Vidéo du discours du Président de la République
Photos du Président de la République
Monsieur le Président,
Madame le Maire,
Monsieur le Président du Conseil général,
Mesdames, Messieurs,
POLLUTEC, c'est une tradition pour les professionnels de l'environnement,
c'est un rendez-vous devenu incontournable qui permet d'apprécier
la vitalité du secteur des éco-industries et des éco-services,
mais aussi d'apprécier l'action des institutions en charge de l'environnement
et des associations qui en ont fait leur combat. Je suis heureux de participer,
aujourd'hui, un peu à votre action.
Vous formez une véritable communauté professionnelle, qui
vous situe au coeur de la bataille du développement durable. Bataille
contre le changement climatique. Bataille contre la dégradation
des sols ou la disparition des espèces. Bataille contre l'accumulation
des déchets ou la déforestation. Bataille contre la pollution
de l'air et de l'eau.
Nous prélevons, c'est vrai, sur la nature plus de ressources qu'elle
ne peut en reconstituer. Si tous les hommes, paraît-il, vivaient
comme des Occidentaux, il leur faudrait au moins deux planètes
de plus pour ne pas mettre en péril les éco-systèmes.
Nos sociétés sont légitimement inquiètes
devant l'impact de leurs modèles de développement sur l'environnement.
Cette inquiétude s'accroît. Et elles sont en proie au doute.
Doute sur le rôle de la science, parfois perçue comme moteur
d'une fuite en avant. Doute sur la capacité des responsables à
faire prévaloir l'intérêt général et
le droit des générations futures. Doute devant la mondialisation,
cette vague de fond puissante dont certains effets inquiètent.
Doutes qu'alimente l'accumulation des signaux d'alerte : la dégradation
des ressources en eau douce, les possibilités ouvertes par les
manipulations génétiques, la confirmation du réchauffement
climatique, les marées noires et les accidents tragiques qu'ont
connu les habitants de Toulouse et les usagers des tunnels sous les Alpes.
Je comprends ces doutes, je partage ces inquiétudes, mais je reste
confiant et optimiste pour l'avenir. Il y a péril en la demeure,
c'est vrai, mais il n'y a pas fatalité. Si le XXe siècle
nous a légué une crise écologique sans précédent,
il nous a aussi donné les moyens scientifiques et technologiques
de la surmonter. De nouveaux modes de production et de consommation existent
déjà qui nous permettront de poursuivre notre développement
économique et social tout en améliorant les équilibres
écologiques de la planète.
La recherche de nouveaux procédés, de nouvelles méthodes,
de nouveaux matériaux doit servir à ce que le droit à
l'énergie, l'accès à l'eau potable ou le droit de
respirer un air sain deviennent réalité pour tous. La performance
technique et économique n'est pas une fin en soi. Elle doit être
mise au service d'un véritable progrès.
Pour cela, nous aurons besoin d'une forte volonté collective.
C'est pourquoi j'ai appelé les Français à faire le
choix d'une écologie humaniste. Ce choix devra être inscrit
au premier rang de nos priorités par une Charte adossée
à la Constitution pour prendre place au coeur de notre pacte républicain.
Ce doit être le choix de tous les Français. Il s'imposera
à l'Etat, aux collectivités publiques et aux entreprises
comme aux citoyens. Il exprimera aussi notre détermination à
inventer les éléments du nouvel art de vivre dont le monde
a besoin. Il permettra à la France de jouer pleinement son rôle
dans le combat pour l'environnement au niveau européen et mondial.
Responsabilité, prévention, précaution, intégration,
participation : les principes d'une écologie porteuse de progrès
pour l'homme vont créer de nouvelles responsabilités pour
tous. En adoptant de nouveaux comportements, du citoyen au responsable
public, du consommateur au producteur, nous démontrerons la réalité
du changement qui s'opère déjà dans les consciences.
Pour y parvenir, j'identifierai, si vous le voulez bien, trois axes d'action.
