LA MORT TISSE
Quatrième roman, écrit de 1997 à 1999 à Tokyo.
Dans l'atmosphère d'après mai 1968 et de la fin de la guerre du Vietnam, ce roman est l'histoire de Joseph, un jeune étudiant qui, par un reste de christianisme, épouse Maud, mère célibataire d'origine eurasienne. Trois parties : le noeud, l'ascension et la chute.
A la fin, comme dans un rêve, Maud, Joseph et la petite Muriel s'envolent sur le Viet, l'aigle fantastique sculpté par l'artiste Sanloz qui habite derrière leur impasse.
Souviens-toi ! Tu avais les deux mains collées à son cou. Tu la secouais, tu serrais dans un brouillard, aveuglé par la rage. Sur le lit défait, le drap froissé, tu étais pressé à son flanc. L'ampoule clignotait sous l'abat-jour rouge. Elle avait rallumé en pleine nuit, t'avait réveillé pour parler ; ça lui arrivait de plus en plus souvent, depuis que tu avais emménagé avec elle dans cette impasse de triste mémoire : l'impasse du Rouet. Tu as serré plus fort, et ses yeux de louve égarée se sont voilés d'une lueur d'inquiétude. Elle a cessé d'argumenter, de t'injurier, elle s'est tue enfin. Sous l'étreinte de fer de tes doigts, peut-être commençait-elle à avoir du mal à respirer ? Elle ne protestait pas, ne s'agitait pas, la surprise simplement s'agrandissait dans ses yeux. Tu ne savais plus ce que tu faisais. La maison était calme : personne ne se doutait de rien, tout dormait. Il devait être une heure et demie du matin pour le moins. La-bas, sur l'avenue, de rares voitures glissaient en direction de la place Denfert, - sons vite étouffés à travers le vide de l'impasse, dans la chambre en retrait. De ce bout de rue tronquée, de ton refuge du quatrième, tu ne savais que penser ; mais, dans les dessous de la conscience, le nom te troublait. Et si c'était l'impasse du Roué...!
Je suis sûr qu'à ce moment, tu ne contrôlais plus tes mains...
Et puis tu as relâché l'étau.
Brusquement. Sans savoir pourquoi. Quelqu'un t'a sauvé.
Moi. Ou quelqu'un d'autre.
Comment savoir ?...
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