs, de la vie privée, ou encore du consommateur. En revanche, les modalités concrètes qui permettront d’appliquer ces principes efficacement à l’internet doivent être précisées par la loi chaque fois que la société de l’information crée un contexte nouveau, comme c’est le cas par exemple pour le rôle des intermédiaires techniques.
- la société de l’information et l’internet doivent reposer sur la responsabilisation des acteurs. Parce que régulation et autorégulation se complètent, l'internet relève nécessairement d'une "corégulation". Il ne s’agit en aucune manière de remettre en cause les pouvoirs respectifs du juge, du Gouvernement et du Parlement pour définir et faire appliquer le droit, ou d’aller à l’encontre des initiatives des acteurs concernés pour promouvoir la société de l’information, mais bien au contraire d’assurer un dialogue permanent entre tous les acteurs pour que la France soit exemplaire en matière de bonnes pratiques sur l’internet.
- la dimension internationale, et en particulier européenne, de la société de l’information doit être prise en compte. D’importantes directives communautaires ont été adoptées ou sont sur le point de l’être ; il convient de les transposer en droit interne. Avec ce plan d’action, le Gouvernement entend continuer à faire en sorte, en particulier lors de la présidence de l’Union européenne par la France, que se développe une société de l’information européenne respectueuse de nos principes démocratiques. Au delà des aspects communautaires, la France continuera à mobiliser les différentes enceintes internationales sur la société de l’information. Elle accueillera une conférence du G8 sur la criminalité liée aux technologies de l’information.
Une société de l’information protectrice de la liberté des personnes - en particulier de la liberté d’expression - et respectueuse des droits de chacun ; une société de l’information qui contribue au dynamisme de la croissance et de l’emploi en France, tel est l’esprit qui anime le Gouvernement dans l’adaptation de notre droit à la société de l’information.
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L’adaptation de notre droit à la société de l’information est maintenant en cours à vitesse accélérée. Plusieurs chantiers législatifs ont déjà été ouverts :
- à l’initiative de la Ministre de la Justice, la signature électronique et la valeur probante du document numérique sont désormais reconnus par la loi du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique. Les décrets d’application sont en cours de préparation par le Ministère de la Justice et le Secrétariat d’Etat à l’Industrie.
- les responsabilités des intermédiaires techniques, les conditions de mise en œuvre de la diffusion numérique hertzienne et l’accès des offres de programmes aux décodeurs sont examinés par le Parlement dans le cadre du projet de loi relatif à l’audiovisuel présenté par la Ministre de la Culture et de la Communication. Cette loi permettra ainsi de clarifier les conditions dans lesquelles la responsabilité des intermédiaires techniques peut être engagée pour les contenus qu’ils véhiculent ou mettent à disposition du public sur internet ;
- le projet de loi relatif aux enchères publiques préparé par la Ministre de la Justice actuellement examiné par l’Assemblée nationale sera adapté au cas spécifique des ventes en ligne avec pour objectif d’assurer la dynamique de cette activité en France sans remettre en cause la protection du patrimoine et des consommateurs ;
- la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés sera modifiée sur proposition de la Ministre de la Justice afin de préciser les conditions dans lesquelles la protection des données à caractère personnel est assurée dans le cadre de la société de l’information .
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Les autres questions que pose le développement de la société de l’information devront être envisagées dans leur globalité. Elles seront abordées à l’automne dans un projet de loi sur la société de l’information, dont la préparation a été confiée à Christian Pierret. Ce projet de loi s’articulera autour de trois axes :
- Assurer la liberté des communications en ligne.
La liberté de communication, valeur fondatrice de notre société, est en effet au cœur de la société de l’information, comme l’a souligné la consultation publique. Les modalités selon lesquelles cette liberté sera garantie s’agissant des communications en ligne seront précisées. Internet incite à une responsabilisation accrue des acteurs dont le besoin est souligné largement dans la consultation publique, notamment en termes de démarche qualité, de codes de conduite ou de labellisation. La corégulation de la société de l’information fait à ce titre l’objet d’une mission confiée par le Premier ministre à Christian Paul, député de la Nièvre. Il conviendra également d’adapter la propriété intellectuelle aux spécificités de la diffusion numérique et en ligne, dans la perspective notamment de la directive européenne en cours de négociation sur les droits d’auteurs et les droits voisins dans la société de l’information. Les règles applicables en matière de dépôt légal, d’accès gratuit aux données publiques essentielles seront précisées. Les principes de gestion des noms de domaines seront clarifiés, leur gestion étant assurée par un organisme désigné par le ministre chargé des télécommunications en concertation avec les acteurs.
- Favoriser l’accès du plus grand nombre aux réseaux de la société de l’information.
La diffusion de l’accès à l’internet dans la population constitue un objectif prioritaire, largement mis en avant dans la consultation publique. L’accès à l’internet est assuré en France sur tout le territoire à des tarifs désormais inférieurs ou égaux au prix des communications locales et se diffuse rapidement au sein de la population et des entreprises, notamment les PME. La France plaidera auprès de ses partenaires européens en faveur d’une vision évolutive du service universel et proposera une extension à l’accès des établissements scolaires à l’internet. Les régimes juridiques des réseaux câblés et des réseaux de télécommunications seront harmonisés. Le développement des systèmes à satellites fera l’objet de propositions législatives assurant une gestion efficace des assignations de fréquences à des systèmes à satellites déclarées par la France dans le cadre de l’Union internationale des télécommunications.
- Veiller à la sécurité et à la loyauté des transactions en ligne.
La protection des consommateurs sera renforcée dans les transactions électroniques. La proposition de directive relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur a fait l’objet d’une position commune du Conseil le 28 février dernier : pour les transactions entre pays européens, le droit applicable aux activités du vendeur ou du prestataire sera celui du pays dans lequel il est établi, permettant aux entreprises installées en France de bénéficier du droit français pour leurs activités ; dans ce cas, les consommateurs seront protégés dans leur contrats d’achats en ligne par les règles obligatoires prévues par le droit national. Par ailleurs, les démarches engagées pour la transposition de la directive relative aux contrats conclus à distance et les discussions en cours sur les services financiers à distance offriront des garanties supplémentaires à la protection des consommateurs. Conformément aux attentes exprimées par les utilisateurs lors de la consultation, le projet de loi sur la société de l’information comportera un volet important destiné à garantir une information transparente des utilisateurs sur les services disponibles.
Le projet de loi sur la société de l'information précisera les règles applicables en matière
de données de connexion.
Enfin, la modification de la loi de réglementation des
télécommunications de 1996 permettant la liberté complète de l'utilisation des moyens
de cryptologie sera mise en oeuvre."