Bruxelles, 24 juillet 2003
Dans le cadre de ses actuels efforts pour assurer un niveau élevé de protection de l'environnement et de la santé humaine, la Commission européenne a décidé de nouvelles actions en justice contre la France, le Royaume-Uni, le Portugal, l'Italie, les Pays-Bas, l'Espagne, l'Irlande, la Belgique, le Luxembourg, la Grèce et la Suède pour non-respect des dispositions législatives européennes dans le domaine de la qualité de l'eau. La Commission a demandé que les États membres suivants se conforment aux arrêts de la Cour de justice en ce qui concerne la législation sur l'eau: la France (eaux de baignade), la Belgique (eau potable) et le Luxembourg (nitrates). S'ils ne se conforment pas à ces arrêts de la Cour, les États membres pourraient se voir imposer des amendes substantielles. Par ailleurs, la Commission a décidé de citer les États membres suivants devant la Cour de justice, pour ne pas avoir mis en œuvre la législation sur l'eau: l'Irlande (eaux souterraines), la France (eau potable, Bretagne), l'Espagne (eaux urbaines résiduaires, eaux de baignade et eaux conchylicoles, Galice) et la Grèce (traitement des eaux urbaines résiduaires près d'Athènes). Elle a demandé au Royaume-Uni, au Portugal, à l'Italie et aux Pays-Bas d'améliorer leur mise en œuvre de la réglementation européenne en matière de traitement des eaux urbaines résiduaires. La France a reçu la même demande pour les eaux potables polluées dans la région des Deux-Sèvres. Ces demandes sont transmises sous la forme d'ultimes avertissements écrits ("avis motivés"). Le non-respect de la législation de l'eau peut entraîner une pollution des rivières, lacs, nappes aquifères et eaux côtières, qui peut à son tour constituer un danger pour la santé publique.
Margot Wallström, commissaire européen chargée de l'Environnement, a commenté ces décisions en ces termes: "les actions de la Commission montrent que les États membres doivent se montrer plus actifs pour protéger l'eau potable des citoyens et pour protéger les ressources en eau dont nous dépendons tous. J'invite instamment les États membres à se conformer au plus vite à la législation communautaire sur l'eau."
La situation dans les différents États membres
Le 15 mars 2001, la Cour de justice a condamné la France pour ne pas avoir respecté les normes de qualité de l'eau, ni contrôlé les eaux de baignade aussi souvent que le prévoit la directive en la matière (affaire C-2000/147). Il subsiste des problèmes de qualité, et la fréquence des contrôles n'a pas alignée sur la directive. Par conséquent, la Commission a envoyé à la France un dernier avertissement écrit en vertu de l'article 228 du traité.
La Commission a également décidé de citer la France devant la Cour de justice pour d'infractions (en Bretagne) aux normes de qualité que la directive sur l'eau potable prévoit pour les nitrates. Les informations fournies par les autorités françaises indiquent qu'en 2001, 4,4 % de la population de cette région était approvisionnée en eau potable dépassant la limite de 50 mg/ l fixée par la directive pour les nitrates. Le 8 mars 2001, dans une autre affaire, la Cour de justice a condamné la France en raison des concentrations élevées de nitrates qui avaient été détectées dans les eaux superficielles en Bretagne. Ces eaux étaient utilisées pour le captage d'eau potable (affaire C-1999/266). Alors que la première affaire concernait la pollution de sources d'eau potable, l'affaire en l'espèce concerne la qualité de l'eau potable fournie aux consommateurs.
La Commission a également envoyé à la France un dernier avertissement écrit en vertu de l'article 226 du traité, à la suite de l'examen d'une plainte concernant la région des Deux-Sèvres. Dans cette région, l'agriculture intensive a augmenté les concentrations de nitrates et de pesticides à la fois dans les eaux non traitées qui sont utilisées pour le captage de l'eau potable, et dans l'eau fournie aux consommateurs. La Commission considère qu'il y a donc eu infractions à la directive sur les eaux superficielles et à la directive sur l'eau potable.
La Commission a envoyé au Royaume-Uni un dernier avertissement écrit parce qu'il utilise un système inapproprié pour désigner les zones sensibles et moins sensibles, en application de la directive sur le traitement des eaux urbaines résiduaires. La Commission reproche en particulier que les désignations ne sont pas juridiquement contraignantes, ni communiquées de manière suffisamment claire au public. Le système britannique actuel s'est basé sur des rapports ad hoc annonçant la désignation de nouvelles zones et le retrait d'anciennes zones. Il est donc très difficile pour le public d'avoir une liste actualisée des zones désignées.