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Tout d'abord, intégrer l'écologie à nos politiques
publiques et à la stratégie des entreprises.
Une place doit être faite à la préoccupation de l'environnement
dans tous les domaines de l'action publique, en France comme au niveau
européen.
Je pense par exemple au domaine des transports qui, plus que tout autre,
a besoin de rendre compatible son développement avec les impératifs
environnementaux.
Les Traités appellent déjà l'Union Européenne
à intégrer l'écologie à toutes ses politiques.
A la conférence sur le commerce de Doha, elle a plaidé avec
force pour que les règles du commerce mondial tiennent compte des
exigences environnementales. Elle a obtenu un changement important sur
les principes. Mais si nous n'avons fait qu'entrouvrir la porte, c'est
peut être le début d'un véritable tournant si nous
savons en tirer pleinement parti, et si nous savons répondre aux
préoccupations légitimes des pays en développement.
Tel sera l'un des enjeux du Sommet de Johannesburg sur le développement
durable en septembre prochain, dix ans après celui de Rio. La France,
favorable à la création d'une organisation mondiale de l'environnement,
y fera des propositions généreuses et réalistes.
Nous pouvons en effet faciliter l'adoption par les pays en développement
de modèles industriels d'emblée respectueux de l'environnement.
Le savoir-faire français en matière de technologies de l'environnement
s'exporte depuis longtemps, vous y contribuez largement. Il trouvera là
de nouvelles perspectives.
La démarche d'intégration des questions environnementales
doit aussi imprégner les décisions des entreprises. Les
processus industriels les plus respectueux de l'environnement, c'est-à-dire
ceux qui nécessitent moins d'énergie et de matières
premières, sont aussi les plus rentables à terme. Demain,
les entreprises qui les adopteront seront sans aucun doute les plus performantes.
De plus en plus, l'analyse financière traditionnelle des entreprises
s'enrichit d'une évaluation sur des critères de développement
durable, environnementaux et sociaux. Par respect pour leurs clients,
par respect pour leurs voisins, dans l'intérêt de leurs actionnaires,
les entreprises doivent inscrire dans leur stratégie la protection
de la santé et des équilibres naturels.
Il vaut mieux intégrer dès l'origine les impacts sur l'environnement
dans les coûts de production plutôt que d'avoir ensuite à
payer beaucoup plus cher pour réparer les dégâts.
Mais il convient naturellement de doser soigneusement l'incitation et
la contrainte, en privilégiant toujours le dialogue et le contrat
sur l'excès de réglementation ou de taxation.
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Photos aimablement fournies par l'Agence Photographique Foucha |
Deuxième axe d'action, la clarification des responsabilités,
l'appel à plus de démocratie.
Nos capacités d'intervention sur la nature, la puissance dont
nous dote la technologie, mais aussi la fréquence des catastrophes
et des crises environnementales, amènent à s'interroger
sur la chaîne des responsabilités. Elle est si complexe qu'elle
débouche parfois sur l'irresponsabilité. Et ce n'est plus
acceptable. La société moderne exige clarté et transparence.
Il revient à l'Etat, en charge de la sécurité publique
sous toutes ses formes, de doter le pays d'outils efficaces pour évaluer
les risques et de définir les exigences de sécurité.
Un Office spécialisé du Parlement pourrait y veiller. En
matière de sécurité maritime comme de sécurité
industrielle, de sécurité des aliments comme des transports
routiers, l'Etat doit se donner les moyens d'assurer le respect de la
loi.
Je souhaite aussi que la France anticipe l'adoption de la directive européenne
sur la responsabilité environnementale.
C'est d'abord aux entreprises que revient l'obligation de réparer
les dommages que peut causer leur activité.
Le principe "pollueur-payeur" doit être appliqué
avec rigueur, mais aussi avec discernement. La dimension du temps est
toujours nécessaire à la réussite. Mais c'est incontestablement
l'une des clés de l'intégration de la responsabilité
environnementale aux décisions économiques.
