La perte de biodiversité dans les prairies européennes engendre une perte de productivité végétale. D’après un travail européen, qui constitue l’une des études écologiques les plus extensives au monde, une diminution de biodiversité entraîne une réduction de la quantité d’énergie disponible pour le reste de la chaîne alimentaire, menaçant ainsi la santé de l’ensemble de l’écosystème. Ces résultats, publiés cette semaine dans Science, sont le fruit d’un travail mené en collaboration par une douzaine d’équipes européennes. Michel Loreau, enseignant-chercheur au laboratoire de " Fonctionnement et évolution des systèmes écologiques " (CNRS-Université Paris VI - Ecole Normale Supérieure) est responsable pour la France de ce projet, intitulé BIODEPTH*.
Une étude expérimentale menée par une équipe de chercheurs appartenant à huit pays européens, coordonnée par le professeur John Lawton, de l’Imperial College à Londres, débouche sur un résultat qui devrait être pris en compte par les responsables de la politique européenne : la préservation et la restauration de la biodiversité sont bénéfiques au maintien de la productivité des prairies. En effet, en Europe, environ la moitié des terres agricoles (soit 60 millions d’hectares) est constituée de prairies, qu’il s’agisse de terres destinées à la pâture, à la production de fourrage, ou de terres mises en jachère.
Les résultats de ce projet intitulé BIODEPTH, dont Michel Loreau est le responsable français, montrent clairement que la productivité des communautés végétales diminue quand le nombre d’espèces qui les composent est réduit. Ainsi, la réduction de moitié du nombre d’espèces de plantes entraîne une baisse de productivité d’environ 80 g par m2 en moyenne. Les rendements des récoltes sont en outre, supérieurs lorsque les communautés sont constituées de plantes pourvues de caractéristiques fonctionnelles différentes. Et la suppression d’un seul groupe fonctionnel engendre une diminution de productivité d’environ 100 g par m2 en moyenne. Les mêmes résultats ont été observés dans une gamme variée de prairies européennes (huit au total), ce qui permet de généraliser leur portée à l’échelle du continent. Le projet BIODEPTH démontre ainsi que le nombre d’espèces de plantes et leur appartenance à différents types jouent chacun un rôle déterminant dans le fonctionnement des écosystèmes.
Le projet BIODEPTH, financé notamment par la Communauté européenne à hauteur de 2 millions d’euros, représente la plus vaste collaboration multinationale pour réaliser une expérience standardisée à l’échelle d’un continent et constitue ainsi une étude écologique pionnière. Il inaugure une nouvelle ère en démontrant la puissance de la " big ecology " pour étayer la politique environnementale. Il ajoute en particulier aux arguments esthétiques et éthiques, des arguments scientifiques en faveur de la préservation de la biodiversité.
Le projet BIODEPTH regroupe 34 scientifiques, dont les recherches ont porté sur des parcelles expérimentales miniatures réparties sur huit sites à travers l’Europe, de la Grèce à la Suède. Sur ces huit sites, l’impact de la perte de diversité végétale sur la productivité primaire a été simulée en reconstituant des communautés végétales différant par leur nombre d’espèces de plantes. Globalement, de l’ensemble des résultats se dégage une corrélation entre la diminution de la biomasse aérienne moyenne et la réduction du nombre d’espèces. D’autre part, pour un nombre d’espèces donné, les communautés possédant un moins grand nombre de groupes fonctionnels (graminées, légumineuses fixatrices d’azote, herbes non fixatrices d’azote) s’avèrent moins productives. Ces effets liés à la diversité sont associés à des différences de localisation géographique et de composition en espèces. Enfin, la complémentarité écologique des différentes espèces et des interactions positives entre elles jouent également un rôle dans les relations diversité/productivité au sein d’un même site.
*BIODEPTH : Biodiversity and ecological processes in terrestrial herbaceous ecosystems (Biodiversité et processus écologiques dans les écosystèmes herbacés terrestres).
Référence
Hector, A. et al., 1999. Plant diversity and productivity experiments in European grasslands, Science, 286, 5 novembre 1999.
Contact chercheur
Michel Loreau
Laboratoire " Fonctionnement et évolution des systèmes écologiques "
CNRS-Université Paris VI - Ecole Normale Supérieure de Paris
Tél : 01 44 32 36 96
Si absent joindre Paul Leadley : 01 69 15 72 22
Mél : loreau@ens.fr
Contact CNRS
Département des sciences de la vie
Thierry Pilorge
Tél : 01 44 96 40 26
Mél : thierry.pilorge@cnrs-dir.fr