IGAS Thermalisme français Octobre 2000
Lors de son intervention du 22 mars 2000 sur le thermalisme à l’Assemblée
nationale, Mme Martine AUBRY, ministre de l’emploi et de la solidarité, indiquait que
l’objectif du gouvernement était de moderniser l’activité thermale pour qu’elle soit plus
efficace, plus sûre et plus pérenne et qu’une mission était diligentée à cette fin.
I.- Le constat
Le constat est celui d’un secteur en déshérence, hétérogène et mal connu, régi
par un cadre juridique baroque, et dont l’intérêt thérapeutique est contesté.
- Au plan juridique, la réglementation est composée de textes nombreux, souvent
anciens et obsolètes, qui ne permettent pas une gestion satisfaisante du thermalisme.
Des dysfonctionnements patents et nombreux, signalés pour certains d’entre eux
depuis des années déjà, caractérisent l’autorisation et le contrôle des exploitations
d’eau minérale naturelle, l’agrément des établissements thermaux et l’encadrement
de leur fonctionnement, la prise en charge par l’assurance maladie des stations
thermales, de leurs orientations thérapeutiques et des pratiques médicales
complémentaires.
- Au plan économique, l’activité des établissements thermaux, qui n’est connue pour
l’essentiel qu’à travers les statistiques des syndicats professionnels, est assurée pour
96 % du nombre total des journées par des curistes pris en charge par l’assurance
maladie. Une dépendance aussi prononcée du système de protection sociale apparaît
comme originale par comparaison avec d’autres pays européens. Cette activité non
diversifiée et déclinante (environ 540.000 curistes) s’exerce dans des stations à la
fréquentation très variable, cinq régions représentant environ 70 % des stations et
75 % des curistes. Deux orientations thérapeutiques (rhumatologie et voies
respiratoires), sur les douze reconnues, représentent environ 80 % de la
fréquentation. L’impact économique du thermalisme, indiscutable, est cependant
mal connu, qu’il s’agisse de l’emploi qui lui est lié, directement ou indirectement,
ou des investissements, privés ou publics, qui lui sont consacrés.
- Pour l’assurance maladie, le coût des cures thermales apparaît modéré dans
l’absolu (1,5 milliards de francs environ) et en progression limitée, mais est à mettre
en relation avec un intérêt thérapeutique contesté qui amène à s’interroger sur la
justification de leur prise en charge. En effet, le thermalisme, durant les cinquante
dernières années, n’a malheureusement pas suivi l’évolution de l’évaluation des
produits de santé et des thérapeutiques et s’est progressivement éloigné de
l’université. Il en résulte que, trop souvent, les publications concernant les cures
thermales ne sont pas au niveau méthodologique retenu de nos jours, ce qui amène
une perte de crédibilité scientifique et médicale du thermalisme, avec ses
conséquences au niveau de l’enseignement de la crénothérapie et du recrutement des
médecins thermaux.
II.- Les propositions
Les propositions ont pour objectif de garantir la sécurité des personnes et la
qualité des pratiques, d’organiser la recherche et de rationaliser la prise en charge par
l’assurance maladie, et enfin d’assurer la pérennité du thermalisme français.
- Garantir la sécurité des personnes et la qualité des pratiques implique une
rénovation totale de la réglementation. Pour l’eau minérale, les propositions visent à
une meilleure connaissance qualitative et quantitative de la ressource, à sa protection
et à une surveillance efficace de sa qualité. Les autres produits thermaux (boues et
gaz) devraient également être soumis à des normes adaptées. Il est préconisé des
dispositions spécifiques pour l’autorisation et le fonctionnement des établissements
thermaux, dépassant un système essentiellement fondé sur la seule police sanitaire,
pour disposer d’instruments d’évaluation, en particulier sur le plan médical, et de
transparence de l’utilisation des fonds publics. Des propositions sont également
faites sur la formation des médecins thermaux et des agents thermaux.
L’amélioration de la qualité des prescriptions devrait être obtenue par l’élaboration
de « bonnes pratiques de prescription », permettant ainsi de disposer des référentiels
médicaux qui font actuellement défaut. Enfin, l’Institut de veille sanitaire se verrait
confier un mandat d’évaluation du risque lié au suivi des cures thermales.
- L’organisation de la recherche préconisée est basée sur la création d’un fonds
pour l’évaluation de la crénothérapie qui, à partir de ressources mutualisées,
financerait des études décentralisées. Le fonds, à l’existence transitoire, serait
abondé principalement par les établissements thermaux, mais aussi par l’Etat et
l’assurance maladie, voire les collectivités territoriales intéressées. Le rapport
explicite sa forme juridique, les grandes lignes de son organisation et de son
fonctionnement autour d’un conseil d’administration et d’un conseil scientifique,
ainsi que les recherches à mener et leur financement.
- Pour la prise en charge par l’assurance maladie, il est envisagé, pour l’essentiel,
de la subordonner à l’évaluation du service médical rendu par une commission
scientifique spécifique et indépendante, qui se substituerait au haut comité du
thermalisme et à l’académie nationale de médecine. Devraient également être mis à
l’étude une meilleure définition du contenu des forfaits thermaux, par un chaînage et
une hiérarchisation des soins, la substitution à l’entente préalable généralisée de
surveillances plus ciblées, ainsi qu’un véritable contrôle de l’activité des
établissements thermaux par les services médicaux des caisses.
- Mais, en conclusion, il faut souligner que ces mesures techniques sont certes
nécessaires mais pas suffisantes pour assurer la pérennité du thermalisme français. Seule
une politique thermale lisible, cohérente et durable, donnant à l’ensemble des acteurs
une perspective à long terme, permettra d’atteindre cet objectif en menant parallèlement
la rénovation du thermalisme médical et la nécessaire diversification des activités du
thermalisme et des stations thermales. Sur ce dernier aspect, il est proposé de confier à
la DATAR une mission pour définir notamment les orientations et les moyens d’une
véritable politique de diversification adaptée aux différentes situations.