Bruxelles, 21 janvier 2003
Dans le cadre de ses efforts visant à garantir un niveau de protection élevé de la santé et de l'environnement, la Commission européenne a décidé d'engager de nouvelles poursuites judiciaires contre l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, la France, le Royaume-Uni, la Suède, l'Irlande et le Portugal pour non-respect de la législation de l'UE sur la qualité de l'eau. La Commission demande notamment à un certain nombre d'États membres de se conformer aux arrêts de la Cour de justice, dans le domaine de la qualité des eaux de baignade et de la pollution due aux nitrates pour l'Allemagne, de la qualité des eaux de baignade pour la Belgique, de la pollution causée par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique pour les Pays-Bas et de la qualité des eaux de baignade pour la Suède. Les États membres qui ne se conforment pas aux arrêts de la Cour peuvent se voir imposer des amendes substantielles. En outre, la Belgique et la France ont toutes deux été invitées à fournir des compléments d'information sur la mise en œuvre de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, et il a en outre été demandé à la France de garantir un niveau de qualité de l'eau alimentaire plus élevé en Bretagne. Le Royaume-Uni a été invité à mettre en œuvre correctement la directive concernant la qualité des eaux douces ayant besoin d'être protégées ou améliorées pour être aptes à la vie des poissons. Deux demandes ont été adressées à l'Irlande, au sujet de la directive sur les eaux souterraines et sur la qualité des eaux de baignade, respectivement. Ces demandes ont pris la forme d'avis motivés. Enfin, la Commission doit traduire le Portugal devant la Cour pour exiger une amélioration de la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. Le non-respect de la législation de l'Union européenne sur l'eau peut entraîner une pollution des rivières, des lacs, des aquifères et des eaux côtières, ce qui peut représenter un risque pour la santé.
Madame Margot Wallström, membre de la Commission chargée de l'environnement, a déclaré ce qui suit à propos de ces décisions: «C'est l'engagement de garantir un niveau élevé de protection des eaux pris par la Commission européenne qui l'a poussée à adresser des rappels aux États membres afin qu'ils adhèrent pleinement aux mesures législatives européennes qui ont été adoptées à cette fin».
Procédures à l'encontre de certains États membres
Dans un arrêt rendu le 8 juin 1999, la Cour de justice a déclaré que l'Allemagne avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de la directive concernant la qualité des eaux de baignade. En fait, dans les anciens Länder, les dispositions nécessaires pour que la qualité des eaux de baignade soit rendue conforme aux valeurs limites fixées par la directive avant décembre 1985 n'avaient pas été prises et l'Allemagne avait également omis de respecter les exigences minimales relatives au prélèvement des échantillons prescrits par la législation (Affaire C-1997/198). Depuis lors, la qualité des eaux de baignade concernées et la fréquence de prélèvement des échantillons ne cessent de s'améliorer. Toutefois, la qualité des eaux de baignade intérieures ne donne toujours pas satisfaction et la Commission a donc décidé d'envoyer à l'Allemagne un avis motivé (dernier avertissement écrit) en vertu de l'article 228 du traité.
Dans son arrêt du 14 mars 2002, la Cour a déclaré que l'Allemagne n'avait pas pris toutes les dispositions nécessaires pour se conformer aux obligations de la directive sur les nitrates (C-2000/161). Plus précisément, la législation allemande pertinente (le «Düngeverordnung» de 1996, décret portant fixation des principes de bonne pratique lors de la fertilisation), ne respectait pas la limite maximale d'engrais à base de nitrates pouvant être appliqués sur des terres agricoles. L'Allemagne a depuis lors confirmé son intention de procéder à des modifications dans sa législation. Cependant, aucune de ces modifications n'ayant été communiquée à la Commission, cette dernière a décidé d'envoyer à l'Allemagne une lettre de mise en demeure (premier avertissement écrit), conformément à l'article 228 du traité
Dans un arrêt rendu le 25 mai 2000, la Cour de justice a déclaré que la Belgique avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de la directive concernant la qualité des eaux de baignade en excluant du champ d'application de la directive certaines zones de baignade en eaux intérieures. La Belgique a également omis d'adopter les mesures nécessaires pour rendre la qualité des eaux de baignade conforme aux valeurs prescrites avant décembre 1985 (Affaire C-307/98). Si la qualité des eaux de baignade dans les zones côtières belges est désormais satisfaisante, la situation laisse toujours à désirer en ce qui concerne les eaux de baignade intérieures exclues. La Commission a donc décidé d'envoyer à la Belgique un avis motivé (deuxième avertissement écrit) en vertu de l'article 228 du traité.
