Bruxelles, le 10 avril 2001
La Commission européenne a décidé de saisir la Cour de justice européenne à l'encontre de l'Espagne et d'envoyer un avis motivé (deuxième avertissement écrit) à la France, à l'Allemagne et au Royaume-Uni pour non-application de la directive communautaire sur le traitement des eaux urbaines résiduaires. L'Espagne, la France et le Royaume-Uni n'ont pas identifié de manière adéquate les zones sensibles, c'est-à-dire les masses d'eau qui sont eutrophiques ou fortement polluées par des eaux résiduaires. La directive fixe à décembre 1998 la date limite pour le traitement strict des rejets d'eaux résiduaires qui affectent ces masses d'eau. La décision à l'encontre de l'Allemagne est justifiée par la législation insuffisante, notamment dans le land de Saxe-Anhalt, qui fixe à janvier 2004 (au lieu de décembre 1998) la date limite pour se conformer aux normes plus strictes applicables aux zones sensibles. La Commission a examiné la manière dont les États membres mettent en œuvre cette directive clé et les décisions prises font suite au récent forum "Name, Fame and Shame", consistant à épingler les résultats particulièrement remarquables ou déplorables dans le domaine du traitement des eaux urbaines résiduaires, qui a eu lieu le 19 mars 2001 (voir IP/01/409).
Commentant ces décisions, le commissaire pour l'environnement, Margot Wallström, a déclaré: "tout retard dans le traitement des eaux résiduaires signifie moins de protection de nos eaux de baignade et de notre eau potable. En outre, les erreurs d'identification peuvent aboutir à un niveau de traitement insuffisant et nécessiter ultérieurement une modernisation coûteuse des installations de traitement des eaux résiduaires. Je demande instamment à l'Espagne, à la France, au Royaume-Uni et à l'Allemagne, ainsi qu'aux autres États membres, de redoubler leurs efforts en ce qui concerne les zones sensibles."
Les rejets d'eaux urbaines résiduaires non traitées ou insuffisamment traitées sont une source importante de pollution de l'eau. En introduisant un excès d'éléments nutritifs (notamment phosphoreux et des nitrés), ils contribuent à l'eutrophisation des rivières et des mers. En introduisant des bactéries et des virus potentiellement néfastes, ils entraînent des risques sanitaires dans les eaux utilisées pour la baignade ou la conchyliculture. La Commission se préoccupe depuis longtemps de ces problèmes, notamment dans son 6ème programme d'action en matière d'environnement proposé récemment.
La directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires(1) vise à résoudre ce problème de pollution en imposant aux villes et autres centres de population l'obligation de se conformer à des normes minimales en matière de collecte et de traitement des eaux résiduaires dans des délais fixés par la directive. Ces délais expirent à la fin de 1998, de 2000 et de 2005, selon la sensibilité des eaux réceptrices et de l'importance du centre de population concerné. La directive joue ainsi un rôle crucial dans l'amélioration de la qualité de l'eau dans l'UE.
En vertu de cette directive, les États membres devaient avoir identifié les zones sensibles le 31 décembre 1993 au plus tard et s'être conformés à des normes strictes pour les rejets directs dans ces zones ou leur bassin versant le 31 décembre 1998 au plus tard (y compris l'élimination des éléments nutritifs qui contribuent à l'eutrophisation). La directive impose également plusieurs autres obligations, notamment le contrôle des rejets d'eaux résiduaires.
Espagne
Alors qu'en Espagne le gouvernement national est responsable de l'identification des zones sensibles en ce qui concerne les masses d'eau interrégionales (c'est-à-dire les eaux partagées par plusieurs régions autonomes du pays), ce sont les régions autonomes elles-mêmes qui sont responsables de l'identification des zones sensibles tant pour les masses d'eau intérieures que pour les eaux côtières. Toutefois, la plupart des régions autonomes n'ont pas jusqu'ici identifié officiellement les zones sensibles. Par conséquent, la liste totale des zones sensibles identifiées par l'Espagne présente d'importantes lacunes.
France
La décision à l'encontre de la France concerne plusieurs manquements pour ce qui est des zones sensibles. Il s'agit de l'identification en 1999 de zones qui auraient dû être identifiées à la fin de 1993, de l'approche excessivement restrictive de la France dans la définition des critères d'identification des zones sensibles, et de la non-application - à la fin de 1998 - des normes nécessaires en matière de rejets dans les zones sensibles.
Allemagne
L'action engagée contre l'Allemagne porte sur les insuffisances qui subsistent dans la législation allemande destinée à transposer la directive. La législation dans le Land de Saxe-Anhalt fixe au 1er janvier 2004 la date limite pour un traitement plus strict des rejets dans les zones sensibles, alors que la date limite aurait dû être le 31 décembre 1993. En outre, plusieurs textes législatifs allemands (en particulier dans les Länder de Mecklembourg-Poméranie occidentale et de Rhénanie du Nord-Westphalie) ne mettent pas en œuvre correctement les exigences de la directive en matière de contrôle. La décision prise est d'envoyer un avis motivé supplémentaire pour tenir compte de l'évolution depuis l'avis motivé envoyé le 28 octobre 1999.
Royaume-Uni
Une action est engagée contre le Royaume-Uni en raison de manquements dans l'identification des zones sensibles, notamment pour les eaux qui sont eutrophiques ou en danger d'eutrophisation. En outre, il y a eu des difficultés en ce qui concerne l'examen des zones sensibles et moins sensibles en Irlande du Nord. Il a été décidé que la Commission et les autorités britanniques prendront contact pour discuter de ces questions en suspens.
Contexte
En tant que gardienne du traité CE, la Commission doit veiller à ce que les exigences du traité et la législation qui en dérive soient respectées par les États membres. La procédure mise en œuvre en l'espèce relève de l'article 226 du traité, qui habilite la Commission a ester en justice contre un État membre qui ne s'acquitte pas de ses obligations.
Lorsque la Commission considère qu'il pourrait y avoir une infraction au droit communautaire justifiant l'ouverture d'une procédure d'infraction, elle adresse à l'État membre concerné une "lettre de mise en demeure" lui demandant de communiquer ses observations à une date précise, correspondant habituellement à un délai de deux mois.
À la lumière de la réponse ou en l'absence de réponse de la part de l'État membre concerné, la Commission peut décider d'adresser à l'État membre un "avis motivé" (ou deuxième lettre d'avertissement) qui indique clairement les raisons pour lesquelles elle considère qu'il y a eu infraction au droit communautaire, et appelle l'État membre à se conformer à l'avis motivé dans un délai donné (normalement deux mois).
Si l'État membre ne se conforme pas à l'avis motivé, la Commission peut décider de porter l'affaire devant la Cour de justice européenne.
(1) Directive 91/271/CE sur le traitement des eaux résiduaires.