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L'oeil de l'exil


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Nouvelles  

LES CAVES DE L'EXISTENCE


Premier roman, écrit de 1988 à 1990 à Tokyo.

Trois parties :
I) Dans la caverne
II) En cellule
III) A l'air libre


Un voyage initiatique entraîne le héros et son alter ego chinois de Paris au Népal où le Maître des Fourmis les éveille au yoga. La partie centrale est un récit dans le récit inspiré par les évènements tragiques de la place Tian-an-men en 1989 à Pékin. Comme une sorte de sonate asiatique, l'oeuvre est encadrée par un prélude et une coda.


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La grotte sentait l'eau et la terre, la décomposition végétale. Trois hommes se tenaient là, dans la pénombre, assis en posture de méditation. Alexis et Gyani, son jeune compagnon népalais, faisaient face au vieux maître, le Maître des Fourmis, ainsi nommé parce qu'il avait coutume de les nourrier, ne se déplaçant jamais sans emporter un sac de riz à cet effet, peut-être pour sauver ainsi quelques-unes des proies qu'elles dévorent tout vif.
Le silence était complet, dense, impressionnant. On n'entendait que le léger souffle des respirations, ou plus exactement, on le devinait, de même que le paisible battement des cœurs, de trois cœurs à l'unisson, ce bruissement vague de la vie en cours. Les courants de sang rouge continuaient à s'activer, tranquillement, sourdement.
Depuis combien de temps se tenaient-ils ainsi immobiles ? Alexis avait l'impression que ses bras étaient de pierre, que sa matière cérébrale se figeait, se solidifiait peu à peu, comme par un lent mais inexorable processus de glaciation. Et puis, cette lourde sensation de chaleur fourmillante, au niveau de l'épine dorsale...
Tout à coup, il eut la conscience d'un mouvement, d'un déplacement, comme un navire lève l'ancre, et s'éloigne du rivage. Bien que toujours immobile, il voguait, sous l'emprise d'une légère ivresse, une ivresse sobre ; il s'acheminait par une progression régulière, au gré du flottement ; un passage sombre s'ouvrait devant lui, l'aspirait peu à peu, sans résistance possible, comme un courant d'eau montant dans une cave, dans les conduits souterrains d'une enfilade de caverne. Il y flottait à présent, libéré, aussi léger qu'une balle de coton, tout en continuant de sentir, à ses côtés, la calme présence impassible de Gyani, d'entrevoir les traits fins de son visage, délicatement tendu par un effort d'attention intérieure, d'entendre sous souffle ténu, et tout cela dans un étrange recul, comme derrière un voile de tulle, avec un effet magique de distance détruite...
TURIYA ! Le quatrième état ! ... C'était donc cela, turiya, le ravissement du yoga, ce glissement humide à travers une impassibilité de pierre.
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