La Commission a envoyé au Portugal un dernier avertissement à la suite d'une plainte selon laquelle des rejets provenant d'usines de traitement du lait, à Angra do Heroísmo dans les Açores, contribuaient à la pollution des eaux marines. Les informations de la Commission indiquent que le Portugal ne respecte pas la directive sur le traitement des eaux urbaines résiduaires, ni la directive cadre sur l'eau(1).
La Commission a envoyé à l'Italie un dernier avertissement écrit pour ne pas avoir désigné onze masses d'eaux (lacs, rivières, bassins, etc.) en tant que zones sensibles en vertu de la directive sur le traitement des eaux urbaines résiduaires. Les zones en question sont le lac de Garde, le lac Idro, le bassin de Sarca-Mincio, le bassin de l'Oglio, le bassin de l'Adda, le bassin méridional Lambro-Olona, le bassin du Tessin, le Greve, l'Arno (en aval de Florence), le golfe de Castellammare (Sicile) et la mer Adriatique (bassin septentrional). Ces zones sont situées en Lombardie, Vénétie, Toscane, Trentin-Haut Adige, Sicile, Émilie-Romagne et Frioul. Le fait de ne pas avoir désigné ces zones comme sensibles, signifie qu'elles ne peuvent pas bénéficier d'une exigence juridique garantissant que les rejets provenant des grands centres urbains sont d'abord soumis à un traitement rigoureux des eaux usées.
La Commission a envoyé aux Pays-Bas un dernier avertissement écrit pour ne pas avoir suffisamment réduit la pollution provoquée par les rejets d'eaux urbaines résiduaires sur leur territoire. Les Pays-Bas ont choisi de se conformer à une disposition de la directive sur le traitement des eaux urbaines résiduaires qui concerne des pourcentages minimaux de réduction pour certaines substances. La directive exige qu'il soit prouvé que le pourcentage minimal de réduction du phosphore total introduit dans toutes les usines de traitement des eaux urbaines résiduaires aux Pays-Bas soit d'au moins 75 %, de même que pour l'azote. La Commission n'a pas reçu la preuve que le pourcentage de réduction requis pour l'azote a été respecté. La Commission n'est pas satisfaite non plus de la méthode de calcul utilisée par les Pays-Bas pour évaluer si ces exigences sont respectées.
La Commission a décidé de renvoyer l'Espagne devant la Cour de justice pour avoir enfreint la directive sur les eaux urbaines résiduaires, la directive sur les eaux de baignade et la directive sur les eaux conchylicoles, dans plusieurs plages à Ría de Vigo en Galice, notamment à "Videira", "Niño do Corvo" et "Canabal", dans la municipalité de Moaña. Les résultats des contrôles montrent des niveaux très élevés de coliformes fécaux, un indicateur de pollution due aux égouts. Ce problème est dû au fait que les opérations de traitement des eaux usées n'ont pas été correctement améliorées dans la région.
La Commission a décidé de renvoyer l'Irlande devant la Cour de justice pour ne pas s'être conformée à la directive sur les eaux souterraines. Cette décision fait suite à l'examen de trois plaintes accusant les autorités de ne pas avoir appliqué correctement les dispositions en matière d'examen et d'autorisation concernant les rejets en eaux souterraines. Les plaintes portent sur un site de décharge à Avoca (comté de Wicklow), un cimetière pour animaux à Ballinrobe (comté de Mayo), et un hôtel à Creakan Lower, New Ross (comté de Wexford). L'enquête a montré qu'aucune autorisation en matière d'eaux souterraines n'avait été délivrée pour le cimetière animal, que l'élimination des eaux usées à Creakan Lower s'effectuait depuis plusieurs années sans autorisation, et que l'agence irlandaise de protection de l'environnement n'avait pas correctement assuré la protection des eaux souterraines à Avoca. L'Irlande interprète également la directive de manière trop restrictive, n'exigeant pas de procédure d'enquête et d'autorisation en matière d'eaux superficielles dans toutes les situations prévues par la directive.
Le 16 janvier 2003, la Cour de justice a jugé que la Belgique n'avait pas notifié la législation nationale nécessaire pour mettre en œuvre la directive européenne de 1998 sur l'eau potable (affaire C-2002/122). La législation nécessaire manque toujours pour la région wallonne. La Commission a donc envoyé à la Belgique un premier avertissement écrit en vertu de l'article 228 du traité.
