Des
expériences récentes ont montré qu'une perte de biodiversité
entraîne des effets négatifs sur la production végétale
des prairies. Mais l'interprétation de ces expériences a
fait l'objet d'une controverse scientifique. Dans la revue Nature
du 5 juillet, Michel Loreau (CNRS, UMR 7625, Fonctionnement et évolution
des systèmes écologiques, École Normale Supérieure
de Paris) et Andy Hector (Imperial College en Grande-Bretagne) contribuent
à résoudre cette controverse. Ils démontrent, pour
la première fois, que la complémentarité des espèces
explique la corrélation positive entre l'augmentation de production
et la diversité végétale.
La biodiversité
joue un rôle important dans le fonctionnement des écosystèmes
naturels et sur des écosystèmes modifiés par l'homme.
Des expériences récentes, menées notamment dans le
cadre du projet européen BIODEPTH, ont montré que lorsque
la biodiversité est altérée, cela provoque des effets
négatifs sur la production de biomasse végétale.
Ainsi, la capacité des écosystèmes à assurer
un ensemble de services écologiques - tels que le stockage de carbone,
la fourniture de fourrage ou le maintien de nappes d'eau pure - s'en trouve
réduite. Ces résultats, publiés dans la revue Science
en 1999, étaient basés sur une expérience au cours
de laquelle la diversité végétale avait été
modifiée sur plusieurs centaines de parcelles de prairie, dans
huit pays européens différents.
L'interprétation
de ces résultats a cependant soulevé une vive controverse
au sein de la communauté scientifique, car deux types de mécanismes
différents pouvaient expliquer ces résultats. Dans le premier
mécanisme, "l'effet de sélection", les résultats
s'expliquent par la simple dominance d'espèces possédant
des traits biologiques particuliers, notamment une productivité
élevée. Dans le second, "l'effet de complémentarité",
la complémentarité entre les stratégies d'utilisation
des ressources des différentes espèces aboutit à
une forme de division du travail et à une meilleure exploitation
collective des ressources disponibles (éléments minéraux
du sol, lumière).
Dans
un article publié cette semaine dans la revue Nature, Michel
Loreau (CNRS, UMR 7625 Fonctionnement et évolution des systèmes
écologiques, École Normale Supérieure de Paris)
et Andy Hector de l'Imperial College en Grande-Bretagne, proposent une
nouvelle équation qui permet de séparer ces deux effets.
Ils ont appliqué leur méthode aux données du projet
BIODEPTH, et prouvent que "l'effet de sélection" ne joue
qu'un rôle mineur, tandis que "l'effet de complémentarité"
serait à l'origine de l'augmentation de production primaire avec
la diversité végétale. Pour la première fois,
ces chercheurs montrent que le partage des ressources ou des interactions
positives entre espèces de plantes améliorent la production
des prairies.
Pour
Michel Loreau, ce travail devrait contribuer à résoudre
la controverse qui a divisé les scientifiques au cours des dernières
années. En effet, il est à présent établi
que "l'effet de sélection" ne peut suffire à expliquer
les résultats des expériences récentes. Si la complémentarité
entre espèces ne fait plus de doute, le nombre d'espèces
impliquées n'est pas encore défini. Suffit-il de quelques
espèces seulement, ou d'un grand nombre pour assurer le niveau
de productivité observé dans les communautés naturelles
? Dans ces deux cas de figure, cependant, la perte de biodiversité
est susceptible d'avoir des conséquences non négligeables
sur le fonctionnement des écosystèmes.
Dans
un commentaire accompagnant cette publication de Nature, Osvaldo
Sala, de l'Université de Buenos Aires, souligne la nécessité
de réaliser de nouvelles expériences basées sur le
modèle de BIODEPTH, sur d'autres écosystèmes, dans
différentes régions du monde. Les effets de la biodiversité
dus à la complémentarité entre espèces pourraient,
en effet, être plus marqués dans des écosystèmes
moins perturbés, possédant une longue histoire d'évolution
commune entre espèces.
Référence
:
Partinioning selection and complementarity
in biodiverity experiments. Michel Loreau et Andy Hector. Nature
412, juillet 2001.
Contact
Chercheur CNRS
Prof. Michel Loreau
Laboratoire d'Ecologie, UMR 7625
École Normale Supérieure
Tel. : +33-1.44.32.37.09
Mél : Loreau@ens.fr
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des Sciences de la Vie du CNRS
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Mél : stephanie.bia@cnrs-dir.fr