La Commission a également décidé, en vertu de l'article 226 du traité, d'envoyer un avis motivé aux autorités belges car elles n'ont pas fourni suffisamment d'informations sur la façon dont la directive sur les eaux urbaines résiduaires est appliquée dans les régions de Bruxelles et de Wallonie. Elles n'ont notamment transmis aucun rapport général de mise en œuvre ni aucune information sur les zones sensibles dans la région de Bruxelles.
Dans son arrêt du 10 mai 2001, la Cour de Justice a déclaré que les Pays-Bas n'avaient ni adopté ni communiqué les programmes de réduction de la pollution pour 99 substances dangereuses figurant dans la directive concernant la pollution causée par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique. Ils ont également omis de fixer les échéances de mise en œuvre (affaire C-1998/152). Bien que les Pays-Bas aient, depuis lors, élaboré des mesures, ils n'ont pas encore communiqué de programmes complets à la Commission. En vertu de l'article 228 du traité, la Commission a donc décidé d'envoyer aux Pays-Bas un avis motivé pour non-exécution de l'arrêt.
La Commission a décidé d'adresser à la France un avis motivé pour non-respect (en Bretagne) des normes de qualité pour les nitrates et les pesticides qui sont établies dans la directive concernant les eaux destinées à la consommation humaine. Selon les informations fournies par les autorités françaises, en 1998, 13% de la population de cette région a été approvisionnée en eau dont la teneur en nitrates était supérieure à la valeur limite de 50 mg/l prévue par la directive. En 1996, seuls 6% de la population étaient concernés. En outre, en Bretagne, 33% de la population recevait une eau destinée à la consommation humaine non conforme aux normes applicables aux pesticides. Le 8 mars 2001, dans une affaire différente, la Cour de justice a condamné la France en raison du niveau élevé de la teneur en nitrates dans les eaux superficielles en Bretagne. Or, ces eaux étaient utilisées pour la production d'eau alimentaire (Affaire C-1999/266). Alors que l'affaire la plus ancienne concernait la pollution des sources d'eau utilisées pour la production d'eau alimentaire, la présente affaire concerne la qualité de l'eau destinée à la consommation effectivement fournie aux consommateurs.
La Commission a également décidé d'adresser à la France un avis motivé car elle n'a pas fourni suffisamment d'informations sur la façon dont la directive sur les eaux urbaines résiduaires est appliquée. Elle n'a notamment transmis aucune information sur les zones sensibles.
La Commission a décidé, en vertu de l'article 226 du traité, d'envoyer au Royaume-Uni un avis motivé car cet État membre n'a pas adopté les mesures nécessaires pour se conformer à la directive concernant la qualité des eaux douces ayant besoin d'être protégées ou améliorées pour être aptes à la vie des poissons. Cette décision résulte de l'instruction d'une plainte. Il existe des éléments qui prouvent que, dans le cadre de l'approche qu'il a suivie, le Royaume-Uni n'a pas désigné, sur l'ensemble de son territoire, des eaux qui auraient besoin d'être protégées, et qu'il a omis d'élaborer et de mettre en œuvre des programmes de réduction de la pollution appropriés.
Dans son arrêt du 14 juin 2001, la Cour de justice a déclaré que la Suède avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive concernant la qualité des eaux de baignade (affaire C-2000/368). Plus particulièrement, la Suède n'a pas veillé au respect de la fréquence minimale d'échantillonnage prévue par la directive pour ses 370 zones de baignade côtières et ses 400 zones de baignade intérieures. Bien que la situation se soit améliorée depuis lors, un petit nombre de zones de baignade - principalement en eau douce - ne font toujours pas l'objet d'une surveillance suffisante. En vertu de l'article 228 du traité, la Commission a donc décidé d'envoyer à la Suède un avis motivé.