La Commission a décidé d'envoyer au Luxembourg un dernier avertissement écrit en vertu de l'article 228, en ce qui concerne la directive sur les nitrates. Cette décision fait suite à une enquête entamée en 1997. Estimant que le Luxembourg ne s'était pas conformé à la directive sur les nitrates, la Commission a renvoyé l'affaire devant la Cour de justice en 2000 (affaire C-2000/266). Les craintes de la Commission étaient centrées sur le fait que le Luxembourg ne respectait pas la directive au niveau de la teneur et du suivi des programmes d'action. En particulier, le Luxembourg n'a pas maintenu un équilibre entre les besoins en engrais des cultures et la présence de nitrates provenant des différentes sources, comme le prévoit la directive. En particulier, la législation luxembourgeoise semble porter uniquement sur les engrais biologiques et ne contient pas de dispositions sur les engrais chimiques. D'autres problèmes ont également été identifiés, tels que la surveillance de l'eau. Les stations d'échantillonnage des eaux superficielles, notamment, couvrent uniquement les zones de captage d'eau potable, tandis que plusieurs rivières ne sont pas correctement surveillées. Le 8 mars 2001, la Cour de justice a prononcé un arrêt contre le Luxembourg sur la base de ces manquements. Le Luxembourg n'a toujours pas pris les mesures de correction nécessaires.
La Commission a décidé de renvoyer la Grèce devant la Cour de justice, pour avoir pris des mesures inadéquates afin de traiter les eaux urbaines résiduaires d'Athènes. Il est prévu que les eaux de la ville seront traitées par une nouvelle grande installation située à Psittalia (capable de traiter les eaux usées de cinq millions d'habitants). Or, la protection des eaux réceptrices dans le golfe de Saronikos, qui est une zone sensible, exige un traitement plus rigoureux, et les dispositions n'ont pas encore été prises - alors que le délai fixé par la directive sur le traitement des eaux usées a expiré en décembre 1998.
Contexte
La directive sur les eaux superficielles(2) vise à protéger et à améliorer la qualité des eaux superficielles utilisées pour le captage d'eau potable. Elle fixe des normes et oblige les États membres à établir un plan d'action global et cohérent pour toutes les eaux, en s'attachant particulièrement aux eaux de qualité médiocre. L'objectif poursuivi consistait à promouvoir une réduction de la pollution dans les douze années de l'entrée en vigueur de la directive.
La directive sur l'eau potable(3) établit des normes de qualité pour l'eau potable et constitue un instrument capital pour la protection de la santé publique. Ces normes s'appliquent à une large gamme de substances, de propriétés et d'organismes (appelés paramètres). La directive est particulièrement stricte en ce qui concerne les paramètres microbiologiques, étant donné leurs implications pour la santé publique
La directive sur le traitement des eaux urbaines(4) s'attaque à la pollution liée aux nutriments, à la pollution bactérienne et à la pollution virale causées par les eaux urbaines résiduaires. Les eaux urbaines résiduaires qui déversent des concentrations excessives de nutriments (phosphore et azote en particulier) dans les mers et les rivières provoquent un phénomène "d'eutrophisation". Ce phénomène se produit en cas de développement accéléré d'organismes photosynthétiseurs dans l'eau (notamment des algues). Ce développement entraîne une diminution des taux d'oxygène, lorsque les organismes microbiologiques dégradent les algues mortes et les autres matières organiques, et provoque d'autres nuisances écologiques. En finale, il provoque un déséquilibre des organismes présents dans l'eau, ainsi qu'une réduction de la qualité de l'eau. Ce phénomène peut modifier totalement l'écosystème d'un lac ou d'une mer. Il peut même entraîner la mort d'un très grand nombre de poissons. En introduisant des bactéries et des virus potentiellement nuisibles, les rejets font également naître des risques pour la santé humaine, dans les eaux qui sont utilisées pour les baignades ou pour la culture de coquillages.
La directive exige que les centres urbains respectent des normes minimales en matière de collecte et traitement des eaux usées, et fixe des délais à cet égard. Deux délais ont expiré à la fin de 1998 et 2000. Un troisième doit expirer en 2005. Ces échéances sont fixées en fonction de la sensibilité des eaux réceptrices, et de la taille de la population urbaine touchée. La directive obligeait les États membres à identifier les zones sensibles pour le 31 décembre 1993, et à respecter des normes strictes pour le rejet d'eaux usées directement dans des zones sensibles ou dans leur bassin versant. Cette mise en conformité devait être achevée pour le 31 décembre 1998 (les mêmes dispositions s'appliquent à l'extraction des nutriments qui contribuent à l'eutrophisation). La directive impose aussi d'autres exigences, concernant notamment les eaux usées de certaines industries agro-alimentaires, la surveillance des rejets d'eaux usées et les boues.
