Le 22 février 2002
Un filtre à eau dont l'usage est très répandu dans les pays en développement pourrait devenir tout aussi populaire en Amérique du Nord. Selon son inventeur, ce filtre aurait pu prévenir des catastrophes comme celle de Walkerton et de North Battleford.
David Manz, autrefois professeur de génie civil à l'Université de Calgary, a mis au point, en 1988, un filtre à eau afin de fournir aux collectivités des pays en développement de l'eau potable salubre et à bon marché.
Le sable : un filtre naturel
Le filtre repose sur une conception centenaire appelée « filtre à sable lent » : l'eau passe à travers une couche de sable et le lit biologique qui se forme naturellement purifie l'eau. Le filtre de David Manz comporte toutefois une grande amélioration : il ne requiert pas un débit continu d'eau pour empêcher la couche supérieure de sable de sécher.
Plus facile que de faire bouillir de l'eau et, étonnamment, sans casse-tête technique, le filtre remporte un franc succès à l'étranger. Il est utilisé dans plus de 50 pays, affirme Manz depuis le bureau de la société qu'il possède à Calgary, Davnor Water Treatment Technologies. Davnor compte aussi une usine au Bangladesh où ont été fabriqués environ 30 000 filtres, et en exploite d'autres au Nigéria et en Afrique du Sud. Le filtre est utilisé également par des organismes de bienfaisance et des organismes de développement comme le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) du Canada, qui a testé le filtre dans certaines collectivités du Chili.
Un système de purification d'eau éprouvé
Barney Dutka, qui a récemment pris sa retraite de l'Institut national de recherche sur les eaux, a contrôlé les premiers prototypes du filtre de Manz. « S'il est convenablement installé, il fonctionne à merveille », dit-il. Les tests ont révélé que le système vient à bout des parasites : « il filtre entièrement la giardia, le cryptosporidium dans une proportion de 99,98 p. 100 et E. coli à plus de 90 p. 100 », souligne Dutka. Le cryptosporidium est à l'origine de l'altération de l'eau à New Battleford, en Saskatchewan, tandis que E. coli est le bacille qui a causé la contamination de l'eau à Walkerton.
« Les problèmes survenus à Walkerton n'auraient pas existé si les autorités avaient utilisé un filtre à sable lent », soutient Manz. « On aurait pu faire appel au même conducteur d'installation, de façon tout aussi valable, et il n'y aurait jamais eu de problème ».
Éliminer les difficultés
L'ironie veut qu'un problème décelé dans les premiers modèles du filtre de Manz, utilisé au Chili vers le milieu des années 1990 dans le cadre d'un projet financé par le CRDI, permette de découvrir que le filtre serait utile au Canada. « On ne cessait de m'appeler du Chili pour me dire que les filtres se bouchaient constamment. Personne ne pouvait me dire ce qui se passait », se rappelle Manz. « Le CRDI m'a donc renvoyé là-bas; je n'ai pas été long à constater ce qui bouchaient les filtres : ils servaient à la déferrisation de l’eau. »
« C'était très important pour les collectivités chiliennes parce qu'ainsi elles ne tachaient plus leurs vêtements en faisant la lessive et l'eau avait meilleur goût », ajoute Manz. Bien que le fer ne nuise en rien à la salubrité de l'eau, l'eau qui en contient suffisamment laisse sur les vêtements des taches orangées. Il se trouve que l'eau ferrugineuse pose aussi problème au Canada. « C'est un énorme problème – dans tous les pays du monde », souligne Manz.
Des filtres à sable dans des fermes canadiennes
Le filtre a subi des modifications afin de pouvoir déferriser sans s'obstruer. « J'ai présenté la nouvelle version à un groupe de l'Université de Calgary; la déferrisation les a enthousiasmés et ils m'ont demandé s'il était possible de faire la même chose dans une ferme. '' Naturellement '', leur ai-je répondu. »
Les filtres ont donc été utilisés pendant près de six ans dans des collectivités agricoles de l'Alberta, dans le cadre d'un projet parrainé par l'Administration du rétablissement agricole des Prairies (ARAP) d'Agriculture Canada. « Tout marche comme sur des roulettes », rapport Manz en parlant du projet ARAP. « Non seulement nous réussissons à prélever le fer, mais nous savons aussi comment piéger le sulfure d'hydrogène, les ferrobactéries et autres saletés que l'on trouve dans les puits. »
Au service des entreprises et des collectivités
Les filtres, qui au départ ressemblaient à de simples seaux, sont devenus de grands systèmes automatisés. « Des filtres encore plus grands sont utilisés dans une réserve autochtone à l'ouest de Calgary et la pétrolière Chevron compte se servir de ce modèle dans des collectivités du Nigéria », indique Manz.
Le prix des filtres varie : les modèles manuels, plus petits, qui peuvent filtrer une vingtaine de litres d'eau en une heure, coûtent environ 150 $ tandis que les très grands systèmes automatisés, capables d'alimenter en eau des villages et des collectivités, valent près de 250 000 $Colin Campbell est rédacteur pigiste à Ottawa.
Renseignements :
David H. Manz, Président, Davnor Water Treatment Technologies Ltd., 4007 23rd Street N.E., Calgary, Alberta T2E 6T3; tél. : (403) 219-3363; fax : (403) 219-3373; courriel : davnorinfo@davnor.com; site web : http://www.davnor.com/