Les entreprises ont de plus en plus conscience de cette exigence. Au-delà
de leurs obligations réglementaires de nombreuses démarches
d'engagement volontaire existent déjà. Je souhaite qu'elles
fassent école. Il ne faut pas attendre les conflits et les boycotts
pour mieux intégrer les préoccupations environnementales.
C'est une question d'éthique mais c'est aussi l'intérêt
des entreprises. Demain, les jeunes talents choisiront de rejoindre de
préférence des entreprises fiables et responsables, sur
lesquelles d'ailleurs l'épargne de long terme se portera de plus
en plus.
L'appel à la responsabilité de tous doit naturellement
s'étendre à chacun d'entre nous, à chaque citoyen.
L'exigence de prix toujours plus bas, les réticences face aux changements
d'habitudes desservent souvent la cause de l'environnement. Puisque notre
avenir commun se joue dans nos comportements les plus quotidiens, l'éducation
à l'écologie doit devenir l'un des éléments
fondamentaux de l'apprentissage de la citoyenneté.
En contrepartie de cette exigence, une plus grande participation des
citoyens aux décisions est indispensable. Or, force est de constater
que la lente évolution qui nous éloigne peu à peu
de notre vieux modèle d'action centralisée et unilatérale
n'est pas achevée.
Dans l'élaboration de la loi, alors que des sujets de plus en
plus complexes sont traités, une phase de discussion avec les associations
d'usagers ou de protection de l'environnement devrait être systématique.
A l'heure où l'urgence écologique s'impose à nous,
les associations expriment souvent l'une des facettes de l'intérêt
général et exercent une fonction de vigilance particulièrement
importante. Il faut leur donner les moyens d'une participation efficace,
constructive, informée.
De même, les grandes décisions concernant les infrastructures
nationales ne peuvent plus être prises sans un débat public
authentique, c'est-à-dire un débat qui s'appuie sur la transparence
administrative, sur la consultation de tous les intéressés,
sur la prise en compte des opinions minoritaires. Ce n'est jamais du temps
perdu : c'est le temps de la confiance, du consentement et de la décision
éclairée.
Les décisions ressenties comme imposées d'en haut ne passent
plus, même quand un effort de concertation a eu lieu. On le voit
bien quand s'expriment inquiétudes et polémiques sur les
organismes génétiquement modifiés, sur l'implantation
d'un nouvel aéroport international, sur les conditions de réouverture
du tunnel du Mont Blanc aux poids lourds, ou même sur l'application
de la directive Natura 2000. Il est devenu nécessaire de renforcer
le dispositif de débat public mis en place en 1995. Plus de démocratie,
c'est la clef d'un développement mieux maîtrisé.
De même, les habitants doivent disposer d'informations fiables
sur les nuisances et les risques des installations qui les entourent :
aéroports, usines SEVESO, installations nucléaires, installations
de traitement des déchets, points de regroupement des transports
de matières dangereuses, etc. Des comités de concertation
devraient se réunir régulièrement autour de toutes
ces installations pour que ces problèmes soient traités
avec sérieux et sans passion inutile.
Ce principe de participation s'impose aussi aux entreprises. La publication
de rapports de développement durable par les grandes entreprises
illustre une évolution bienvenue qu'il faut étendre. Par
ailleurs, l'information des consommateurs doit être juste et rendue
plus accessible, afin qu'ils puissent choisir en confiance les produits
les plus respectueux de l'environnement.
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Enfin, troisième axe d'action, il nous faut accroître notre
exigence de précaution et de prévention.
Qu'ils concernent la santé publique ou l'environnement, c'est
un devoir essentiel de la puissance publique que d'identifier et de prévenir
les risques collectifs qui peuvent à terme mettre en cause l'intégrité
des personnes.