La Commission a décidé d'envoyer à l'Irlande un avis motivé pour non-respect de la directive concernant la protection des eaux souterraines. Cette décision fait suite à l'instruction de trois plaintes sur l'absence d'enquête correcte et d'autorisation au sujet de rejets dans les eaux souterraines. Ces plaintes concernent un site de décharge situé à Avoca, dans le comté de Wicklow, un cimetière d'animaux à Ballinrobe, dans le comté de Mayo, et un hôtel à Creakan Lower, New Ross, dans le comté de Wexford. L'enquête a révélé qu'aucune autorisation tenant compte des eaux souterraines n'avait été accordée pour le cimetière d'animaux, que l'évacuation des eaux usées à Creakan Lower se poursuivait depuis plusieurs années sans autorisation et que l'Agence irlandaise pour la protection de l'environnement n'avait pas convenablement assuré la protection des eaux souterraines à Avoca. Il semble aussi que l'Irlande interprète la directive de manière trop restrictive en omettant de procéder à une enquête sur les eaux souterraines et de délivrer une autorisation dans les circonstances prévues par la directive.
La Commission a également décidé d'envoyer à l'Irlande un avis motivé car cet État a omis de reconnaître et de protéger, en vertu de la directive concernant la qualité des eaux de baignade, une zone de baignade située à the Pier, Tramore, dans le comté de Waterford.
La Commission a décidé de traduire le Portugal devant la Cour de Justice pour non-respect des normes de qualité fixées dans la directive relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, notamment des normes relatives aux coliformes totaux, coliformes fécaux et nitrates pour les approvisionnements en eau en faible quantité. Ces infractions apparaissent dans les rapports sur les eaux destinées à la consommation humaine établis pour le Portugal en 1999 et en 2000. Le non-respect des normes relatives aux coliformes fécaux est un sujet particulièrement préoccupant car il entraîne un risque d'exposition humaine à des bactéries et à des virus pathogènes.
Contexte
La directive Substances dangereuses(1) est l'un des premiers actes de la législation environnementale de l'UE. Elle instaure un cadre permettant de traiter le problème de la pollution des eaux due à une longue liste de substances dangereuses. Dans ce cadre, les États membres sont tenus d'adopter des programmes de réduction de la pollution comportant des objectifs contraignants en matière de qualité des eaux, et un système d'autorisations de rejet. La Commission a déféré plusieurs États membres devant la Cour de justice des Communautés européennes pour non-respect de cette directive, et la Cour a réaffirmé que les programmes de réduction de la pollution devaient être précis, exhaustifs et coordonnés.
La directive Nitrates(2) vise à prévenir l'introduction dans les eaux de surface et souterraines de quantités excessives de nitrates provenant des engrais et déchets agricoles. Un niveau trop élevé de nitrates entraîne des modifications écologiques indésirables des eaux et contribue à la prolifération d'algues nuisibles. Les nitrates sont également nocifs pour la santé publique. La directive a imposé aux États membres d'effectuer un contrôle des eaux superficielles et souterraines, de recenser les eaux polluées par les nitrates et de désigner les zones vulnérables à cette pollution (c'est-à-dire les zones d'agriculture intensive qui comportent des eaux polluées par les nitrates) d'ici à décembre 1993.
La directive Eaux urbaines résiduaires(3) porte sur la pollution par éléments nutritifs, bactérienne et virale causée par les eaux urbaines résiduaires. Les rejets d'eaux urbaines résiduaires, en fournissant un apport excessif en éléments nutritifs (phosphore et nitrates, en particulier) dans les rivières et les mers, entraînent leur "eutrophisation". L'eutrophisation se traduit par une prolifération des organismes photosynthétiques - dont les algues -, un abaissement du niveau d'oxygène - car les organismes anaérobies dégradent les algues mortes - et plusieurs autres phénomènes écologiques. Il en résulte un déséquilibre entre organismes aquatiques et une diminution de la qualité de l'eau. Cela peut complètement bouleverser l'écosystème d'un lac ou d'une mer, voire entraîner la mort d'un grand nombre de poissons. De plus, en introduisant des bactéries et virus potentiellement dangereux dans les eaux destinées à la baignade ou à la conchyliculture, ces rejets font courir un risque à la santé humaine.
La directive impose aux villes et agglomérations de se conformer à des normes minimales en matière de collecte et de traitement des eaux résiduaires avant certaines dates. Les délais consentis expirent à la fin de 1998, 2000 et 2005 en fonction de la sensibilité des eaux réceptrices et de la taille de l'agglomération en question. La directive exigeait des États membres de recenser les zones sensibles avant le 31 décembre 1993, et d'appliquer des normes strictes concernant le rejet des eaux résiduaires directement dans les zones sensibles ou leurs bassins versants avant le 31 décembre 1998 (y compris l'extraction des éléments nutritifs responsables de l'eutrophisation). La directive fixe aussi plusieurs autres exigences, notamment en ce qui concerne le contrôle des rejets des eaux résiduaires.