La directive sur la qualité des eaux de baignade(5) joue également un rôle important pour la protection de la santé publique. Elle vise à garantir que les eaux de baignade respectent des critères minimaux de qualité, en établissant une série de normes européennes contraignantes et rigoureuses pour une série de paramètres clés (y compris des indicateurs de la présence de bactéries fécales).
La directive imopse aussi aux États membres de contrôler régulièrement la qualité des eaux et de transmettre des rapports annuels à la Commission, détaillant la qualité des eaux de baignade. L'échéance légalement fixée pour se conformer à ces normes était 1985. Les performances des États membres sont détaillées dans le rapport annuel sur la qualité des eaux de baignade, disponible à l'adresse (http://europa.eu.int/water/water-bathing/report.html )
La directive sur les eaux souterraines(6) exige que les États membres appliquent un système d'enquête et d'autorisation pour l'élimination des déchets et pour d'autres activités, de manière à garantir que les eaux souterraines ne soient pas polluées par des substances dangereuses.
La directive sur les nitrates(7) vise à prévenir l'introduction, dans les eaux superficielles et souterraines, de concentrations excessives de nitrates dues à la présence de quantités trop importantes d'engrais et déchets d'origine agricole. Les concentrations excessives de nitrates provoquent des modifications écologiques indésirables dans l'eau et contribuent à la prolifération d'algues nuisibles. Ils peuvent également être néfastes pour la santé publique. La directive exigeait, pour décembre 1993, que les États membres contrôlent les eaux superficielles et les eaux souterraines, répertorient les eaux polluées par les nitrates et désignent les zones vulnérables (zones d'agriculture intensive qui incluent des eaux polluées par les nitrates).
La directive sur les eaux conchylicoles(8) exige que les États membres désignent les eaux qui ont besoin d'être protégées ou d'être améliorées pour pouvoir accueillir des coquillages. Elle exige aussi, notamment, que des normes de qualité obligatoires soient respectées dans les eaux qui ont été désignées. Elle oblige les États membres à prélever régulièrement des échantillons et à établir des programmes de réduction de la pollution.
Procédure juridique
L'article 226 du traité habilite la Commission à entamer une procédure contre un État membre qui manque à ses obligations.
Lorsque la Commission estime avoir constaté une infraction au droit communautaire qui justifie l'ouverture d'une procédure d'infraction, elle adresse une «lettre de mise en demeure» (ou premier avertissement écrit) à l'État membre concerné en lui demandant de lui soumettre ses observations dans un délai déterminé, qui est généralement de deux mois.
En fonction de la réponse ou en l'absence de réponse de l'État membre en question, la Commission peut décider de lui adresser un «avis motivé» (deuxième avertissement écrit). Elle y expose clairement et à titre définitif les raisons pour lesquelles elle estime qu'il y a eu infraction au droit communautaire, et invite l'État membre à se conformer à l'avis dans un délai déterminé, qui est généralement de deux mois.
Si l'État membre ne se conforme pas à l'avis motivé, la Commission peut décider de porter l'affaire devant la Cour de justice des Communautés européennes.
L'article 228 du traité habilite la Commission à poursuivre un État membre qui ne s'est pas conformé à un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes. Cet article autorise également la Commission à demander à la Cour d'imposer à l'État membre concerné le paiement d'une amende.
Pour obtenir des statistiques actualisées sur les infractions en général, veuillez visiter le site web suivant:
http://europa.eu.int/comm/secretariat_general/sgb/droit_com/index_en.htm#infractions
(1)irective 75/442/CEE sur les déchets, modifiée par la directive 91/156/CEE
(2)irective 75/440/CEE concernant la qualité requise des eaux superficielles destinées à la production d'eau alimentaire dans les États membres
(3)irective 80/778/CEE relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine
(4)irective 91/271/CEE du Conseil relative au traitement des eaux urbaines résiduaires
(5)irective 76/160/CEE concernant la qualité des eaux de baignade
(6)irective 80/68/CEE du Conseil concernant la protection des eaux souterraines contre la pollution causée par certaines substances dangereuses
(7)irective 91/676/CEE du Conseil concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles
(8)irective 79/923/CEE du Conseil relative à la qualité requise des eaux conchylicoles