Les risques sur lesquels il y a encore beaucoup d'inconnu et d'incertain
sont très nombreux et touchent à des domaines très
divers: dissémination mal maîtrisée des organismes
génétiquement modifiés, impact de certains insecticides
sur les abeilles par exemple, effet sur notre santé des rayonnements
radio-électriques qui nous environnent, qualité de l'air
à l'intérieur des bâtiments et des véhicules,
etc.
Sur tous ces sujets, c'est bien à l'Etat qu'il revient d'imposer
les recherches nécessaires à l'évaluation du risque
et les procédures qui permettent de le réduire.
Les entreprises concourent bien sûr à cette évolution
en prenant de mieux en mieux en compte la nécessité de rendre
leurs innovations pleinement acceptables au regard des exigences environnementales.
Pour éviter toute distorsion de concurrence, l'Union européenne
ne doit pas appliquer le principe de précaution en solitaire, mais
chercher à le faire reconnaître aussi par la Communauté
internationale.
Et ce n'est pas sans espoir, car au nom d'un autre principe, celui de
prévention, la communauté internationale s'est enfin entendue,
à Marrakech, il y a quelques jours, sur les règles de fonctionnement
du Protocole de Kyoto. Elle s'est dotée du premier dispositif cohérent
de lutte contre le réchauffement climatique.
Je regrette bien sûr que les Etats-Unis se tiennent encore à
l'écart de cette discipline collective. Cet accord préfigure
en effet la nouvelle gouvernance mondiale qu'il nous revient d'imaginer
pour maîtriser certains aspects de la mondialisation.
Il pose les principes qui permettront de contrôler sur le long
terme les émissions de gaz à effet de serre. Il fixe des
obligations aux pays les plus développés, mais il leur donne
des éléments de souplesse dans le choix des moyens. Il prévoit
aussi les dispositions qui permettront aux pays en développement
de s'y engager à leur tour. La France, avec ses partenaires de
l'Union européenne, ratifiera ce texte en 2002 et a déjà
commencé à l'appliquer. Cela nous imposera d'amplifier notre
plan national de lutte contre les gaz à effet de serre.
La prévention s'applique aussi aux risques industriels. Nous avons
tous en mémoire les victimes de la terrible catastrophe industrielle
de Toulouse, la plus grave depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
La sécurité industrielle est d'abord un enjeu humain pour
toute la communauté de travail. C'est aussi un enjeu de protection
de l'environnement, d'urbanisme et d'aménagement du territoire.
Nous devons collectivement tirer toutes les leçons de cette tragédie.
L'Etat, les collectivités locales, les industriels doivent se donner
les moyens d'empêcher que de telles catastrophes se reproduisent,
quitte à revoir certaines situations existantes.
La prévention, c'est aussi une chance pour nos entreprises, pour
nos économies. En les poussant à inventer de nouveaux procédés
pour consommer moins d'énergies fossiles, capter et recycler les
gaz émis, construire des partenariats, développer les énergies
renouvelables, elle engage une nouvelle quête de progrès.
La recherche pour l'environnement et l'énergie doit devenir une
priorité pour la relance d'une politique en faveur de l'innovation.
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Monsieur le Président
Mesdames, Messieurs,
Les accidents écologiques dont nous sommes victimes doivent renforcer
notre engagement à trouver les voies d'une écologie humaniste
au service de notre avenir et des générations futures.
La mondialisation inquiète, mais elle est aussi promesse d'un
immense progrès, à condition que nous donnions un sens à
ce progrès en privilégiant de plus en plus la qualité
sur d'autres considérations.
A condition aussi que nous sachions réestimer le rôle de
l'Etat, nécessaire garant de l'intérêt général,
responsable des décisions qui engagent à long terme la collectivité
nationale.
A condition encore que nous sachions nous doter, à l'échelle
nationale, européenne, universelle, d'une éthique et de
règles capables d'encadrer nos choix.
Et à condition que nous apprenions à transcender l'économie
et la technologie par des valeurs humaines.
Je vous remercie.