Selon la Banque mondiale, il pourrait falloir de 40 à 60 milliards de dollars par an d'aide supplémentaire pendant les 15 années à venir pour financer la réalisation des grands objectifs de développement connus sous le nom d'Objectifs de développement pour le millénaire (ODM) des Nations Unies. Parmi les résultats visés, figurent notamment la réduction de moitié de l'emprise de la misère et des améliorations substantielles de la situation sanitaire et des niveaux d'éducation dans les pays en développement d'ici à 2015.
La Banque souligne toutefois que si pareil volume de financement est d'une importance critique pour atteindre ces objectifs mondiaux, il faudra aussi que les pays en développement réforment leurs institutions, ainsi que leurs politiques de santé et d'éducation, pour améliorer l'efficacité de l'aide au développement.
«Ces chiffres indiquent que, sans supplément de ressources, nous n'atteindrons pas les objectifs de développement. Mais ils montrent aussi à quel point la réalisation de ces objectifs dépend d'un partenariat actif entre les pays en développement et les pays riches», a déclaré James D. Wolfensohn, président de la Banque mondiale, qui appelle les pays riches à doubler le volume de leur aide extérieure, actuellement de 57 milliards de dollars par an, et à réduire de manière draconienne leurs subventions à l'agriculture. «Depuis le 11 septembre, un puissant sentiment de solidarité mondiale nous fait prendre conscience de la nécessité pour tous les pauvres d'avoir accès à de meilleurs soins de santé, à une éducation de qualité et à de meilleures perspectives d'avenir, et cela non seulement pour des raisons morales mais aussi pour contribuer à la stabilité et à la sécurité du monde entier. Comme nous le voyons aujourd'hui, cette solidarité mondiale a un prix. Considéré globalement, il peut sembler très lourd, mais cela pourrait se révéler l'un des investissements les plus profondément transformateurs que puisse jamais faire la communauté mondiale».
Selon la Banque mondiale, les pays en développement et les bailleurs de fonds doivent étudier ensemble comment utiliser au mieux le surcroît d'aide pour parvenir, d'ici à 2015, à réaliser les objectifs substantiels de réduction de la pauvreté monétaire et d'amélioration de la santé et de l'éducation qui sont à notre portée. Les réformes visant à stimuler la productivité et la croissance et l'amélioration de la qualité des services d'éducation et de santé joueront un rôle aussi important que la disponibilité de ressources financières. L'aide extérieure donne les meilleurs résultats lorsque les politiques et les institutions du pays bénéficiaire créent des conditions favorables à la résorption de la pauvreté dans toutes ses dimensions.
«L'argent n'est pas le seul ingrédient nécessaire, ni même le facteur le plus important, mais il est indispensable à la réalisation des objectifs,» indique Shanta Devarajan, auteur de l'étude sur le coût de réalisation des ODM et économiste en chef du Réseau de la Banque mondiale pour le développement humain. «Toutefois, si l'aide va à des pays dont les politiques et les institutions sont inadaptées, elle risque fort d'être gaspillée. La question est donc la suivante: si les pays sont prêts à apporter les modifications nécessaires à leurs politiques et institutions, quel est le supplément de ressources financières à prévoir pour rendre possible la réalisation des objectifs fixés pour 2015?»
Shanta Devarajan ajoute que l'estimation préliminaire par la Banque du coût de réalisation des ODM, se situe entre 40 et 60 milliards de dollars, et correspond approximativement à celles d'autres institutions internationales comme l'Organisation mondiale de la santé et l'UNESCO. Le chiffre de 50 milliards de dollars de financements supplémentaires qui fut avancé dans le rapport Zedillo, publié récemment par les Nations Unies, se situe également dans cette fourchette. Cette somme fut reprise ultérieurement par Gordon Brown, chancelier de l'échiquier du Royaume-Uni. La Banque s'emploie actuellement à partager son analyse préliminaire avec ces autres institutions et partenaires.
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Objectif pour l'environnement: accès universel à l'eau et à l'assainissement d'ici à 2015
Pour calculer le coût de la réalisation des objectifs relatifs à l'environnement (essentiellement eau et assainissement), on s'est fondé sur une série d'estimations, d'abord pour une
couverture universelle (30 milliards de dollars par an) et ensuite pour une
couverture basique (9 milliards de dollars). Il convient de traiter ces estimations avec prudence, car certains pensent qu'il existe assez de ressources pour généraliser l'accès à l'eau — et ils soutiennent que seules les modalités institutionnelles font obstacle à la réalisation de cet objectif. De même, certaines des améliorations de l'accès à l'assainissement pourront probablement être obtenues dans le cadre des interventions destinées à réduire la mortalité infantile.
Enfin, selon le programme «Villes sans taudis», il faudrait 3,5 milliards de dollars par an pour assurer la sécurité des droits fonciers et assainir les quartiers insalubres. Compte tenu de ces estimations et de leurs limites, la réalisation de l'objectif pour l'environnement devrait nécessiter de 5 à 21 milliards de dollars par an.
La somme des coûts estimatifs de réalisation de chacun des objectifs se situe dans une fourchette qui inclut les
40 à 60 milliards de dollars supplémentaires par an calculés par la première méthode. Les améliorations des politiques et les ressources que suppose le premier calcul relatif à la pauvreté monétaire contribueront sensiblement à la réalisation des autres objectifs; de même, les améliorations des politiques et les ressources prises en compte dans la deuxième série de calculs favoriseront le recul de la pauvreté monétaire. Dans la mesure où les politiques requises pour les deux types d'objectifs ne se recoupent pas, il est nécessaire d'additionner certains coûts.
Toutefois, si les politiques menées par les pays riches et les pays pauvres s'améliorent ou si d'autres apports (l'investissement direct étranger, par exemple) augmentent, le volume du supplément d'aide nécessaire se trouve réduit. Aussi, compte tenu des incertitudes de l'estimation, il semble judicieux de prévoir un supplément de l'aide se situant dans une fourchette de 40 à 60 milliards de dollars. Mais ce sont là des estimations qui devront être affinées, un élément important de ce travail étant l'échelonnement des apports de fonds dans le temps.
Résumé
La Banque mondiale estime qu'il faudrait de 40 à 60 milliards de dollars d'aide supplémentaire par an pour financer la réalisation des Objectifs de développement pour le millénaire (ODM), d'ici à 2015. Elle rappelle toutefois que, si ce supplément de financement compte parmi les nombreux éléments indispensables pour atteindre les ODM, il ne saurait à lui seul garantir le succès. Néanmoins, pour les pays dont les politiques macroéconomiques et structurelles et les institutions rendent possible une utilisation efficace d'aides additionnelles, un surcroît de ressources financières pourra contribuer de manière décisive, à accélérer les progrès vers la réalisation des objectifs de développement d'ici à 2015.