La directive sur les eaux superficielles(4) vise à protéger la qualité des eaux superficielles destinées à la production d'eau alimentaire. Elle fixe des normes et oblige les États membres à établir un plan d'action global et cohérent pour toutes les eaux, notamment en ce qui concerne les eaux de mauvaise qualité. Cela aurait dû entraîner une réduction de la pollution dans les douze ans suivant l'entrée en vigueur de la directive.
La directive concernant la qualité des eaux destinées à la consommation humaine(5) établit des normes de qualité pour l'eau destinée à la consommation et constitue un moyen essentiel de préserver la santé publique. Ces normes s'appliquent à une série de substances, propriétés et organismes (appelés paramètres). La directive est particulièrement stricte relativement aux paramètres microbiologiques eu égard à leurs implications pour la santé publique.
La directive concernant la qualité des eaux de baignade(6) est également importante pour la santé publique. Elle vise à faire en sorte que les eaux de baignade respectent des critères de qualité minimale en définissant un ensemble de normes strictes et contraignantes à l'échelle de l'UE pour une série de paramètres-clés (indicateurs de la présence de bactéries fécales, entre autres).
La directive impose aussi aux États membres d'effectuer des contrôles de qualité réguliers et de transmettre à la Commission des rapports annuels détaillés sur la qualité des eaux de baignade. Le délai officiel pour se conformer à ces normes était 1985. Le rapport annuel sur la qualité des eaux de baignade contient des renseignements sur les résultats obtenus par les États membres dans ce domaine
http://europa.eu.int/water/water-bathing/report.html
La directive sur les eaux aptes à la vie des poissons(7) exige des États membres qu'ils désignent des eaux de surface ayant besoin d'être protégées ou améliorées pour être propices à la vie des poissons. Elle exige notamment que des normes de qualité obligatoires soient atteintes dans les eaux désignées. Les États membres sont tenus, dans le cadre de cette directive, de procéder à des échantillonnages réguliers et de mettre en place des programmes de réduction de la pollution.
La directive sur les eaux souterraines(8) exige que les États membres appliquent un mécanisme d'enquête et d'autorisation préalables à l'élimination de déchets et à d'autres activités afin de s'assurer que les eaux souterraines ne sont pas polluées par des substances dangereuses.
L'article 226 du Traité autorise la Commission à saisir la Cour de justice contre un État membre qui manque à ses obligations.
Si la Commission estime qu'il peut y avoir motif d'entamer une procédure d'infraction à la législation communautaire, elle adresse une lettre de mise en demeure (premier avertissement écrit) à l'État membre concerné en lui demandant de présenter ses observations dans un délai précis, en général deux mois.
Compte tenu de la réponse, ou de l'absence de réponse, de la part de l'État membre concerné, la Commission peut décider de lui adresser un avis motivé (ou dernier avertissement écrit) dans lequel elle indique clairement et définitivement les raisons qui la fondent à penser qu'il y a eu infraction à la législation communautaire, et enjoint l'État membre de s'y conformer dans un délai fixé normalement à deux mois.
Si l'État membre ne se conforme pas à l'avis motivé, la Commission peut décider de porter l'affaire devant la Cour de justice des Communautés européennes.
L'article 228 du Traité autorise la Commission à intenter une action contre un État membre qui ne se conforme pas à un arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes, et à demander à celle-ci d'infliger le paiement d'une amende à l'État membre concerné.
Les statistiques concernant les infractions en général peuvent être consultées à l'adresse suivante:
http://europa.eu.int/comm/secretariat_general/sgb/droit_com/index_en.htm#infractions
(1)Directive 76/464/CEE du Conseil, concernant la pollution causée par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la Communauté
(2)Directive 91/676/CEE du Conseil concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles
(3)Directive 91/271/CEE du Conseil relative au traitement des eaux urbaines résiduaires
(4)Directive 75/440/CEE concernant la qualité requise des eaux superficielles destinées à la production d' eau alimentaire dans les États membres
(5)Directive 80/778/CEE du Conseil relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine
(6)Directive 76/160/EEC concernant la qualité des eaux de baignade
(7)Directive 78/659/CEE du Conseil concernant la qualité des eaux douces ayant besoin d'être protégées ou améliorées pour être aptes à la vie des poissons
(8)Directive 80/68/CEE du Conseil concernant la protection des eaux souterraines contre la pollution causée par certaines substances dangereuses